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Citation de Cannetille


Je ne me suis pas interrogé, ou j’ai fait semblant. Ça m’arrangeait bien. Mais oui, il faut se dévoiler, à un moment se laisser aller à confier : « Voici ma fêlure. Voici qui je suis. » Leur attitude était compréhensible, ils ne désiraient pas une interview mais un échange, un partage. C’est plus juste. Aussi, quand je leur racontais que ma famille avait été aidée par le Secours populaire, que j’ai porté des vêtements que d’autres avaient portés, que la cantine de l’école était un palace, que l’on faisait une fête d’un sandwich kebab, alors le lien de confiance s’établissait. Ils me comprenaient. J’en restais là. Pas besoin d’en rajouter. Mais j’en suis conscient : on se perd à trop vouloir fuir.
La fêlure est sans doute là, dans ce qu’il faut bien appeler une revanche sur le sort qui m’attendait. Une rage de vivre quand même. Chez nous, chez ceux que l’on met dans le camp des perdants de naissance, on est capable de montrer de la fierté, de l’orgueil. Ce ne sont pas de beaux sentiments, comme dirait le Philosophe, parce qu’on vit sous l’emprise du regard des autres ; mais à notre manière c’est une sorte d’amour-propre qui nous pousse à agir, à nous surpasser, la conscience qu’on mérite la dignité, le respect. On sourit quand on est sous-estimé, c’est notre lot quotidien, et notre force aussi car ça nous permet de surprendre. C’est sûr, on ne démarre pas avec la confiance chevillée au corps.
La fêlure, c’est aussi, il faut bien l’avouer, un désir fou d’être aimé, ou, du moins, de recevoir un peu d’égards. On est prêt à en faire beaucoup pour mériter tout ça. Moi, c’est ma mère qui m’a donné la main et ce goût de la bagarre. Elle ne sait ni lire ni écrire ? Alors, j’en ferai mon métier. On a changé de pays ? Alors, j’adopterai celui qui m’a accueilli au plus profond de moi, avec sa langue, sa culture, jusqu’à ses contradictions même ; pour lui dire merci de m’avoir sauvé, d’avoir aidé ma mère et ces compagnons d’infortune (…).
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