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4.09/5 (sur 11 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1991
Biographie :

Murielle Joudet est critique de cinéma.

Elle écrit pour le quotidien "Le Monde" et l'hebdomadaire "Les Inrockuptibles" et est chroniqueuse à la radio (La Dispute, France Culture) et à la télévision (Le Cercle, Canal+).

Elle anime également une émission d'entretiens mensuelle sur le cinéma pour un site internet, http://hors-serie.net où elle reçoit des critiques, des universitaires et des cinéastes.

Elle est l’auteure de deux essais : "Isabelle Huppert. Vivre ne nous regarde pas" (2018) et "Gena Rowlands. On aurait dû dormir" (2020, prix du meilleur livre de cinéma décerné par le CNC en 2021) aux éditions Capricci, et a co-signé l’ouvrage "Alfred Hitchcock. La Totale" (2019, E/P/A éditions).

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Sous les feux de la critique, deux films : "Un Peuple", le documentaire d'Emmanuel Gras sur le début du mouvement des Gilets Jaunes et "Maigret" de Patrice Leconte avec Gérard Depardieu dans le rôle titre, en salles le 23 février. Pour en parler, aux côtés de Lucile Commeaux : Murielle Joudet, critique cinéma aux "Inrockuptibles" et Charlotte Garson, rédactrice en chef adjointe des "Cahiers du Cinéma". - "Un peuple" d'Emmanuel Gras En octobre 2018, le gouvernement Macron décrète l'augmentation d'une taxe sur le prix du carburant. Cette mesure soulève une vague de protestations dans toute la France. Des citoyens se mobilisent dans tout le pays : c'est le début du mouvement des Gilets jaunes. À Chartres, un groupe d'hommes et de femmes se rassemble quotidiennement. Parmi eux, Agnès, Benoît, Nathalie et Allan s'engagent à corps perdu dans la lutte collective. Comme tout un peuple, ils découvrent qu'ils ont une voix à faire entendre. - "Maigret" de Patrice Leconte Maigret enquête sur la mort d'une jeune fille. Rien ne permet de l'identifier, personne ne semble l'avoir connue, ni se souvenir d'elle. Il rencontre une délinquante, qui ressemble étrangement à la victime, et réveille en lui le souvenir d'une autre disparition, plus ancienne et plus intime... #cinéma #critique #franceculture _____________ Découvrez d'autres critiques : https://www.youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrrnICYZQfP92U3K2¤££¤34Inrockuptibles35¤££¤ ou sur le site : https://www.franceculture.fr/emissions/la-critique Suivez France Culture sur : Facebook : https://fr-fr.facebook.com/franceculture Twitter : https://twitter.com/franceculture Instagram : https://www.instagram.com/franceculture

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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Huppert n’est plus son corps. Un détail en rend compte : la chaleur de la
pellicule la rendait concrète, présente. Sur la pellicule s’imprimaient les
taches de rousseur de son corps, ses premières rides – aucun doute, cette
femme existait. Dans ses films récents, on est frappés par le flou qui entoure
ses apparitions : son visage donne l’impression d’être filmé à travers un
voile de gaze qui estompe ses traits, gomment ses éphélides et les rides que
devrait normalement avoir une femme de son âge. Elle semble éthérée,
désincarnée, immatérielle comme l’image numérique. À rebours des lois de
la nature, plus elle avance en âge, plus elle s’allège. Dans certains films, on
peut supposer que son corps est retouché numériquement. On appelle ça le
« Beauty Work ». Si, désormais, tout le monde sait que toutes les images en
circulation sont soumises à un travail de retouche sur Photoshop, personne
ne se doute qu’il en est désormais de même pour n’importe quelle fiction
audiovisuelle – comment corriger ce qui est en mouvement ? De fait, le
Beauty Work implique un travail titanesque, qui se fait plan par plan. En
2014 (depuis, la technique s’est sans doute largement améliorée et
automatisée, des filtres embelliseurs existent sur les logiciels), une longue
enquête menée sur trois ans a été publiée sur le site d’actualités Mashable,
l’un des rares à décrire la procédure en détail : « Une poignée d’artistes
qualifiés utilisent un logiciel hautement spécialisé dans les dernières étapes
de la post-production pour affiner, vieillir et améliorer les visages et les
corps des acteurs. C’est cette version des stars que nous, le public, voyons à
l’écran. Et si cela vous surprend, c’est parce que la première règle du
Beauty Work est justement de ne pas parler du Beauty Work 3. » Que fait
disparaître le Beauty Work ? Tout ce qu’on veut : pattes d’oie, poils et
cheveux gênants, bourrelets, cernes, boutons, pores trop apparents. Il peut
aussi blanchir les dents, illuminer le teint, affiner n’importe quelle partie du
corps, faire disparaître une grossesse. Plus ironiquement, on peut aussi
ajouter des expressions à un visage figé par la médecine esthétique. Les
retouches attaquent jusqu’au jeu d’acteur : on peut dessiner un sourire, une
larme, froncer les sourcils, modifier le mouvement des lèvres pour lui faire
dire une autre réplique.
La possibilité de rajeunir les acteurs s’est publiquement concrétisée au
moment de la sortie de L’Étrange Histoire de Benjamin Button (David
Fincher, 2008), l’adaptation d’un conte de Francis Scott Fitzgerald, où le
héros naît vieillard et rajeunit jusqu’au stade du nourrisson. Le projet a mis
longtemps à se faire, le temps que la technique soit à la hauteur d’une telle
ambition : tour à tour rajeunir et vieillir ses deux vedettes, Brad Pitt et Cate
Blanchett qui traversent tous les âges, mais l’un à rebours de l’autre. Les
effets spéciaux (surtout réservés à l’acteur) combinaient un maquillage
sophistiqué à un dispositif lourd : on appliquait une poudre
phosphorescente, invisible à la lumière, sur le visage de l’acteur, puis à
l’aide d’un système d’éclairage et de caméras synchronisées, les ordinateurs
saisissaient ses contours en 3 D. L’effet spécial (baptisé de-aging) s’expose
clairement, mais, en retirant vingt ans à un Brad Pitt quadragénaire, il aurait
eu du mal à se dissimuler. Étrangement, le de-aging pleinement assumé est
une prouesse réservée aux acteurs : Will Smith traverse tous les âges dans
Gemini Man (Ang Lee, 2019), Robert de Niro retrouve sa jeunesse dans
The Irishman, Michael Douglas la sienne dans Ant-Man et la Guêpe
(Peyton Reed, 2018)... Comme si seuls les hommes pouvaient rajeunir pour
les besoins du récit, rassembler tous leurs visages au sein d’un film, tandis
qu’on suppose que les actrices ne le font que pour des raisons honteusement
esthétiques.
Depuis Benjamin Button, remonter le temps est devenu techniquement
envisageable. La méthode s’est affinée et simplifiée : il s’agit désormais
d’opérer des corrections plus subtiles. Onéreuse, elle est surtout réservée
aux plus grandes stars et fait désormais partie intégrante du budget d’un
film : le tour de magie coûte, en 2014, de 500 à 2 500 dollars par plan –
rajeunir a toujours été réservé à l’élite. En somme, plus besoin d’être au
summum de sa forme lors d’un tournage, le Beauty Work s’occupe de tout :
« Si vous êtes sorti d’un cinéma dernièrement et que vous avez dit : “Elle
était superbe dans cette scène de strip-tease !” ou “Wow, avez-vous vu ses
abdominaux ?”, il y a de fortes chances qu’ils ne se soient pas contentés de
l’intervention d’un coach personnel ou du régime strict à base de poulet et
de brocolis dont vous avez entendu parler lors d’un talk-show de fin de
soirée 4. » On va jusqu’à modifier l’inanimé, comme en témoigne une
retoucheuse : « J’ai fait du “Beauty” sur des voitures, des objets, des
ordinateurs – si vous regardez quelqu’un qui tient un téléphone, ce n’est pas
seulement la personne qui doit être belle. Le téléphone doit aussi avoir fière
allure 5. » La technique va encore plus loin : elle est capable de greffer le
visage d’un acteur sur un corps plus svelte ou musclé, de prélever un bout
de peau pour l’utiliser sur un autre corps. Le Beauty Work, c’est un rêve de
chirurgien qui ne se heurterait pas aux limites imposées par la médecine et
qui, en plus, ne laisse (presque) aucune trace de son passage. Interrogé à ce
sujet, Claus Hansen, l’un des pionniers de la technique, accepte de
répondre : « Personne ne ressemble à ce que vous voyez à la télévision ou
dans les films. Tout le monde est modifié 6. » Désormais, il est même
possible de tourner une scène en l’absence de l’acteur : on scanne
numériquement son corps pour ensuite modéliser un double numérique
(digital double). En 2019, l’actrice Carrie Fisher – décédée en 2016 – n’a
pas pu terminer le tournage de Star Wars, épisode IX : L’Ascension de
Skywalker (J. J. Abrams, 2019). La post-production s’est chargée de
l’intégrer à des séquences entières en puisant dans d’anciennes scènes non
utilisées. L’acteur en mouvement semblait être le dernier refuge du réalisme
ontologique : un corps qui bouge à l’image a été là, un jour, devant la
caméra. Mais la chair comme preuve ne tient plus – elle est devenue une
matière trafiquable comme une autre, un mirage pixellisé.
En France, on glane çà et là quelques informations qui ne donnent sans
doute pas la pleine mesure du phénomène. Si l’on parle un peu plus
librement du recours à la chirurgie esthétique, le silence s’est déplacé sur la
« chirurgie numérique » opérée sur l’image en mouvement. Un silence
galant : car parler de Beauty Work, c’est toujours culpabiliser les actrices,
rarement les acteurs. Et, de même qu’on ne demande pas son âge à une
femme, on ne lui demande pas non plus ce qu’elle a fait pour paraître
moins. Le cinéaste Nicolas Winding Refn s’est inquiété de la généralisation
de la retouche numérique : « Pour des générations d’adolescents, il va être
difficile de ne pas se haïr physiquement car les films donnent à voir des
corps divins. Nous nous identifions davantage à l’imperfection qu’à la
perfection. 7 » La technique soulève des questions aussi bien éthiques que
formelles, qui doivent être prises en charge : que nous raconte cette ère du
désincarné, cette horreur du défaut, ces corps numériques ? À force de
désinfecter l’image, on aseptise les récits.

Chez Huppert, une fois l’œil exercé, on croit pouvoir constater que ses
apparitions sont recouvertes d’un subtil sfumato. Son regard et ses lèvres
flottent à la surface d’une figure diaphane ; l’actrice semble réduite à trois
traits, une calligraphie. Elle est devenue spectrale, l’écho d’une présence.
Ce n’est pas un hasard si l’on croise son fantôme dans Blanche comme
neige (Anne Fontaine, 2019), médiocre adaptation de Blanche-Neige où elle
campe la belle-mère jalouse de la somptueuse jeunesse de sa bru. Le
problème est insoluble : le flou artistique relève-t-il d’un choix esthétique
ou l’image s’est-elle mise au diapason des exigences de sa vedette ? Même
question devant Eva de Benoît Jacquot, où l’actrice joue, à 65 ans, une
prostituée de luxe qui fait tourner la tête de Gaspard Ulliel. Huppert – c’est
à saluer – fait figure d’exception dans le cinéma français et cumule
plusieurs rôles où elle entretient une relation avec des hommes beaucoup
plus jeunes qu’elle : Eva, L’École de la chair (Benoît Jacquot, 1998), La
Ritournelle (Marc Fitoussi, 2014), La Pianiste.
Plus intimement, la retouche numérique semble presque être un élément
du programme huppertien : il vient ajouter la dernière touche à son
ambition. C’est l’idée qui préside à Madame Hyde (Serge Bozon, 2017),
inspiré de L’Étrange Cas du Dr Jekyll et Mr Hyde de Robert Louis
Stevenson, canevas idéal pour filmer le basculement irrémédiable du corps
de l’actrice, entièrement passée de l’autre côté du miroir. Professeure de
physique sans aucune autorité, Mme Géquil est chahutée par ses élèves.
Après qu’un orage a frappé son laboratoire, elle retrouve son énergie, la
capacité de faire cours, surtout, se dote d’un super-pouvoir : souffre-douleur
le jour, elle se métamorphose en créature fantastique à la nuit tombée ; une
femme de feu qui, bientôt, terrorise tout le quartier. L’effet qui permet de
donner vie à Hyde est obtenu numériquement : « C’est de la polarisation
toute bête, Huppert est en négatif dans une image qui reste en positif 8. »
L’idée visuelle, somptueuse, résonne comme le point d’orgue d’une
réflexion cinématographique sur le corps de l’actrice, entièrement passée du
côté du surnaturel – à la fin, Hyde finit par prendre le dessus sur Géquil,
l’effet numérique sur la chair. Madame Hyde donne vie à une idée : Isabelle
Huppert, c’est désormais un effet spécial. Un corps souffrant transfiguré en
corps glorieux.
Ce n’e
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Chaque film est le fruit d'un réveil douloureux, d'une illusion tombée un jour. Celle du mariage, de la jeunesse envolée, du désir qui ravage encore, des rêves dissipés par le conformisme.
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C’est sans doute son physique, atypique pour l’époque, qui lui a permis
de s’arracher aux rôles conventionnels. Car Davis n’a jamais été considérée
comme une « beauté hollywoodienne » : le regard se cogne contre ses yeux
de fougère exorbités, son grand front qui lui donne l’allure d’une poupée
maléfique. L’actrice sait qu’elle ne correspond pas aux délicats canons du
glamour : « C’est vrai, ce sont des beautés qui ont fait le renom de
Hollywood. À l’époque, les belles étaient Jean Harlow, Rita Hayworth,
Joan Crawford, Lana Turner, Hedy Lamarr et, bien sûr, Marilyn Monroe.
Les autres, dont je faisais partie, s’appelaient [Katharine] Hepburn, Tracy,
Cagney, Fonda et Bogart. Tous issus du théâtre, les pas-beaux avaient été
attirés à Hollywood par l’avènement du parlant . »
Obéissant au destin que lui dessine son physique, Davis peut dès lors en
demander plus à son métier, parcourir autre chose que la sphère
d’expériences très restreintes que vous permet la seule beauté. Être trop
belle vous dépossède de votre image, vous condamne à l’exigence de plaire
au public et à l’obligation de lui réitérer sans cesse cette promesse de
bonheur qu’induit votre apparition. À l’inverse, Davis s’envisage comme
une promesse de malheur et affûte un jeu unique et expressionniste : ses
doigts se tortillent en tous sens et expriment l’impatience à vivre autant que
l’énergie nerveuse de ses héroïnes. Sa manière unique d’articuler les
syllabes exaspère les dirigeants de la Warner ; bien loin de chercher à
atténuer la violence de son regard, elle exploite toutes les possibilités que
lui offre son jeu de paupières. Indifférente au réalisme, Davis en fait
toujours trop, pour que le cinéma devienne un peu plus que la vie : « Je
pense que jouer doit être plus grand que la vie (larger than life). L’écriture,
le scénario doivent être plus grands que la vie. Tout doit être plus grand.
[...] La critique la plus fréquente qu’on m’ait faite, c’est que je suis too
much. C’est souvent ce qu’on me dit lorsque je joue avec des gens qui ne
font rien, donc, évidemment, j’ai toujours l’air d’en faire trop. Ça ne m’a
jamais déprimée, parce que j’ai toujours fait les choses ainsi, c’est une
histoire de goût : si on n’aime pas ce que je fais, j’en suis navrée. Mais je
crois que ma façon de faire est la bonne, et je le prouve . »
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Si sa filmographie s’avère aussi cohérente, traversée par des scènes, des
motifs et des plans qui se répètent (méchanceté, transformation,
détachement, déchéance), c’est que Davis a fini par prendre le contrôle de
son image. Dans une industrie où les femmes n’ont pas accès au poste de
réalisatrice, il leur reste – quand leur notoriété le leur permet – à maîtriser
un maximum d’étapes de la fabrication d’un film (scénario, mise en scène,
casting, costumes), jusqu’à en devenir les chefs d’orchestre non crédités au
générique. Davis signe ses œuvres ; les notes laissées par le directeur de
production sur le tournage de Mr Skeffington en témoignent : « Nous
sommes confrontés à un dilemme du fait que les producteurs refusent de
n’avoir aucune part dans le film. Non seulement Miss Davis est la
réalisatrice, mais elle est désormais devenue productrice. Malgré tout, nous
continuerons d’avancer 7. » Plus loin, il explique la raison pour laquelle
l’actrice a pris l’habitude de tourner avec certains cinéastes peu
autoritaires : « Je comprends pourquoi Bette Davis veut que Sherman la
dirige – pour la même raison qu’Ida Lupino aime Sherman. Il les laisse
faire ce qu’elles veulent et, en réalité, ce sont elles les réalisatrices, si vous
allez au bout du raisonnement. » Il conclut : « En réalité, c’est Bette Davis
qui réalisait le film. Elle avait pris le contrôle partout 8. »
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