Murielle Renault explique comment elle a construit ses personnages .
Dans son dernier roman,
A qui le tour ? (Le Dilettante,? 2013),
Murielle Renault a imaginé cinq personnages qui gagnent le gros lot du loto. Comment réussir à trouver des voix vraiment différentes pour chaque protagoniste ? Comment les décrire ?
Murielle Renault explique comment elle a inventé ses personnages de gagnants du loto et comment elle les a construits.
J'étais tranquille, une revue sur les genoux, en train de lire un article passionnant sur les dix trucs qui vous rendent irrésistible au lit. Le genre d'articles pour lequel j'affiche comme tout le monde un complet mépris en public et sur lequel je me rue dans l'intimité, des fois qu'il y ait un truc essentiel qui m'aurait jusque-là échappé.
J'avais beau lutter pour me retrouver du coté des gens heureux, j'aimais les âmes sombres et tortueuses, les sensibilités déglinguées, j'aimais les sables mouvants et les adultes qui restent d'éternels enfants.
Quand on n'a pas d'argent, on peut prétendre que c'est à cause de ça qu'on n'est pas heureux, mais une fois qu'on en a ? Plus d'excuses ! Et si alors on n'est pas heureux, c'est qu'on est un zéro, vous comprenez ?
Nous allions nous marier, pour de vrai, et soudain j'en percevais la portée. Plus jamais d'autres femmes, plus jamais d'autres émois, Juliette le matin, le midi, le soir, Juliette à trente ans, mère de mes enfants, à quarante, Juliette ménopausée, ne me laissant plus l'approcher, Juliette à la retraite, rides et cheveux gris, la fatigue, l'ennui, de plus en plus envahissants, la maladie peut-être aussi, qui de nous deux pour le premier cancer ou la première crise cardiaque ? et, au final, deux petits vieux s'aimant encore ou plus du tout. (p. 143)
Un roman qui se lit facilement mais que l'on ne quitte pas de façon aussi légère qu'on l'a commencé; le récit léger en apparence va mettre en exergue la dureté avec laquelle la société traite les personnes n'ayant pas les mensurations standart désormais érigées en normes. L'auteure aborde les thèmes de la confiance en soi, du poids de la société, de la télé-réalité, de la relation amoureuse...a découvrir et à ébruiter!
Je n'avais jamais douté de nous, je m'étais marié, persuadé que ce serait pour toujours, et je refusais que mon mariage soit un échec. Je n'avais pas envie de renoncer à Jessica, et dans le même temps, j'étais obsédé par Marilyne. Je voulais juste m'offrir une parenthèse, je ne voulais pas vieillir avec Marilyne, mais profiter avec elle d'un épisode qui me redonnait mes vingt ans, en mieux. Juste une parenthèse, pourquoi n'était-ce pas possible sans passer du côté des salauds ? (p. 162)
c'est terrible les gens gentils, on ne peut jamais s'en prendre à eux sans se sentir coupable. Et moche de l'intérieur. Et injuste. Ce sont des robinets à culpabilité les gens gentils.
- C'est rassurant, c'est vrai, mais quelle image va-t-il donner de toi ? Il faut que tu restes la reine du monde, ma Clauclau !
- Arrête, je ne règne sur rien, je suis juste présidente d'honneur d'un carré d'herbe qui ne mesure pas grand-chose, avec quelques moutons qui paissent dessus, rien de plus.
Extrait
« Elle voulait tout savoir. Depuis quand j'étais grosse, si j'étais dépressive, si j'avais des amis, depuis quand j'étais avec Pascal, quel était mon idéal de beauté féminine, si j'avais déjà eu recours à la chirurgie esthétique… les questions fusaient sans jamais me laisser le temps de reprendre mon souffle. J'ai eu du mal au début, m'emmêlant dans mes réponses, hésitant à dévoiler ce qui ne me semblait pas la regarder mais le tempo frénétique des questions m'a vite fait oublier où j'étais, pourquoi j'étais là et à qui je parlais (une inconnue). »
Je pense que tu vas beaucoup t'emmerder dans la vie, ce qui n'est pas très grave, mais aussi beaucoup emmerder ton entourage, ce qui l'est davantage.