Nina Darnton

- Les enfants grandissent . Parfois, ils ne font pas ce qu'on attend d'eux .

- Qu'est ce que tu appelles mes "mécanismes défensifs "? Tu crois que je suis responsable de tout?
- Je pense que tu te sens responsable de tout ce que font les enfants et c' est pour ça que tu ne les vois pas comme ils sont . Je pense que tu tires trop de fierté de leurs succès et du coup leurs échecs sont aussi les tiens .

Si tes enfants étaient parfaits, tu pouvais croire que tu étais la mère parfaite.

- Tu as vu le monde qu'il y a , fit Jennifer . Il est onze heures . Ils ne dorment jamais , ici ?
- Ils sont habitués .
- Mais ils n'ont pas besoin de se lever le matin pour aller au travail ? Quand même , ce n'est pas sain d'aller au lit avec l'estomac plein .
Le visage d'Emma trahit son agacement .
- Maman , tu es tellement américaine ...

Vous savez , je pense à toute ces mères que je trouvais trop froides ou négligentes , ou alors trop strictes avec leurs enfants , et vous savez quoi ? on dirait que leurs enfants n'en sont pas plus mal .

Elle était tourmentée par toute une litanie de peurs à propos de ses enfants, des vicissitudes normales de la vie – un chagrin d’amour, un échec, une déception – aux dangers plus graves : maladie, accident de voiture, agression, viol, et même meurtre. Elle avait lu des articles à propos d’étudiants qui deviennent fous et qui font irruption dans des dortoirs en tirant sur tout le monde, et l’idée que cela puisse arriver à l’un de ses enfants l’avait terrifiée pendant des jours. Mais elle n’aurait jamais imaginé que sa fille puisse être soupçonnée d’avoir provoqué la souffrance d’une autre mère. Elle avait la certitude inébranlable qu’Emma n’y était pour rien.

Comment était-elle passée de mère d'une étudiante modèle de Princeton à une mère d'une jeune femme accusée de complicité de meurtre et rouée de coups par une bande de gitanes après avoir refusé de coucher avec l'une d'elles?

Vous savez, après une nuit en cellule, les gens se mettent souvent à parler. C’est sale, miteux, vous êtes entassé avec les autres, la nourriture est infecte, et, chaque fois que vous voulez aller aux toilettes, un policier vous accompagne. Certains de ces policiers sont assez effrayants. J’ai eu une affaire où le policier criait après une jeune femme en collant sa tête à la sienne et en tapant du poing sur la table pour la terrifier.

Quelle ironie, se dit-elle, que les choses qui vous ont attiré soient exactement celles qui finissent par vous répugner !

Elle avait également conscience d’être une femme très séduisante, ce qui lui avait plutôt réussi au cours de sa vie. Elle était fière de ses yeux bleus et de ses cheveux noirs lustrés, et elle passait trois matinées par semaine en salle de sport pour conserver un corps tonique et élégant, encore ferme et jeune bien qu’elle eût soufflé ses quarante-six bougies un mois plus tôt. Elle supposait que les Espagnols étaient plus formels que les Américains en matière d’habillement. Il lui fallait des tenues convenables, respectables – et Emma aussi, se dit-elle, mais elle pourrait s’en occuper une fois sur place. Au dernier moment, elle ajouta sa robe préférée, un fourreau noir sans manches, très simple, qui mettait en valeur sa silhouette fine et ses longues jambes.