Guillaume sentit quelque chose derrière lui et tourna lentement la tête pour jeter un œil, avant de sursauter en voyant un renard plus grand encore que le roux, aussi haut que lui-même, avancer pour se placer à ses côtés. Un renard blanc argenté, à neuf queues, au regard sévère, mais calme, qui répondit d’une voix tout aussi grave, mais parfaitement sereine :
« Je me mêle de ce que je veux, Yako, imbécile. Comment as-tu osé ? »
Guillaume eut un sourire de gosse émerveillé, oubliant un instant la situation pour regarder cette extraordinaire créature. La voix de Takashi le fit sursauter :
« Guillaume, viens m’aider ! »
Guillaume le regarda un instant, puis le renard blanc qui lui… sourit ?... et hocha la tête. Il fit la moue et rejoignit son ami rapidement alors que le renard blanc s’avançait de quelques pas. Les tanukis reculèrent craintivement et le renard roux cria encore :
« Comment est-ce que tu peux tolérer cette ignominie !
Il savait bien qu’il n’avait pas le choix. C’était le seul espoir qu’il avait de ne pas être séparé de Phil... Et puis, après tout, il était peut-être très sympa, cet oncle...
Il grimaça. Mais si cet oncle s’apercevait que ses neveux étaient malades comme leur mère, que se passerait-il...
Gael n’était pas dupe depuis longtemps, même s’il était parvenu jusqu’ici à le cacher à tous, et surtout aux services sociaux. Ces voix qui le harcelaient chaque nuit le lui rappelaient, sans cesse, et il était terrorisé à l’idée de finir comme sa mère, gavée de médocs et de plus en plus folle, jusqu’à la fin... Et il savait que Phil aussi en entendait... Son petit frère s’en tirait bien, jusqu’ici. Il avait réussi à tourner ça de façon à bien le vivre : il était persuadé que les animaux lui parlaient. Gael trouvait presque ça mignon et avait au moins réussi à le persuader que ça reste leur secret. Mais combien de temps Phil parviendrait à se tenir ainsi en dehors de la vérité...
Tu es sûr d’avoir rêvé du chien des ombres la nuit d’avant-hier ?
– Oui ! Tu peux demander, j’en avais parlé à mes copains… J’avais fait un cauchemar avec ce chien dans la forêt… Et j’avais aussi vu les gens qui étaient avec, mais ça, je m’en souvenais moins… »
Yulian sourit alors que les autres restaient surpris :
« La prémonition est un don rare.
– Oui, s’il se confirme, il va falloir être vigilant, approuva Elena.
– C’est bien comme don ? demanda Phil.
– Oui et non… Voir l’avenir, quand tu vois des dangers que tu peux éviter, c’est bien… Mais quand tu vois des choses contre lesquelles tu ne peux rien faire, c’est moins facile. » lui dit Yulian avec gentillesse.
Gael caressa la tête de son petit-frère, rassurant :
« Mais tu t’en fais pas, parce qu’on est là. On sera toujours là. Si tu as besoin, tu viens nous demander et on t’aidera. D’accord ?
Léonti marmonnait sa formule. Yuuki repoussa Kirill qui tomba au sol avant de se relever mécaniquement.
Lorsque Léonti écarta ses fils pour lancer son sort, il fut foudroyé en une seconde par l’éclair qui jaillit des mains des Johann.
Léonti tomba au sol et Yulian, bien que stupéfait, rattrapa Johann qui vacilla. Kirill cria et tomba à genoux en prenant sa tête dans ses mains. Gael se précipita, Yuuki aussi, mais elle était plus sur ses gardes.
Kirill se redressa, tremblant et choqué. Il inspira un coup et Gael s’accroupit près de lui :
« Eh, Kiki, ça va ?
– M’appelle pas comme ça…
Yuuki regardait aussi la louve et s’inclina poliment. La yokaï inclina poliment la tête aussi et, alors que son fils reprenait sa forme humanoïde, elle fit de même. Rajoutant une couche d’émerveillement sur Phil lorsqu’il la vit.
À la place de la grande louve se tenait désormais une femme pâle aux yeux dorés et aux longs cheveux blancs, dont les oreilles velues se dressaient fièrement, vêtue d’un kimono immaculé qui semblait d’une des soies les plus fines et douces.
« Gael, Tsume, gaffe, il y a un archer ! Je m’en occupe, chargez-vous du troll ! »
Le grand loup bondit, rugissant, et sa mâchoire se referma sur le bras de la grande créature, car cette dernière l’avait replié pour protéger sa gorge. Gael en profita pour s’approcher et la frapper à la cuisse.
Le troll faisait bien plus de deux mètres et sa force était juste titanesque à l’échelle d’un humain. Le faire chuter était donc une bonne stratégie.
« Ça doit être eux... Je vais ouvrir. »
Il posa la manette et se leva pour revenir un peu plus tard avec le juge Durand et Lucie. Tsume et Gael n’avaient pas bougé, mais queue, oreilles velues et griffes avaient par contre disparu, ne laissant que quelques poils sur le canapé.
Guillaume eut un petit rire en voyant que le tout jeune couple avait visiblement pris le parti de s’assumer. Le juge fit la moue et Lucie sourit.
« Asseyez-vous, je vous prie, je vais faire du café. Tsume, ugoite. [Tsume, bouge.]
– Hm. »
Le Japonais se redressa pour s’asseoir, restant clairement tout près de Gael qui passa son bras autour de ses épaules.
« Vous n’avez pas l’air bien, Gael ? » remarqua Lucie en s’approchant pour lui serrer la main.
Il lui sourit et la serra avec plaisir :
« Désolé, gros coup de froid.
– Et gros coup de cœur, aussi ?
– Y a de ça. »
Guillaume ferma les yeux et appela. Il sentit la petite boule chaude s’éveiller, sa chaleur envahir tout son corps.
Lorsque les yeux se rouvrirent, ils étaient rouges et ses pupilles fendues. Son corps avait forci, ses mains avaient désormais de redoutables griffes. Un sourire mauvais se fit sur les lèvres d’Akh et il se jeta sur Azerbiol.
Gael se redressa lentement, sonné. Il tremblait comme une feuille et vit cet homme, pas vraiment son oncle, terrasser la créature.
Le grand loup noir avait désarmé le deuxième. Les autres s’étaient enfuis. La femme au sol était apparemment indemne. Josef s’était relevé péniblement et lui sourit. Phil, qui était resté caché derrière le rocher, accourut.
Au bout d’un moment, Tsume déchiffrait tout seul, avec soin, et Gael opinait ou le corrigeait gentiment, mais le Japonais se trompait assez peu.
Un gros cœur rouge apparut sur une page et les deux garçons rosirent, également gênés. Puis, Gael écouta Tsume déchiffrer doucement :
« A-mo-u-re... »
Comme Gael rosissait un peu plus, regardant ailleurs, Tsume sourit tendrement, se pencha et répéta tout bas :
« A-mo-u-re... ? »
Gael le regarda du coin de l’œil, sourit, et Tsume caressa ses cheveux.
« … Gael... ? »
Le garçon tourna la tête et sourit un peu plus, toujours rose. Tsume soupira :
« Kawaî... » [Mignon...]
– Je suis venu te chercher, si tu le permets. Nous sommes invités à dîner.
– Eeeh ? Qui ça ?
– Euh, ben en fait… bredouilla-t-il, soudain gêné, en se grattant la tête. J’ai beaucoup parlé de toi à ma mère, et elle a parlé de toi à la reine Layana, et comme mon père, apparemment, peste beaucoup après toi qui a tué son chien des ombres, euh… Ma mère voulait te rencontrer et le roi Vrial et son épouse étaient curieux aussi alors voilà, nous sommes invités à dîner à leur table avec ma mère… »
Yuuki le regardait avec des yeux ronds :
« Nani… ? »
Yulian haussa les épaules :
« Me voilà donc à venir te chercher pour y aller tout de suite… Enfin, si tu es d’accord ? »