En un clin d'œil, la scène change du tout au tout. Là ou, un instant auparavant, il n'y avait que le clair ciel nocturne, tout mon champ de vision est inondé de lumière. Je flotte loin au-dessus du sol, en un lieu ou je ne suis jamais allé. Mon esprit fonctionne différemment maintenant, comme si j'étais quelqu'un d'autre, sans souvenir du passé. Je n'ai pas peur, je suis simplement consciente et docile. Je sais que j'ai été amenée ici dans un but. J'ai confiance et attends de découvrir ce que j'aurai à faire.
- Regarde-toi et ceux qui t'entourent . La seule et unique occupation de chacun à tout instant est de ce faire un moi. Ils ne cessent de s'adresser à cet être qui change et se développe en essayant de lui donner forme.
Un instant, nos regards se sont croisés. Elle m'a regardé droit dans les yeux. J'ai perdu toute notion du temps. J'étais plongé dans les doux yeux noirs de la nature même. Puis il s'est passé en moi quelque chose d'étrange. Je me suis aperçu que c'étaient mes yeux qui me rendaient mon regard. Entre l'homme que j'étais et la biche, la frontière s'était évanouie et nous ne formions plus qu'un...
Maintenant, poursuit-elle, écoutez le plus grand secret que je puisse vous révéler. Nous avons pour tâche de bâtir deux choses pendant notre existence physique : la réalité matérielle où nous vivons et notre Soi, c’est-à-dire le véritable être intérieur qui vit dans cette réalité extérieure.
Les deux tâches exigent une égale attention. Savoir maintenir l’équilibre entre l’une et l’autre est un art sacré et exigeant. Sitôt que nous en perdons une de vue, l’autre peut s’emparer de nous et nous asservir pour toujours. C’est pourquoi le Lac de l’Esprit, demeure de l’Être Intérieur, peut devenir chez tant de gens un lieu vide et mort. Ils se mettent à croire pour de bon que le monde extérieur est seul digne de leur attention. Tôt ou tard ils s’aperçoivent de leur erreur.
La maison a brûlé pendant des heures, avec les kams dedans. Personne du village n’a pu faire quoi que ce soit. Alors que la maison n’était plus que cendres, trois des kams en sont sortis vivants. Les étrangers étaient terrifiés. Ils n’ont pas essayé d’arrêter les trois kams mais se sont éloignés de la maison calcinée et, pétrifiés, ont regardé les kams s’éloigner. Ceux-ci sont partis dans des directions différentes et ont continué à exercer leur activité. Mais, depuis ce temps, les kams accomplissent leurs rites en secret. Oumaï descend d’un des trois kams sortis du feu.
Puis, saisissant le couteau, il coupa une mèche de mes cheveux.
- Regardez, ordonna-t-il. Je tiens votre maladie dans ma main !
Il lança la mèche sur la flamme de la bougie. Je ne l'avais pas vu l'allumer, et étais certaine que ni moi ni son épouse ne nous en étions chargée. Or, voilà qu'une belle et forte flamme jaillissait de nulle part. Si je n'en fus pas étonnée outre mesure c'est qu'en même temps je sentais que la fièvre m'avait quittée et que j'étais parfaitement rétablie.
Le récit d'Anatoli m'amena à penser que ma quête de savoir et de développement personnel était une aspiration présente en tout être humain.