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Citations de Page Comann (158)


Au bout de deux longues heures glaciales, le noroît dégage le ciel de ses nuages et libère les rives du lac des Ravages de leur écrin brumeux. […] Devant lui [Martin], un calme tableau, azur et blanc immaculé, agrémenté çà et là par les touches vert sombres des épicéas et les courbes marron ocre des rochers en surplomb. Pas un bruit, sinon le chant profond et les claquements de la glace sous la neige.
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L’automne se pare d’un manteau d’hiver sans laisser le temps aux érables pourpres d’étaler la beauté de leurs ramures.

Les hommes avancent en file indienne au milieu d’un sous-bois traversé par un chemin forestier qui ne semble devoir s’arrêter qu’aux portes des enfers. Le pas lourd des chevaux martèle la boue. La crinière et l’encolure perlées de gouttes d’eau gelée fument sous l’effort des bêtes. Rien ne les dérange, ni le hurlement lointain d’un loup ni le grognement sourd d’un ours qui rebrousse chemin devant cet équipage transi de froid.
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le crissement des raquettes dans la neige imite des coquilles de noix qui se cassent les unes contre les autres. Yepa, les poils chargés de boules de givre, trace la voie. Rien en ralentit son allure, ni les souches enfouies, ni les fossés qu’elle traverse. Au loin, le long brame d’un cerf troue l’opacité feutrée du décor. Un mâle rival lui répond. La chienne dresse les oreilles. Indifférente à l’appel de la forêt, elle saute, avec l’agilité d’un mouton, pour se dépêtrer de la poudreuse dans laquelle elle s’enfonce.
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L’océan n’est pas un paysage, c’est une masse sournoise, sombre et ourlée de vagues qui se gonfle avant d’attaquer.

[…] après la sortie quotidienne des émigrants, le sempiternel rituel macabre. Celui du violon qui grince quelques notes pour accompagner les morts jetés dans les vagues. Le glas de la cloche du brick en guise d’oraison funèbre.
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Tout ce qui l’entoure est un mélange d’émerveillement et d’inquiétude. La mort est là, dans la cale, mais le Carrick s’en moque. Ceux qui crèvent dans son ventre ne sont pas ses enfants. Ce brick se fiche des âmes qu’il transporte. Il les emmène ailleurs, sans se préoccuper de savoir si elles sont encore vivantes une fois débarquées dans ce Nouveau Monde dont elles ont rêvé.

Le vent refuse.
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Dans le fracas du bateau, dans le claquement des voiles, toujours ce violon languissant qui accompagne les morts jetés par-dessus bord. Entre ces bruits que plus personne n’entend surgissent des silences assourdissants. L’océan respire. Des nuages glissent dans le ciel, folâtrent autour du navire avant de s’effilocher et se regrouper vers l’horizon.
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Lorsqu'il se retourne, il reste médusé. Une femme s'avance, longiligne et dangereuse. Plutôt belle, mais marquée de vulgarité. Ses cheveux tirés en chignon lui donne l'air d'une prêtresse vicieuse. Son regard, strié de méchanceté, fouille le corps de ce Martin susceptible de satisfaire ses plus basses envies. Le sourire qu'elle lui adresse est celui d'une vipère prête à mordre.
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- Tu es plus sale qu'un cul de vache.
- Apparemment, si les voies de Dieu sont impénétrables, celles des imbéciles le sont aussi.
- tu sens le voyage, Jambe de bois ! À te respirer, je n'aimerai pas mettre le nez dans ton caleçon ou dans ton tricot de peau.
- Tu parles comme ta mère! Pas besoin de demander quel lait t'a nourrie !
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Je m'appelle O'Neil, mais les gars me surnomment Papy Paddy. Je commande les voiles. Ma préférée, c'est la cargue de brigantine. Elle a un nom de putain.
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Soudain, une main remonte le long de son bras, légère comme une araignée. Elle se faufile sur son cou et, au milieu de ce décor sans vie, Kate approche son visage contre son oreille et murmure une phrase qui le boulerse.
- je n'ai plus que toi. Tu veux bien être mon frère ?
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Aujourd'hui, ne restent debout que des affamés. Une tribu d'êtres décharnés, obnubilés par un dernier rêve : quitter cette île de misère et de tombes ouvertes au ciel. Pluie et malédictions s'abattent sur eux. Ventre vide et regard fou, ils n'ont presque rien à se mettre sous la dent. Leurs mains noires de tourbe ne cultivent même plus le maigre espoir de vivre. Elles ne sont utiles qu'à lâcher les cordes qui claquent sur les cercueils. Les visages râpeux de barbe n'expriment qu'une résignation hagarde, une incompréhension dénuée de compassion. Leur seul pain quotidien, pour eux, c'est la mort.
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Pourquoi a-t-il respecté la promesse qu’il lui avait donnée ? (à Kate)
Quelle force l’a poussé à venir se perdre dans ce pays majestueux où chaque arbre est un piège, chaque rivière un danger ? Ici, la violence coule en permanence. Dans ce territoire d’ours et de meutes, les hommes ne sont pas les bienvenus. Le loup qui le surveille toujours en est la preuve. Alors, pour se calmer, Martin récite un des passages de la lettre que Kate lui avait écrite et qu’il connaît par cœur.
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Après des heures d’une pénible progression, l’obscurité avance. Le paysage, assombri par les rafales de neige, prend une teinte grisâtre. C’est là qu’ils ont décidé de se séparer, devant une plaine bossuée qui s’enfonce dans le brouillard des gravières. Martin regarde le traîneau tiré par Tadi partir vers les berges brumeuses de la rivière de la Petite-Nation. Au loin, il aperçoit La Louche envoyer un dernier salut. À écouter le gamin décrire son périple, les sentiers forestiers qu’il empruntera ou les cabanes de coureurs des bois dans lesquelles il dormira, Martin a compris toute sa détermination. « Une mission, un objectif, une réussite » a claironné le gamin avant de grimper sur l’attelage. Encore un personnage qui sort de son histoire après l’avoir traversée par hasard. Combien sont-ils depuis son départ d’Irlande ?
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La rivière gonfle soudain. Des craquements montent des rochers qui retiennent les arbres morts. C’est avec la violence d’une horde de chevaux sauvages que la Lièvre prolonge sa furie sur ses berges. Le déchaînement des flots arrache des parcelles de terre et de bois. En amont, les chutes presque taries vomissent d’un seul coup des tombereaux de billots déchiquetés. Dans un fracas de fin du monde, les troncs effeuillés se percutent, telle une armada de chaloupes en naufrage que le courant soulève avant de les couler. Rageuse de les perdre, la Lièvre les fait ressurgir plus loin, raides et menaçants. C’est alors une armée de pointes maudites dardées à l’assaut des hommes qui luttent en aval avec le monstre et l’embâcle.
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Dans ce quartier suffisant, les gens évoluent avec morgue, persuadés d’appartenir à la classe supérieure. Glasgow est à eux.
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Si un jour j’écris autre chose qu’un journal intime, j’inventerai une héroïne trainée dans la boue des hommes et qui se vengerait d’eux en les exterminant les uns après les autres. Jusqu’au dernier.
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La brunante est encore là lorsque la cloche du campement cogne le réveil. Dehors, tout est rétréci. Ce mercredi matin, Wabos Sipi baigne dans un brouillard froid, annonciateur de nouvelles neiges. Les cimes des plus hauts arbres s’enfoncent dans la brume. Les troncs ressemblent à des fantômes engoncés dans leur linceul. Une brise légère ne parvient pas à libérer les battures de la Lièvre du cocon qui les étouffe. Tout est humide, les vêtements autant que le pain rassis des jours derniers.
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« Un court pont de pierre. Trapu et solide. Il enjambe la rivière qui roule ses remous entre les berges. Les parapets sont engoncés dans une mousse spongieuse qui en rembourre les angles. Elle tapisse et envahit le sol, épaisse, jusqu’au courant encombré de racines et de rochers. Moussus, eux aussi. Comme les arbres, déchiquetés par les orages, ou couchés en travers par les tempêtes, ponts précaires et pourris. Le sous-bois se gonfle de fougères dont les crosses en spirales sont autant de vipères. Des chênes et des aulnes puissants gardent l’endroit à l’ombre du moindre rayon de soleil. C’est sinistre et inquiétant. Humide et sombre. Aqueux. Fangeux. Hors du temps. »
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Poussé dehors, Martin se retrouve sur le seuil de la cambuse des rochers, désarçonné d’avoir été houspillé par les deux femmes. Là-bas, La Lièvre se contorsionne pour le séduire, enturbannée dans le foulard de ses nuées. Dans son esprit, le poids des mots d’Odahingum. Devant ses yeux, les ramures des pruches dessinent des fantômes sur la neige. L’eau blanche de la rivière devient miroir et lui renvoie ce qu’il est à cet instant précis. Un Irlandais perdu dans l’immensité de l’Outaouais. Riche de rien. Pauvre de tout.
Un pêcheur d’Irlande dans un océan d’arbres.
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Le soleil décline à l'ouest de la rivière Gatineau et allonge les ombres des baraques Maniwaki. Après un dernier tour de piste, l'astre se dérobe derrière la muraille de la forêt à flanc de coteau, ourlant de franges orangées les cimes des pins et des épicéas. La fraîcheur subite, poussée par une brise de noroît, brasse les odeurs des bêtes, de la paille et de la résine. (p.297)
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