AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Page Comann (158)


Chez nous les Anishinaabeg, on raconte que la vie c'est l'imprévu qui arrive quand on a pensé à tout.
Commenter  J’apprécie          392
La chaleur des derniers jours de juillet écrase L’Abord-à-Plouffe sous une chape de plomb. La place du village est un four à pain. Pour se protéger du soleil qui leur darde la couenne, les grenouilles de bénitier s’abritent sous le porche de l’église, dans la fraîcheur de la maison du Seigneur. Les autres, les athées et les soiffards se rafraîchissent la glotte dans les tavernes. Profitant de l’aubaine que Dieu lui accorde à cuire le râble de ses ouailles, le bon père Théodore a prévu deux messes aujourd’hui. La première à Tierce, la seconde à None, toutes deux basées sur le principe de la liturgie des heures, afin de rester dans la joie, rendre grâce et se plier à la volonté divine.
Commenter  J’apprécie          371
La Cathédrale est là. Sombre et imposante. Ses toits verts dominent les bâtiments alentour. Sa flèche noire, dardée au ciel, se plante dans un édredon de nuages. La volonté religieuse, qui consiste à broyer ses fidèles, m’a toujours subjuguée. Définir la petitesse humaine par la grandeur des constructions divines, n’est-ce pas accepter que Dieu nous écrase de son mépris ? Nous contraindre à lever les yeux puis nous forcer à les baisser, n’est-ce pas la forme ultime de notre soumission ? Je ne sais pas si tu es d’accord, Mumiah, mais je pense que croire est un combat perdu d’avance. La foi ne suffit plus à satisfaire Dieu. J’ai l’impression qu’il s’est lassé de nous. Des protestants, des catholiques, des anglicans et de tous les autres. Tous dans le même état d’abandon. Agenouillés devant des statues de saints qui n’ont peut-être jamais existé, à ânonner des suppliques qui ne seront jamais exaucées. Le grand mensonge, en quelque sorte.
Commenter  J’apprécie          372
Page Comann
La pluie... un mot plus simple pour décrire la tristesse de Dieu devant l'imbécillité des hommes.
Commenter  J’apprécie          340
Depuis des mois, les cultures meurent, rongées par le mildiou. Avec un inexorable appétit, la Grande Faucheuse se rassasie des âmes de ceux qui n’ont plus rien à manger. Sous les toits des fermes, pour parachever la volonté de Dieu, la dysenterie, le choléra et le typhus puent et emportent les vieux et les plus faibles . Toutes les familles sont en deuil. D’un père, d’une mère, d’un enfant. Aujourd’hui, ne restent debout que des affamés. Une tribu d’êtres décharnés, obnubilés par un dernier rêve : quitter cette île de misère et de tombes ouvertes au ciel. Pluie et malédictions s’abattent sur eux. Ventre vide et regard fou, ils n’ont presque rien à se mettre sous la dent. Leurs mains noires de tourbe ne cultivent même plus le maigre espoir de vivre. Elles ne sont utiles qu’à lâcher les cordes qui claquent sur les cercueils. Les visages râpeux de barbe n’expriment qu’une résignation hagarde, une incompréhension dénuée de compassion. Leur seul pain quotidien, pour eux, c’est la mort.
Commenter  J’apprécie          330
La rivière gonfle soudain. Des craquements montent des rochers qui retiennent les arbres morts. C’est avec la violence d’une horde de chevaux sauvages que la Lièvre prolonge sa furie sur ses berges. Le déchaînement des flots arrache des parcelles de terre et de bois. En amont, les chutes presque taries vomissent d’un seul coup des tombereaux de billots déchiquetés. Dans un fracas de fin du monde, les troncs effeuillés se percutent, telle une armada de chaloupes en naufrage que le courant soulève avant de les couler. Rageuse de les perdre, la Lièvre les fait ressurgir plus loin, raides et menaçants. C’est alors une armée de pointes maudites dardées à l’assaut des hommes qui luttent en aval avec le monstre et l’embâcle.
Commenter  J’apprécie          320
La brunante est encore là lorsque la cloche du campement cogne le réveil. Dehors, tout est rétréci. Ce mercredi matin, Wabos Sipi baigne dans un brouillard froid, annonciateur de nouvelles neiges. Les cimes des plus hauts arbres s’enfoncent dans la brume. Les troncs ressemblent à des fantômes engoncés dans leur linceul. Une brise légère ne parvient pas à libérer les battures de la Lièvre du cocon qui les étouffe. Tout est humide, les vêtements autant que le pain rassis des jours derniers.
Commenter  J’apprécie          310
Poussé dehors, Martin se retrouve sur le seuil de la cambuse des rochers, désarçonné d’avoir été houspillé par les deux femmes. Là-bas, La Lièvre se contorsionne pour le séduire, enturbannée dans le foulard de ses nuées. Dans son esprit, le poids des mots d’Odahingum. Devant ses yeux, les ramures des pruches dessinent des fantômes sur la neige. L’eau blanche de la rivière devient miroir et lui renvoie ce qu’il est à cet instant précis. Un Irlandais perdu dans l’immensité de l’Outaouais. Riche de rien. Pauvre de tout.
Un pêcheur d’Irlande dans un océan d’arbres.
Commenter  J’apprécie          300
Après des heures d’une pénible progression, l’obscurité avance. Le paysage, assombri par les rafales de neige, prend une teinte grisâtre. C’est là qu’ils ont décidé de se séparer, devant une plaine bossuée qui s’enfonce dans le brouillard des gravières. Martin regarde le traîneau tiré par Tadi partir vers les berges brumeuses de la rivière de la Petite-Nation. Au loin, il aperçoit La Louche envoyer un dernier salut. À écouter le gamin décrire son périple, les sentiers forestiers qu’il empruntera ou les cabanes de coureurs des bois dans lesquelles il dormira, Martin a compris toute sa détermination. « Une mission, un objectif, une réussite » a claironné le gamin avant de grimper sur l’attelage. Encore un personnage qui sort de son histoire après l’avoir traversée par hasard. Combien sont-ils depuis son départ d’Irlande ?
Commenter  J’apprécie          290
Aujourd’hui, sur les ardoises de la capitainerie de la Basse-Ville, aucun débarquement d’immigrants en provenance de la Grosse-Île n’est annoncé. Ce répit provisoire soulage une populace de plus en plus réticente à accueillir ces pestiférés d’Irlandais qui n’apportent que leur misère dans le Nouveau Monde. Autour des étals, les femmes tâtent les fruits, soupèsent les légumes, rechignent à choisir un morceau de viande trop nerveuse ou un poisson aux yeux vitreux. Parfois, les marchandages s’enveniment d’une dispute. Les commérages vont bon train et ne sont jamais avares d’une vacherie devant un fessier trop large ou une basquine mal ajustée.
C’est une journée normale sous un ciel grisâtre d’humidité. Un tableau étrange où les nantis se mélangent aux pauvres sans même les voir. Sur les marches du dispensaire, les crève-misère se figent en statues, la main tendue vers une obole qui ne viendra pas. Dans l’obscurité des ruelles, les filles de mauvaise vie aguichent le client et remontent leurs jupons pour négocier une piécette de jouissance. Un demi-sou avec la bouche. Un sou par-devant. Deux par-derrière.
Commenter  J’apprécie          290
Loin des sacrements et de la protection que Saint Ignace doit apporter aux bûcherons en partance, les tavernes ne désemplissent pas. Bien sûr, les hommes croient en Dieu, mais les huit mois à trimer dans la solitude des forêts, la gadoue de l’automne et le froid de l’hiver gomment la foi des plus assidus à la supplique. La-haut, dans les cambuses de la Lièvre, il sera toujours temps de s’agenouiller et d’appeler Dieu à l’aide. Après les soirées bercées de vantardise au coin du feu, après les dimanches de repos remplis de chansons, de jig et de clog, la prière sera leur unique passe-temps.
Commenter  J’apprécie          291
C'est un ciel d'Écosse. Un ciel d'ardoise, boursouflé de nuages crémeux qui défilent et s'effilochent a la pointe des arbres sombres.Le soleil, en embuscade, glisse de temps en temps des rayons audacieux qui allument d' éphémères incendies soufflés aussitôt par un vent glacé de bruine. Le paysage change à chaque percée, désespéré de noirs abandons ou chaleureux d'un fugace espoir.
Commenter  J’apprécie          293
D’après diverses légendes, un windigo prend vie lorsque trois éléments sont réunis : la faim, un froid extrême et l’isolement. Dans les traditions algonquiennes, c’est un pourfendeur de chair qui s’attaque aux personnes vulnérables et les tue afin d’usurper leur identité. Pour le vaincre, les armes classiques sont inopérantes, même si elles peuvent le tenir à distance.
Commenter  J’apprécie          281
Le typhus, c'est plein de choses : la fièvre pestilentielle, la fièvre putride, celle des pauvres, des armées, des bateaux... Quand on donne autant de noms à une maladie, c'est qu'elle tue beaucoup de monde.
Commenter  J’apprécie          272
D’ailleurs, en parlant de bondieuseries, je crois bien que le lourdaud qui s’approche est le curé du voyage. L’homme aussi haut que large, porte une soutane que sa bedaine interdit de fermer. Ses yeux en capote de fiacre, ses joues rosées de porcelet lui donnent l’air d’un bourgeois gavé de bombances arrosées. Son nez en garde les rougeurs. Sur son crâne, deux mèches en tire-bouchon se bagarrent avec le vent. Il a l’air soucieux, mais un sourire de jésuite illumine son visage quand il aperçoit Martin et Kate assis sur leur rondin.
Commenter  J’apprécie          262
Pourquoi a-t-il respecté la promesse qu’il lui avait donnée ? (à Kate)
Quelle force l’a poussé à venir se perdre dans ce pays majestueux où chaque arbre est un piège, chaque rivière un danger ? Ici, la violence coule en permanence. Dans ce territoire d’ours et de meutes, les hommes ne sont pas les bienvenus. Le loup qui le surveille toujours en est la preuve. Alors, pour se calmer, Martin récite un des passages de la lettre que Kate lui avait écrite et qu’il connaît par cœur.
Commenter  J’apprécie          250
Le silence qui s’installe entre eux ne les dérange pas. Pendant plus de six semaines, ils devront se serrer les coudes, chercher un peu plus de nourriture ou de l’eau propre pour espérer s’en sortir sans être contaminés. Trouver d’autres couvertures pour se protéger du froid humide de la nuit. Pour survivre. Parce que la mort est là, dans le ventre du Carrick. Les visages exsangues des embarqués ne laissent planer aucun doute : Le typhus est monté à bord avec nombre d’entre eux. Et le choléra, tapi dans la soute, attend de les mordre.
Commenter  J’apprécie          250
Lorsque les cloches du village martèlent les heures, comme autant de coups de glas sur l'âme, je me bouche les oreilles et je crie pour couvrir le bruit du temps qui passe.
Commenter  J’apprécie          240
Les cancanières n'osent pas affronter cette négresse callipyge qui tient boutique de plaisirs d'homme, hantées par l'idée que le père de leurs enfants soit tenté d'en franchir un jour la porte.
Commenter  J’apprécie          232
 Quand j’étais gamine, ma mère me disait toujours : « Apolline, il te faudra embrasser beaucoup de crapauds avant d’en trouver un qui se transformera en prince. » C’est comme ça, le désir n’attend pas. 
Commenter  J’apprécie          220



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Page Comann (499)Voir plus

Quiz Voir plus

Le jeu des titres

Quel animal est élégant pour Muriel Barbery ?

Le chat
Le hérisson
La taupe
L'écureuil

12 questions
9599 lecteurs ont répondu
Thèmes : littératureCréer un quiz sur cet auteur

{* *}