[L]a Commission européenne a très bien perçu un des risques de l'élargissement de l'UE en 2004. La Bulgarie et la Roumanie, orthodoxes, n'étaient vraiment pas prêtes à intégrer l'Union. Toutefois, si on avait limité l'élargissement aux pays baltes, à la Tchéquie et la Slovaquie, à la Hongrie et la Slovénie, tous de chrétienté occidentale, la limite orientale de l'UE, au détail de la Croatie près, aurait coïncidé avec la ligne du schisme de 1054. Elle a donc mis au point un artifice pour intégrer coûte que coûte les deux pays orthodoxes : elle a retardé de deux ans l'adhésion pour ces deux pays. Étonnamment, la dimension géopolitique de sa décision n'a été remarquée par personne. (La Russie par-delà le bien et le mal: idées reçues sur la "puissance pauvre", 2017)
Pour l'Union européenne, la confusion sémantique UE-Europe peut présenter un grand intérêt. Si la Russie était perçue par la population de l'UE comme un pays non européen, étranger, et s'il était possible que, comme à l'époque de la guerre froide, elle ressente une menace russe à ses portes, face à ce danger supérieur, le sentiment anti-UE serait susceptible de faiblir. L'OTAN, elle, concrétise sans états d'âme la synthèse entre « Europe », limitée à « Christianitas », et « civilisation occidentale » de Huntington. (La Russie par-delà le bien et le mal: idées reçues sur la "puissance pauvre", 2017)