Sache enfin que tout artiste qui témoigne d'un talent assez sûr pour savoir faire rêver les enfants jusqu'en leur vieillesse est un grand artiste. Ni ta culture ni ton bonheur ne pâtiraient de ne pas avoir lu 'Terre des Hommes' ou 'Pilote de guerre' mais 'Le Petit Prince', si!
Désormais, c'est la rue en colère; ce sont les chaussées dépavées, les grillages de protection des platanes arrachés, les panneaux de signalisation déchaussés; ce sont les barricades, dix aujourd'hui, vingt demain, soixante au matin du 13 mai, montées comme des bûchers aux quatre coins du Quartier latin, plantées de drapeaux rouges et noirs, sur lesquelles on chante l'Internationale à plein poitrail; ce sont les lycéens qui en ont claque des moutons que leur dessinent leurs pères, et qui rejoignent leurs aînés; c'est la Sorbonne qui bout comme une urne trop pleine.
C'est le 3 mai qu'un long cri: "Ils ont violé la Sorbonne!" allait dresser les étudiant de Paris.
Dans l'heure, la ville est prise d'émotion, la rive gauche de fièvre, la Préfecture d'effervescence.
Ce long cri: "Ils ont violé la Sorbonne!" allait être relayé comme un vocero tout au fil du mois, reprenant du poumon à chaque fois qu'on prédisait son extinction.
C'est Sartre, pérorant sur un tonneau, Aragon conspué par les gauchistes, le poète Pierre Béarn qui barre sa façade d'un calicot sur lequel il a calligraphié une formule "métro-boulot-dodo" promise à florès; c'est Marcello, un Napolitain finaud comme une belette, qui a planté son éventaire au carrefour de l'Odéon pour y détailler sa "Pizza della rivoluzione", chaque portion garnie d'une oriflamme de piment rouge cloutée d'olives noires; c'est Mouna, le bouffon du Boule'Mich', la barbe en serpillière, son haut-de-forme de guingois, qui, du haut de la statue d'Auguste Comte qu'il a prise pour chaire, prêche la foule qui flue et reflue au rythme des charges de CRS: "Au nom du Pèze, du Fric et des saints d'esprit, donnez du caviar aux ouvriers..."; c'est la Guerre Civile besognée par Monsieur Carnaval.
De surcroît, Mélodie s'étant couchée et ayant pris une pose propice en veni-vidi-vici qui découvrait le tout de son ébène et de ses mystères, monsieur Edmond fut mis au fait que les femmes des îles sont des Vénus nées de ce coquillage lambi qui bée sur de luisantes promesses de nacre pâle.
Avec tous ces emprunts anglo-américains superflus, la langue française endette son prestige.
Une antenne de télévision, c'est aujourd'hui la houlette sous laquelle se rassemblent les moutons de Panurge. Passé 19 heures, seul le besoin de pisser les isole un moment du troupeau.
Or si la prétention d’être belles nuit souvent à la beauté des femmes, l’idée d’être désirées les embellit toujours.
Mais si l'automne avive la campagne, il navre la ville.
"Putain !" à Marseille vaut "Flûte !" à Orléans.