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Citations et extraits (7) Ajouter une citation
Patrick's O'Nolan
— A vous écouter hier soir me raconter comment et pourquoi vous aviez choisi de devenir escort-girl, j'ai pensé, je vous le dis en toute confiance, que vos raisons étaient quelque peu fallacieuses.
— Et pourquoi cela ?
— D'autres femmes, Mila, ont vécu des choses aussi douloureuses, voire pires, que vous. Et pour autant, elles n'ont pas pris le même chemin.
Comment lui expliquer tout cela au plus près de ma vérité et de ce que j'ai ressenti de colère et de rancœur ?
— Peut-être Yvan, sans doute… Vous savez, je me fous comme de l'an quarante de ce que font et pensent les autres. Pourquoi ? C’est très simple : tout le monde ment, plus ou moins consciemment, je vous l'accorde. Un peu ou beaucoup, par intérêt, par lâcheté, par protection, pour survivre ou par pur plaisir jouissif. De cela, j’en suis convaincue. Le mensonge agit en nous comme une mémoire à voile et à vapeur. Notre morale et notre éthique s’y retrouvent toujours ! J'affirme même que le mensonge fait partie de l'ADN humain. Il nous constitue de la même manière que notre intelligence adaptative fait de nous un Être qui survit et se préserve. Que serait cette intelligence sans le mensonge, sans la mémoire, sans l’instinct de survie, sans la conscience de notre fragilité et de notre limitation dans le temps ? Pas grand-chose en fait.
Yvan leva la main, désireux d'intervenir.
— Non, je vous en prie, ne m'interrompez pas. J'ignore pourquoi j’ai pris ce chemin et non un autre. Je ne sais pas non plus pourquoi demain je le quitterai pour aller vers un autre horizon. Je ne sais pas pourquoi les gens font ou ne font pas, sont ou ne sont pas. Je me méfie comme de la peste de la raison parce que là plus qu'ailleurs, elle a comme meilleurs amis, le mensonge et notre mémoire arrangeante. Tout n’est jamais blanc ou noir. Une vérité chez l'un à un moment particulier de sa vie sera, dans le même temps et un autre contexte, un mensonge pour l'autre. Ce que je peux vous dire est que j'obéis à mon instinct, et seulement à mon instinct, à ce qu’il y a de moins raisonné en moi et j'accepte de me tromper, « de manger le grain de poivre », comme disait un vieil ami du pays, pour grandir pas à pas, un peu, beaucoup, voire pas du tout.
Je me tus quelques instants. La route filait, monotone. Entre nous, le ronronnement du moteur et la tension des confidences. Je repris :
— Il ne faut pas se leurrer, Yvan : grandir n’est ni une obligation, ni un devoir. Il y a deux jours de cela, paumée et les illusions en déroute, j'ai écrit rageusement sur mon miroir « qu'es-tu devenue Mila ? ». Maintenant, nous voici côte à côte sur ce tapis volant en route vers un horizon. Je ne sais où il va m'emmener. J'ignore son projet et sa finalité, et c'est bien ainsi. Lorsque mes parents et mon frère ont été tués sur le périphérique, rien en eux ne soupçonnait la violence qui les attendait. Le méritaient-ils ? Et pour votre femme et votre fille, y a-t-il quelque chose à comprendre ? Sérieusement ? Le méritaient-ils ? Nous avons inventé les religions et leurs dieux parce que l'on ne supporte pas l’aléatoire de la vie. Pourtant la biologie, la physique quantique, les mathématiques, l'astronomie et même les sciences sociales n’arrêtent pas de nous le dire, répéter et confirmer. Nous sommes enfermés par et dans ce qui nous limite. L'Humain, cette poussière du Tout. Dans L'homme quantique, Roland Reumond écrit, je vous le cite de mémoire : "L'univers vient du fond du cœur, c'est une intuition profonde et pas une certitude !" Mais, et ce malgré mes conneries et limitations, le plus important reste néanmoins pour moi d'être toujours disponible, furieusement vigilante au bonheur, à la bienveillance, à l'humour, au respect de l'Autre, de tous les autres, humains, plantes, animaux, à ce que je connais et à tout ce que j'ignore encore. Et à l'erreur aussi ! Mon écologie interne est ma priorité et non pas l'une de mes priorités. De sa qualité, de sa profondeur, dépend mon entendement et mon rapport au monde. Au passé bien sûr, le futur je l'exclus, et au présent. Donc à vous, en cet instant précis, mon cher Yvan.
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Patrick's O'Nolan
Lucas qui n’avait pas ouvert la bouche de la soirée, se leva et se mit à tourner autour de la table d'un pas lent, cherchant les mots les plus justes.
— Mr. Fred... J'aime bien vous écouter parler et écouter votre musique et vos textes. Pourtant depuis soixante-dix-huit ans que je suis sur cette pauvre Basse-Terre que je n'ai jamais quitté, j'ai vu beaucoup de choses dans cette île, mais je n'ai jamais entendu la vérité crue. Vous savez, au contraire de ce que vous semblez croire, tout le monde n'a pas le désir de s'en sortir, loin de là. De faire par exemple des études, de prendre en compte l'héritage de sa culture et de le préserver. Tout le monde n'éprouve pas la nécessitée de bienveillance ou de prendre soin de ses jeunes, de ses anciens ou de ses malades. Moi par exem-ple, j'étais un enfant sensible. Un poète, mais aussi un vrai fai-néant pour les études, bien que mes parents en avaient les mo-yens. Je n'ai jamais eu de conscience politique, alors que mes parents étaient des militants acharnés, ni de désirs particuliers pour quoi que ce soit, ni même un talent particulier ! Par contre, j’ai toujours été très lucide et honnête sur mes limites. Ce que je veux dire Mr. Fred, c'est que j'ai atteint exactement l'horizon de mes ambitions et m'en suis toujours contenté, sans ne jamais en incriminer personne. Je n'ai jamais fait non plus de mal à qui-conque. Au contraire ! J'ai toujours aidé qui me le demandait. J'ai soutenu et accompagné mes vieux parents jusqu'au bout et j'ai toujours eu la conscience d’avoir été un privilégié des dieux pour avoir rencontré la femme qui a fait de moi un homme. Toute ma vie j’ai vu l'Homme, avec un h majuscule, exploiter l'homme, l'autre avec un h minuscule. J'ai vu l'Homme exploiter la femme, abuser l’enfance, lutter par jalousie, par mesquinerie, par envie, par ressentiment et par vice. Toute ma vie, j’ai vu l’Homme mentir, mentir et mentir encore. Moi, je me fiche pas mal et au plus profond de moi-même d’être ou de ne pas me sentir guadeloupéen, de parler ou non créole, de me sentir ou non français, d’être noir, métis ou je ne sais quoi. Je sais que je suis seulement l'une de ces matières qui constituent notre monde. Par contre, ce dont je ne me moque pas, est d'être Lucas, d'avoir été l’époux heureux de ma chère Aurore, d'être l’ami fidèle de Simone et de Mila et le frère dévoué de ma petite sœur. Ce dont je ne me moque pas, est de prendre soin des plantes et des arbres de ce parc et d'avoir un œil protecteur sur Simone qui me donne, depuis des années, la soupe de tous les jours et un toit comme les parents de Mila l'on fait avant elle. Les injustices sont inhérentes et constitutionnelles de l'Humanité et elles sont là pour nous obliger à être éveillés et trouver en nous-mêmes le meilleur. Nous avons le choix. Toujours. Malheureusement, nous avons l'ambition d'une belle vie éternelle quand, en réalité, notre temps est ultra limité. Nous croyons créer du nouveau quand, en réalité, nous ne faisons que reproduire de l'ancien. Nous passons d'une humanité à l'autre, sans jamais apprendre des douleurs des uns et des autres. Alors Mr. Fred, je regarde toutes ces agitations avec la même tendresse que je regarde des enfants déguisés en Zorro pourfendre les méchants Terratenientes de la Alta-California. Voilà ce que j'avais envie de vous dire. Merci pour m'avoir écouté…mais je dois aider Gabrielle à faire le sorbet de coco. Vous allez vous régaler.
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Patrick's O'Nolan
— Cher Fred, dit-elle alors, j'aimerai que vous m'expliquiez comment vous est venue l’idée de cette chanson Krim kont la Gwadloup si emblématique. Cela m’intéresse comme écrivaine, et comme militante.
— D'un point de vue strictement musical et suivant les épo-ques, plusieurs influences, jazzy, africaines et brésiliennes, m'ont nourri. Néanmoins, je suis extrêmement fidèle aux diverses traditions musicales héritées de l'esclavage, comme le Gwo ka ou les percussions de bouche du Boula gyél. Pour l’écriture, on me qualifie ça et là d'auteur engagé. Cependant, je ne prétends donner aucune leçon. Je me pose des questions. C'est tout. Et en conséquence, j'en pose aussi aux autres. Je fais simplement des constats. En réalité, ce qui est pour moi le plus important est de transmettre les impressions que j'ai sur mon pays, sur ses difficultés identitaires et donc, culturelles.
Je l'écoutais attentivement d'autant que son propos provo-quait une résonance en moi.
— Vous savez Fred, mon identité guadeloupéenne me pose quelques difficultés. Je suis blanche, j'ai vécu très longtemps dans un pays métissé de la plus belle manière. Indiens, Blancs, Noirs, Guadeloupéens quoi ! Je suis française, bien que je me sois toujours sentie une française... de loin.
— Je n'aurais pas pu dire mieux Mila ! Vivre au sein de cette nation française n’est pas chose aisée. Je suis légalement fran-çais, mais comme vous, j'éprouve un sentiment d'appartenance différent. Je ne me sens pas black non plus. D'ailleurs, je ne sais pas ce que cela signifie exactement. Je suis d’accord avec vous sur ce qui constitue ma communauté et je me sens plus proche d'un Blanc péyi ou d'un Indien guadeloupéen que d'un Noir américain. La jeunesse actuelle d'ailleurs qui ne s’illusionne pas sur l’Europe, s'exprime en créole ou en anglais. Ma grand-mère était claire de peau et n'aimait pas les Noirs. Voilà notre réalité. Nous avons une identité à la carte. Un Guadeloupéen est pro-européen quand ça l'arrange, quand la France prend des décisions qui le dérangent, pro-français quand l'Europe l'embarrasse et foncièrement guadeloupéen quand il croise un métro qui l'énerve. Cela se fait quasi instinctivement. Aujourd'hui en Guadeloupe, la tendance est au racisme anti-haïtien. Il faut trouver un bouc émissaire à notre échec économique et social. Le racisme est toujours utilitaire. Curieusement, il est parfois dirigé contre nous-mêmes. Et malheureusement, il est partie intégrante de notre culture créole.
Simone l'interrompit gentiment.
— Vous avez raison Fred ! Pourtant dans votre chanson, vous semblez prendre le contre-pied de l'attitude consistant à accuser unilatéralement la Métropole et c'est ce qui m’intéresse.
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— Vous avez tout à fait raison. Je comprends parfaitement votre point de vue, Ivan, mais je m'en fous totalement ! Pas de ce que vous me dites, rassurez-vous, mais de ce que les autres ont dit du binôme Schwarz-Bart. Laissez-moi vous expliquer pourquoi. Tout est récupéré à des fins d'absorption, j'en suis consciente. Rien ne change dans le bon sens. Au contraire, tout empire. L'esclavage s'est juste déplacé. Actuellement, il a simplement d'autres masques et use d'un autre langage. A mon avis, un génocide similaire à celui de la Shoah peut se reproduire n'importe où, demain. André et moi, avons travaillé toute notre vie en ayant une conscience aigüe de l'éphémère de la vie, conscients de notre rôle sur cette terre. Et puisque nous nous étions rencontrés de la manière la plus improbable qui fut, lui porteur dans sa chair et sa mémoire de la Shoah et moi, porteuse de l'héritage de l'esclavage, nous avions la volonté, l'entendement et l'affectif pour revisiter, reconstruire, révéler nos histoires et en faire émerger les fils ténus qui les reliaient entre elles. Mais la passion de s'approcher au plus près d'une vérité, au demeurant toujours incomplète, comme l'on s'approcherait d'un feu ardent, ne suffit pas. Critiques et insultes digérées, notre jeûne nous a aussi permis de comprendre qu'il fallait continuer, aboutir et conclure notre projet. Que le public le comprenne ou non. Nous étions au "service d'une cause". Mais lorsqu'on se refuse au compromis, en affrontant clairement tous les paradigmes qui sont scellés dans le béton de l'Histoire, comme si elle n'était qu'Une et Unique, la lucidité exige que l'on s'attende, au minimum à l'incompréhension aveugle, au pire aux insultes et menaces. Souffrir d'un ostracisme en règle fut notre pain quotidien, comme il l'est des lanceurs d'alerte contemporains.»
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Un coin d'Espagne, quelque part en Estrémadure

Ecartant un rideau de perles en bois oblongues, couleur rouge sang et bleu indigo, nous entrâmes de plain-pied dans une pièce d'au moins soixante-dix mètres carrés. Il y flottait une appétissante et entêtante odeur comme si tous les petits-chefs d’œuvre culinaires qui y étaient amoureusement concoctés, je le devinai, imprégnaient les murs de leur souvenir. Pendus aux poutres énormes, pêle-mêle, toute la variété des embutidos qu'offrait cette terre espagnole. Des plantes aromatiques séchées, menthe, orties, origan, romarin, thym et bien d’autres… non identifiées ! Des tresses de piments rouges et des manouilles d’ail pourpre.
Fermina qui ne me quittait pas des yeux, me commenta :
— Celui-là ne vient pas d'ici, mais de Las Pedroñeras, une région de Castilla La Mancha. C'est un ail de printemps et je raffole de son goût épicé.
Une cuisinière en fonte émaillée bleu foncé, d'au moins un siècle au jugé, des jarres vernissées et ventrues - « les unes remplies d’une saumure d’olives à l’ail ou romarin, les autres de fromages de chèvre marinant depuis des mois dans l’huile d’olive vierge. », me précisa Fermina. Une cheminée, où flambait un feu vif et clair, et assez vaste pour y rôtir un cochon entier, flanquée d'une pile de bûches, la hache usée plantée dans l'une d'elles et un canapé au cuir éraflé recouvert de coussins multicolores. Près du foyer, un chien sommeillait.
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Patrick's O'Nolan
— Bon Dieu, quel lieu de dingue, s'extasia Yvan. Et cette banderole qui flotte tel un lungta tibétain sur le mur du fond ! « Il y a un devoir de résistance à l’ennui, à la bêtise, ou à la veulerie des temps ». Digne d'un anarchiste de droite !
Ma mère me disait à ce sujet : « Dans ce monde de folies et de lâcheté ma fille, l'anarchisme de gauche, de droite ou l'acratie restent dans le meilleur des cas comme nos derniers mouchoirs pour essuyer de nos yeux les larmes de notre impuissance à rendre ce monde meilleurs. Dans le pire des cas, c’est un professionnalisme de l’opposition, caricaturale et pathétique…dans les deux cas, c'est comme un petit luxe pour gens désespérés, qui le portent comme d'autres portent une Rolex au poignet.
Tous ces hommes et femmes qui si réfèrent, collaborent avec le système, égérie de la littérature, de l'humour, du ciné, de la musique et j'en passe. Le vrai anar de droite est un être silencieux, généreux et surtout… anonyme et le prix à payer en contrepartie est la solitude ».
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Il est important de toujours invariablement douter, sans justification, ni motivation. Juste pour le besoin vital de se déséquilibrer et de retrouver le fil ténu de sa probité.... La solitude est le seul pain quotidien du doute, c'est vrai, mais elle est plus savoureuse quand on a l'opportunité de la partager avec un Être fait "de la même farine".
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