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Citation de Grapheus



À propos de cette réduction des distances, vous écrivez dans
La Vitesse de libération : «la mesure est dans mon âme.»
Pouvez-vous préciser votre pensée à ce sujet?

Le monde est au-dedans de nous avant d'être au-
dehors de nous. Mais s'il est réellement au-dehors,
dans la géographie et dans l'espace-monde, il l'est
aussi à travers ma conscience du monde. Cette
conscience du monde, à moi qui me déplace, qui
suis animé, c'est mon mouvement et la nature de
mon mouvement. Un homme qui vit enfermé
dans un espace d'horizon restreint, comme beau-
coup de paysans du Moyen Age, n'a pas la même
conscience du monde que celui qui va aux anti-
podes en quelques heures. La mapping-mental, la
carte mentale, évolue avec la révolution des trans-
ports et la révolution des transmissions. Plus je vais
vite au bout du monde, plus j'en reviens vite et plus
ma carte mentale se réduit à rien. Aller à Tokyo
dans le même temps qu'il faut pour descendre à
Naples en train a réduit mon monde d'une façon
définitive. Je ne peux plus avoir la vision mentale
du monde que j'avais avant d'aller à Tokyo en
quatorze heures. Quand, par la suite, j'ai fait une
téléconférence à Tokyo avec huit heures de déca-
lage horaire, ma carte mentale a subi une nouvelle
contraction tout aussi définitive.

La mesure du monde est notre liberté. Savoir que
le monde autour de nous est vaste, en avoir
conscience, même si on ne pratique pas ce monde,
est un élément de la liberté et de la grandeur de
l'homme. Howard Hughes, qui a vécu le tour du
monde en quelques heures, est arrivé à un état
d'inertie mentale et de perte du rapport au monde.
Cela a d'ailleurs été pathologique chez lui. Il a été
un homme-planète et a identifié le monde à son
corps au point de ne plus souhaiter bouger de son
desert-in, l'hôtel de Las Vegas, puis de mourir
comme un malade mental...

La menace, et c'est cela le grand renfermement,
c'est d'avoir dans la tête une Terre réduite. Une
Terre constamment survolée, traversée, violée
dans sa grandeur nature et qui, par là même,
me détruit, moi, l'homme-planète qui n'a plus
conscience d'une étendue quelconque. Bien des
astronautes qui ont tourné autour de la Terre en
orbite ont éprouvé une sorte de vertige dans leur
propre relation à eux-mêmes. La conquête de l'es-
pace a été une expérimentation du délire de la
perte de la Terre. Non pas de la fin de la Terre,
mais de la perte mentale..
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