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3.42/5 (sur 12 notes)

Nationalité : Canada
Né(e) à : Val-d'Or , le 19 juillet 1945
Biographie :

Paule Baillargeon est née à Val-d’Or en 1945. Elle pratiquera toute sa vie les métiers d’actrice et de cinéaste. Elle s’est vu remettre des prix prestigieux, dont le prix Albert-Tessier, ainsi qu’un doctorat honoris causa de l’Université du Québec à Montréal.

Source : Éditions Les Herbes Rouges
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
J’ai trente-deux ans. Je découvre que je ne suis pas folle, ou alors il y a beaucoup de folles comme moi. Des femmes racontent leur vie, leurs humiliations, leur invisibilité, leur souffrance inouïe à regarder la vie qui passe sans elles. Cela s’appelle un mouvement, une vague gigantesque qui balaie tout sur son passage, et je suis dedans, avec toutes ces autres, dans l’ivresse des commencements à surfer sur la crête d’écume. Je suis jeune encore, et je me prends pour une autre, une femme pour qui tout est possible, même l’impossible. Des femmes font la révolution et je veux l’attraper pendant qu’elle passe. Je sais qu’elle ne durera pas. C’est trop gros pour durer. L’histoire est en marche, il faut la raconter. Je décide de faire un long métrage. Ça s’appelle La Cuisine rouge. J’ai les idées bien arrêtées. Les femmes ne sont rien, ça les rend folles. Les hommes sont tout, ça les rend idiots. Beau couple, éternel comme l’enfer.
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Il est dans la porte et il dit, eh que j’te violerais toi. Après il parle encore, des morceaux de mots sortent de sa bouche, qui font semblant que les mots précédents n’ont pas été dits…

(Les herbes rouges, p.43)
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Mon problème, c’est que je voudrais détester pleinement ma mère, elle qui m’a fait tant de mal, et parfois j’y arrive vraiment, alors cela me rend joyeuse et claire, comme le ciel bleu acier d’un hiver cinglant, je la déteste et c’est tout, je peux vivre ma vie. Mais ça ne dure jamais longtemps, toujours la culpabilité revient, et l’incertitude aussi, était-elle vraiment méchante, et surtout, comme maintenant, après avoir raconté les tentatives futiles de ma mère pour être quelqu’un, je suis touchée, elle me touche, elle me touche encore. »

« Un peu plus tard j’ai fait connaître à ma mère Jean-Paul Sartre Camus Colette Simone de Beauvoir Marguerite Duras et combien d’autres. Jusqu’à ce qu’elle devienne trop aveugle pour lire, elle était une lectrice boulimique, capable d’apprécier le style et la profondeur des propos, et si d’aventure une de ses connaissances lui prêtait un genre de livre à la mode best-sellers et autres biographies, elle le mettait vite de côté en disant qu’elle ne pouvait pas s’intéresser à une histoire mal écrite. Eh bien jamais une seule de ces innombrables lectures n’a eu la moindre incidence réelle sur sa vie, rien ne change ma mère, rien. C’est ça l’horreur.
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Ce matin, je suis allée au village, et en longeant le lac, j’ai vu qu’il était entièrement gelé. Il n’y a rien qui me fasse autant plaisir que la vue soudaine au détour du chemin d’un beau grand lac par une belle journée ensoleillée, alors qu’un vent léger bouge l’eau juste ce qu’il faut. Pendant quelques instants, j’ai eu la fièvre du printemps, je me suis imaginée partir sur la route sans prévenir, dans ma nouvelle petite voiture rouge, filer, rouler quatre cent milles, aller revoir le lac primordial, celui qui me connaît, celui qui sait tout de moi, rouler sans m’arrêter, rouler, rouler jusqu’à la plage, entrer dans le lac avec l’auto dans un grand bruit, ouvrir la portière, et me laisser glisser dans l’eau bien-aimée qui me laverait de ma fatigue. Mais ce lac n’existe plus que dans ma mémoire. La dernière fois que je l’ai vu, des poissons gisaient sur sa rive, et plus personne pas la moindre famille, pas le moindre petit enfant ne s’aventurait dans ses eaux polluées.
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Être dans l’eau me procurait un léger réconfort, de courte durée, alors je ressortais du bain en traînant des grands paquets d’eau avec moi, je repartais dans le lit, sans me sécher, indifférente aux draps mouillés, nue dans le lit défait. Ma mère couchait sur le divan du salon, et venait voir régulièrement si j’avais besoin d’elle. Elle était désemparée. Il faisait une chaleur torride dans l’appartement. Une fois ma mère vint dans la chambre, et prise d’une impulsion, elle prit une débarbouillette fraîche et me la passa sur tout le corps, plusieurs fois, avec acharnement, avec désespoir aussi. C’était étrangement sensuel. J’étais nue, le corps abandonné, et cette serviette fraîche que ma mère bougeait sur moi dans tous les sens me faisait un bonheur invraisemblable.
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Après la mort de mon père, ma mère a dû ressentir un grand vide, plus personne à accuser. Puis elle a trouvé monsieur Poitras. Monsieur Poitras était un comptable qui avait eu le malheur de vouloir l’aider pour ses impôts, et à propos de qui elle ne tarissait pas d’éloges. Mais monsieur Poitras a fait une erreur, une petite erreur, concernant les acomptes provisionnels de ma mère. Cette petite erreur a coûté quelques dollars à ma mère, mais peu importe, elle a tourné l’histoire dans sa tête jusqu’à ce qu’il lui apparaisse clairement que monsieur Poitras lui avait menti. Je ne sais pas si monsieur Poitras a senti, depuis les quelques kilomètres qui séparaient l’appartement de ma mère du sien, la haine dont il a été l’objet pendant des mois et des mois.
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Ce genre de déclaration me met dans un état d’incertitude, est-ce possible qu’elle m’aime, mais non elle sent que je m’éloigne, son instinct d’animal en survie réagit et elle vient me rechercher là où elle sait qu’elle m’aura toujours, l’enfant en détresse, c’est celle-là qui nous manipule, celle qui se noie et qui appelle au secours, elle pèse de tout son corps sur nos têtes, sur ma tête, et moi je me noie, et je suffoque, et je crie au secours, mais sous l’eau personne ne m’entend, et je coule au fond, allant rejoindre mon arrière-grand-père et mon grand-oncle, pendant que soudainement pour elle tout va mieux, le soleil se lève à l’horizon sur la mer calmée. Ce n’est pas sa faute. C’est ce que je me dis quand je cesse de la détester.
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Essayer de cacher mon amour pour mon père, ne pas manifester ma joie quand il arrivait, jouer à être indifférente, m’enfermer dehors, pour être seule enfin, être seule dans le bois, me perdre dans les décombres de la mine désaffectée derrière la maison, courir à perdre haleine jusqu’au petit ruisseau et tomber la face dans l’eau claire et supplier la Sainte Vierge de m’apparaître, pourquoi pas moi pourquoi juste sainte Lucie, et se relever en blasphémant, maudite Sainte Vierge maudite Sainte Vierge, être seule, l’unique manière d’avoir un peu de bonheur, l’unique manière d’être vivante, avec le chien Noireau qui me suit partout, mon seul ami. Et parfois, le soir, le tour d’auto béni avec papa.
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Comment ma mère peut-elle être abandonnée comme ça, une femme comme elle, lucide, intelligente, pleine d’énergie, réduite à être couchée sur son lit dans sa petite chambre, à attendre que la vie finisse. C’est monstrueux. La culpabilité m’envahit, la compassion, l’empathie, tout ce qu’elle n’a jamais eu pour moi, ça ne fait rien, maman, tu ne le sais pas, mais je t’aime, et je ne sais pas quoi faire, je ne peux plus te sauver ma pauvre maman, tu es sourde et aveugle, qu’est-ce qu’on peut faire, mon Dieu, aidez ma mère, faites qu’elle meure, vite, sans souffrir, dans son sommeil, je pleure à haute voix, et la plainte de Watam à la porte de ma petite maison me répond, je lui ouvre.
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Une tête dure comme elle, c’était impossible d’organiser quoi que ce soit, de l’aide à la maison, elle ne voulait pas payer, elle ne voulait rien savoir, elle voulait et ne veut jamais que ses enfants, ses enfants et rien d’autre, maman, c’est impossible, je sais que tu n’as jamais pu imaginer que nous avons des vies, des amours, des responsabilités à notre tour, des bonheurs, des malheurs, des enfants que nous aimons, nous sommes vivants nous aussi, ou du moins nous essayons, et pour l’être un peu, il faut être loin de toi, parce que tu nous manges ma pauvre maman, tu es une mère anthropophage, cannibale, maman ton destin me désespère, pourquoi, que t’est-il donc arrivé?
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