Émission du samedi 12 mars 2016 - En quoi la résidence d'écriture aide dans le processus de création ? Penda Diouf, autrice française.
Destination Francophonie #143 - RYN
L'arbre :
C'est ici ton poumon. Tu vois, tu peux respirer. Pas d'angoisses, pas de tristesse. Tu es bien plus forte que ça.
(La femme inspire, expire. Inspire, expire. Comme en transe. On entend toujours le tambour.)
Tu es bien plus vieille que tout ça. Tu es la terre arable qui va permettre à l'Homme de se nourrir. Tu es le galet sur la plage, témoin de l'évolution. Tu es l la source qui a permis la vie. (...)
Le cœur bat. C'est déjà ça. Je ne suis pas morte. Je ne suis pas morte de honte. Je ne suis pas morte de peur. Je ne suis pas morte d'effroi. C'est déjà ça. Je peux encore compter. Un. Deux. Trois. J'ai toute ma tête. C'est déjà ça. J'inspire. Fort. C'est douloureux. Obstrué. Bouché. Ça m'oppresse. Mais un mince filet passe. Filet par lequel j'expire. Là. Maintenant. Tout de suite. Ici et maintenant. C'est déjà ça. Je suis là. Ils m'ont fait pleurer. Ils m'ont intimidée. Ils m'ont blessée à coups de questions, à coups d'interrogations, à coups de réponses que je n'ai pas donnée. A coup d'humiliation. A coup de coups de pression. A coup de silence. A coup de tensions. Ils ne m'ont pas tuée. Je suis là. Ils ne m'ont pas tuée. Ils ne m'ont pas tuée. Ils ne m'ont pas tuée.
LE PERE :
Tu sais, les policiers ne disent pas toujours la vérité. Ils font... leur travail, mais ce sont des humains. Et les humains font des bêtises, tous les humains. C'est dans la nature des choses.
Ils font des bêtises, graves parfois. Demande à la famille d'Adama. Ou à celle de Théo.
Le griot :
Je descends d'une famille de griot, de conteurs d'histoires. Je suis la mémoire vivante, une bibliothèque qui n'a pas brûlé, un trésor humain. Car si je meurs, qui connaîtra l'histoire ? Qui connaîtra son histoire ?
Et les deux cousins, les jumeaux, qui passent leur temps attachés dans la cour. Car sinon ils vont courir les rues, nus, leur corps décharné, mendier, se faire moquer au mieux, bousculés parfois, tapés souvent. Alors ils sont attachés. Une façon de les protéger.
Perdre la langue face à la violence du monde, ce n'est pas forcément la folie, c'est l'ultime refuge.
Elle a donné l'amour, elle était l'amour. N'oublie jamais ça. N'oublie jamais l'amour.