Mais a partir du moment où j'ai cessé de les voir comme des victimes, j'ai pu me détacher d'eux . En étudiant l'hustoire, en lisant des livres, en voyant des films, je le suis convaincue qu'ils appartiennent à la catégorie des coupables, des assassins. Mais enfant, je voyais tout autre chose: ils étaient des réfugiés, démunis, vivant dans la peur, presque a la rue. Ce n'est pas a ça que ressemblent les coupables, les assassins, ils jouaient aux victimes, se croyaient victimes, et moi je ne les ai toujours vus que sous cet angle la.
Extraits du post-scriptum de Peter Sichrovsky :
Ce n'est pas tant la peur de mourir qui active en nous ces fantasmes que la rage et le désespoir nourris par ce qui s'est passé. Il ne faut plus que cela puisse se reproduire. Plus jamais nous ne réagirons aux premiers symptômes en nous disant qu'il n'y a pas de quoi fouetter un chat.
La génération montante, elle, perçoit les choses tout autrement. Nos enfants se sentent chez eux, ici, ils se sentent allemands ou autrichiens et ont peur de devoir s'en aller. Ils nous parlent de leurs amis, sont fiers de leur pays ; nombre d'entre eux préféreraient, si l'on assistaient à un regain d'antisémitisme, rentrer dans leur coquille, se cacher, renoncer à leur patrie. Ils ne peuvent pas concevoir que l'on entreprenne à nouveau, en Autriche ou en Allemagne, d'anéantir systématiquement les Juifs. C'est cela qui les distingue de nous.
Presque toutes les personnes de ma génération que j'ai interviewées - et moi avec elles - sont convaincues que les Allemands et les Autrichiens d'aujourd'hui sont parfaitement capables de recommencer... Croire que les gens - dans ces deux pays surtout - puissent être habités par un sentiment de culpabilité tel qu'il interdise que tout cela se répète relève d'une forme de naïveté que nous ne pouvons plus nous permettre.
Extraits de la préface de Gilles Perrault :
L'auteur a choisi de taire le sinistre palmarès de chacun. Ses bourreaux sont aussi divers que possible. Mais ils ont un dénominateur commun : aucun ne renie son passé. Nul vrai remords ni regret authentique - sinon d'avoir perdu la partie.
[...] « Le ventre est encore fécond, d'où sortit la bête immonde. » C'est une façon de dire les choses. Une autre consisterait à se demander - n'est-ce pas l'ultime énigme à résoudre ? - pourquoi tout un peuple suivit si gaiement le moustachu joueur de flûte.
S'agissant d'interviews de « seconde » ou « troisième génération », je ne peux que vous recommander la lecture de ce livre, terrible mais édifiant en ce qui concerne la vigilance qui ne devra sans doute jamais nous quitter. Il faut toutefois noter que le 16 octobre 1996 Peter Sichrovsky a été élu député européen du FPO, le parti néo-nazi autrichien de Joerg Haider.