En politique, les rares qui subsistent sont confinés dans l’anonymat. Dans le journalisme, c’est pareil. Je me flatte d’être l’un des derniers à n’être passé ni par une école spécialisée ni par Sciences-Po. J’ai publié mon premier article à dix-neuf ans et j’ai appris mon métier grâce à des rédacteurs en chef qui me faisaient recommencer huit fois un entrefilet et me disaient : « Finalement, c’est la première version qui est la bonne. » Quant à la politique, je l’ai apprise sur le tas, dans les congrès ou les corridors, en observant des maîtres comme il n’y en a plus, les Edgar Faure, Defferre ou Chaban-Delmas. De nos jours, les partis enseignent aux hommes et aux femmes, avant de les lâcher sur le pavé de la politique, l’art et la manière de parler aux médias. C’est plus qu’il ne faut pour se lancer dans la carrière.
« Les emprunts d’aujourd’hui sont les impôts de demain. »
En politique, il vaut mieux garder ses élans du cœur dans une pudique clandestinité. Le verbe aimer doit être exclusivement réservé aux électeurs, au peuple, au pays. Et alors on peut laisser déborder son cœur et ses lèvres.
L’amour en politique est coté comme au CAC 40. Nos grands fauves, parvenus ou non au sommet de leur trajectoire, ne cessent d’en consulter le cours grâce aux instituts de sondage. Arrive toujours, inexorable, le temps du désamour, ce qui prouve bien qu’il y a eu quelque amour auparavant. Parfois, c’est l’inverse : François Mitterrand a été, dans la force de l’âge, l’homme le plus haï de France. Mais une fois à l’Élysée, malgré toutes sortes de mésaventures ténébreuses, « Tonton » est devenu l’objet d’un élan irréfrénable.
En consultant l’histoire depuis César et Brutus, on constate que l’amitié en politique n’a rien à voir avec le sentiment. La règle est connue : « Mon Dieu, protégez-moi de mes amis. Pour mes ennemis, je m’en charge. »
Un ami, ce n’est rien qu’un camarade de parti, de chapelle ou de courant de pensée. On en change au fil des événements, ils vous lâchent au premier coup de tabac.
Les hommes politiques seraient donc sujets au spleen, au blues, et parfois à des dépressions qui peuvent durer plusieurs semaines. Mais les hommes d’État, qui sont moins que personne à l’abri de ces accidents de l’âme, se doivent de n’en rien laisser paraître.
Les affaires font les délices des citoyens qui vivent modestement et exclusivement de leur salaire : elles font les choux gras et mettent du beurre dans les épinards de certains journaux.
La politique est un abrégé de la comédie-tragédie humaine. Elle conjugue les arts de la guerre, du spectacle, du discours et aussi du mensonge. Les hommes et les femmes qui en font profession ne sont pas plus malhonnêtes et pas plus vertueux que la moyenne des Français. Même s’ils ne traduisent pas la diversité de la population et la totalité des couches sociales, ils sont bien à l’image de ceux qu’ils représentent. « Tous pourris ! » est une imprécation injuste, infâme.