J'ai acheté ce livre il y a quelques années, en début de carrière, et je dois dire que je n'y ai pas trouvé les réponses à mes interrogations et mes problèmes. Finalement j'en suis sortie avec encore plus l'impression de "ne pas être à la hauteur" (au contraire de l'avis des différentes directions pour qui j'ai travaillé).
Bien j'ai apprécié et été nourrie par les idées de Philippe Meirieu dans mes cours à l'école normale, j'ai beaucoup de mal à lire un livre de lui.
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De quel ordre est la relation pédagogique? Que signifie éduquer quelqu'un? Quel est mon métier? Philippe Meirieu montre bien le caractère paradoxale de l'entreprise éducative, l'écart entre son idéal, la formation de sujets libres, et sa réalité, l'acquisition par les individus de normes qui leur permettront de faire leur nid dans la société.
Ce qui est intéressant chez Meirieu, c'est qu'il ne prend pas position pour l'un de ces deux pôles, qu'il montre qu'ils sont les deux absolument nécessaires. Qu'est-ce que ça signifie en pratique? Que les résultats d'un enseignement sont de plusieurs ordres, qu'il y a d'un côté l'acquisition de savoirs utiles et d'un autre éducation à la liberté, c'est-à-dire possibilité de contestation des savoirs appris. Le prof, qui est toujours un démiurge en puissance, doit accepter, au nom même de son entreprise de formation de l'autre, que cet autre lui échappe, qu'il ne corresponde pas à ce qu'il attend de lui et qu'il ne soit pas nécessairement reconnaissant envers lui. Le prof donne et n'attend rien en retour. Tâche ingrate? Certes, mais seul moyen de ne pas vivre dans l'illusion, de ne pas trop être déçu, de ne pas claquer la porte de l'enseignement après trois ans. Affirmer que le prof n'attend rien de l'élève ne signifie qu'il ne croit pas à l'éducabilité de l'élève, bien au contraire. C'est même le postulat de base de Meirieu. On ne peut être pédagogue que si l'on croit que tout individu peut être éduqué à la liberté, que tout individu peut devenir un sujet et que je (le prof) peux l'y amener. Il ne faut jamais renoncer à l'idéal tout en étant conscient qu'on ne l'atteint jamais tout à fait, que souvent, on s'enlise.
Bref, éduquer est une entreprise d'abord éthique, la mise en place de tout ce qui peut faire advenir des valeurs auxquelles on croit, à commencer par la liberté: "il faut, en réalité, vouloir faire advenir ce qui apparaît à la fois éminemment nécessaire et résolument inaccessible [...] il faut affirmer que l'on va y parvenir en se sachant condamné à l'échec". Impossible? Alors, il faut faire "comme si". Candeur? calculée. Un bon prof, alors, c'est quoi? Un idéaliste pragmatique.
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excellent ouvrage de pédagogie
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Les éditions Rue du monde nous livrent un portrait de Janusz Korczak, un héros de la vie ordinaire. Le texte est bouleversant. Mais pas autant que le personnage, médecin, écrivain, pédagogue et militant qui a œuvré toute sa vie pour la cause des enfants.
Un docu-fiction qui rend hommage à un homme au courage exceptionnel. Raison pour laquelle, nous nous devons de connaître et faire connaître son histoire.
A. Avalle
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Derrière ce titre aguicheur il ne faut surtout pas oublier le sous-titre: "à l'école, dans leur vie, pour le monde". C'est à dire que ce livre n'est pas un livre pratique pour permettre à nos enfants de mener des grandes études, mais bien un livre théorique qui se penche sur la question du sens de la réussite dans le monde d'aujourd'hui. A la fin de l'ouvrage on trouve un précieux index des penseurs et pédagogues cités avec un résumé synthétique de leur pensée.
Philippe Meirieu insiste bien sur les évolutions de notre société qui font que la réussite d'hier n'est pas celle d'aujourd'hui, et que la pédagogie d'aujourd'hui ne peut se construire comme celle d'hier alors même que le monde a changé.
Nous sommes passé d'un monde où l'effort était essentiellement porté sur le corps physique à un monde où l'effort physique est désormais considéré comme délassant et où le "bien-être" est devenu un but à atteindre. Comment, dans ce monde où tout pousse au bien être et à l'effort minimum, nos enfants peuvent-ils être portés à l'effort intellectuel? L'auteur prend le contre-pied de certaines théories à la mode : non l'enfant n'a pas naturellement envie d'apprendre . Il a naturellement envie de savoir, et il aimerait bien savoir tout tout de suite, tandis qu'apprendre est un effort nécessaire vers l'inconnu. Ainsi la pédagogie n'est ni portée sur la désespérance, ni un truc de bisounours.
Nous sommes également dans un monde où nous avons davantage de liberté dans nos choix de vie, mais cette liberté fait peser un poids important sur les individus : le poids du choix et de la responsabilité. C'est pourquoi le but le plus important de l'éducation et de permettre à l'enfant d'accéder à l'autonomie. L'auteur définit l'autonomie comme « la capacité à penser librement alliée à la force d'agir », car penser librement ne sert à rien si nous sommes paralysés par la peur de faire un mauvais choix, ou si nous ne savons pas faire l'effort d'agir vers notre but. L'obligation d'être libre est anxiogène. de nos jours les jeunes entre 16 et 30 ans expérimentent une phase d'exploration qui est à voir un peu comme un « roman de formation », car choisir un métier c'est renoncer à d'autres, prendre un risque, articuler savoir (ce métier m'intéresse car je le connais un peu) et non-savoir (je ne sais pas encore si tous les aspects de ce métier me plairont).
Les enfants d'aujourd'hui, bien plus que ceux d'hier, sont des enfants désirés, ils sont l'objet du bonheur de leurs parents. Les relations parents-enfants d'aujourd'hui sont chargées d'affectivité. Meirieu défend par exemple la tradition du Père Noël, qui permet à l'enfant de recevoir sans qu'il ait pour autant l'injonction d'être reconnaissant ou redevable. Et pour la même raison il défend l'école, en tant qu'institution qui désaffective la vie psychique : l'école est là pour montrer qu'on n'est pas obligé de s'aimer pour travailler ensemble, et permet à l'enfant de se dégager de l'obligation d'allégeance. C'est aussi souvent le premier lieu où l'enfant va confronter les pensées de ses parents à celles d'autres adultes et ainsi forger la distinction entre croyance et connaissance.
L'auteur insiste sur l'importance des rituels qui marquent les différents paliers d'accès à l'autonomie : par exemple le primaire qui marque l'entrée de l'enfant dans l'écrit, conseillant aux parents de communiquer aussi par écrit avec leurs enfants. L'école doit amorcer un dialogue entre pairs qui est amené à se transformer en dialogue intérieur. Ainsi pour éviter les fautes d'orthographe l'enfant doit avoir en lui un « correcteur sadique » qui va interroger sa propre écriture. L'école doit aussi donner à l'enfant une panoplie méthodologique. Meirieu ne réfute pas l'existence des différents type de mémoires (visuelle, auditive, etc.), mais pointe le fait que l'enfant doit faire travailler chacune de ces mémoires car chacune va servir pour des tâches différentes : il serait absurde de toujours solliciter la mémoire visuelle d'un enfant qui serait par nature de « type » visuel.
Pour l'auteur s'il y a une responsabilité que nous devons donner aux enfants, c'est le devoir d'être attentif à ce qui se dit en classe, de poser des questions : les élèves sont corresponsables de la qualité de l'enseignement qu'ils reçoivent. Il faut se méfier d'un enfant râleur, car c'est toujours la posture la plus facile, celle qui combine inactivité et critiques.
Enfin Meirieu rappelle en particulier à ceux qui sont tenté par l'enseignement à la maison, que l'école est le lieu par essence de la solidarité puisqu'elle est ouverte à tous les enfants sans aucune condition, et que la solidarité n'est pas d'abord une valeur, mais qu'elle est un fait.
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Une analyse convaincante, fouillée et riche sur l'éducation, sur la société,
Une belle philosophie "obstinée et inventive",
Des pistes pédagogiques à méditer-à diffuser pour lutter contre les pulsions d'achat utilisées par les marchands, contre le zapping et l’instantanéité, contre les prédictions assénées dès le plus jeune âge, ...
L'auteur est un passionné d'éducation scolaire, mais on peut aussi transposer ses idées sur le monde de la petite enfance.
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