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Citation de Presence


Alors s’en vint le temps des barricades, le temps du souffre et du canon s’en vint l’heure des pétroleurs de treize ans aux visages encore lisses et glabres qui riaient aux flammes comme le condamné rit à la mort. Les tricoteuses de 89 avaient troqué leurs aiguilles contres torches et leurs pelotes contre des ports de pétrole. C’étaient des mères transformées en bacchantes, des ouvrières changées en messalines, des crève-la-faim déformées par la fureur. S’en vint le temps d’une apocalypse qu’ils jugeaient nécessaire, comme s’il fallait engloutir dans les cendres des siècles de privation et d’amertume en pensant, peut-être, qu’une justice nouvelle naîtrait de ce sol fraîchement consumé. S’en vint le temps des idéaux qui vacillent et de l’utopie qui se meurt. S’en vint le temps des barricades. Les pleutres avaient déjà jeté leur vareuse brune et décousu les bandes rouges de leurs vêtements laissant sur les pantalons sombres l’immense cicatrice de leur débâcle morale. Mais il restait quelques résolus pour redresser la hampe qu’un autre avait cassée, pour ramasser le chassepot qu’un autre avait laissé tomber, pour ceindre à la taille l’écharpe rouge qu’un autre avait dénouée. Et après qu’un Delescluze eut offert sa poitrine au canon, qu’un Varlin eut touché son œil crevé au peloton, ce fut la fin des barricades, la fin du souffre et du canon. Alors s’ne vint le temps des cerises amères et des tristes rossignols.
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