On connaît les grands courants d’idées, de sentiments et d’intérêts qui agitent la société française avant Louis XIV. C’est une société qui semble chercher son équilibre, si dangereusement troublé depuis un siècle, et qui ne le trouve point encore. Des courants divers et même opposés se combattent furieusement. On sent qu’on est à une époque de transformations profondes dans tous les domaines de l’action et de la pensée.
Dans l’histoire de la société française, la mort de Louis XIV n’entraîne rien de tout à fait nouveau : les moeurs du XVIIIe siècle ont déjà paru, et la Régence a commencé avant la Régence. Mais la disparition du grand roi amène dans l’État la réaction qui depuis des années se préparait presque ouvertement. Elle éclate aussitôt contre le dur et sévère gouvernement dont il avait été si longtemps l’inspirateur et l’incarnation souveraine.
La société d’un pays, et d’un grand pays tel que la France, est, en effet, un organisme très complexe, dont les divers organes sont ou paraissent tellement solidaires qu’il est bien difficile d’en expliquer les fonctions et le jeu d’ensemble, surtout avec les termes de notre vocabulaire social et politique, encore fort vague et incertain : que d’historiens modernes se sont plaints de cette insuffisance de la langue historique !
On sait que la monarchie française fut, au temps de saint Louis, de Philippe le Bel et de leurs successeurs, une monarchie tempérée par des coutumes, et même, à partir du XIVe siècle, par une sorte de représentation nationale, les États généraux, qui, sans être périodique, eût pu devenir une institution régulière, si l’entente s’était faite entre la nation et le roi, et entre les trois « ordres » de la nation.
Henri IV parut : son habileté politique, ses talents de chef militaire et d’homme d’État, son arbitrage suprême, qui savait concilier, pour l’instant, les factions encore déchaînées, le charme de sa personne, son éloquence primesautière et familière, qui lui gagnait les esprits et les coeurs, tout le favorisa.