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Citation de Morgouille


Il est resté longtemps immobile, l’archet posé sur les cordes. J’ai cru qu’il allait prendre la fuite. Et, je l’avoue à ma grande honte, j’ai pensé à ce moment-là que c’était ma présence qui l’intimidait. Il ne m’est pas venu à l’esprit qu’il pouvait attendre que la musique monte en lui. Ou plutôt qu’elle descende en lui : car c’était bien des cieux inexplicables qu’elle coulait, j’ai eu tout le concert, et les suivants, pour m’en apercevoir.
Je l’ai donc regardé. Pas un instant je n’ai détourné les yeux.
Dès la première note, il avait fermé les siens comme s’il avait choisi de nous ignorer et j’ai été transporté hors de réel. Je croyais entendre un être surnaturel ; ou tout un orchestre. La richesse phénoménale de son expression ne pouvait sortir du simple instrument de bois qu’il serrait sous son menton ! Bouleversé, captivé, hilare, le visage tout rouge d’excitation, je laissais ce diable me propulser jusqu’en enfer. Ou jusqu’au paradis.
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