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Citations de Pierre Charras (94)


Pierre Charras
Peu importe ce que les jeunes lisent : c'est le 'muscle' de la lecture qu'il faut faire travailler et personne n'a pas besoin de débuter avec Marcel Proust.
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C'est rare, précieux, un sourire. Ca n'a rien à voir avec la gaieté, ni même avec le plaisir, la satisfaction. Ce ne sont là que des sensations d'arrivée, alors qu'un sourire, c'est un départ, un projet.
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Si tout n'était pas encore exprimé, avec Clarisse, notre histoire s'essoufflait. Elle suffoquait, même. Clarisse devait en être consciente autant que moi. La dernière fois, d'ailleurs, n'avait-elle pas fait des manières? Elle voulait bien, puis elle ne voulait plus. Et lorsqu'elle s'était enfin décidée, je ne la pressais déjà plus que par politesse. Nous avions bataillé longtemps, chacun pour soi, avant d'accoster au plaisir. J'avais beaucoup exagéré le mien. Toujours pour m'en tenir au rôle de soupirant que j'avais de plus en plus de mal à interpréter. Quant à elle, elle avait fait semblant, tout simplement. Oh, l'illusion était parfaite, il n'y avait rien à critiquer pour l'orgasme lui-même, aussi vrai qu'une copie du Louvre. Non, c'étaient les quelques secondes qui l'avaient précédé: je l'avais très bien vue renoncer, juste avant de repartir vaillamment, en trompe l'oeil. Nous en étions arrivés aux mensonges, à la courtoisie. (...) Clarisse s'est imaginé qu'elle pouvait me guérir de ce désarroi où je m'étais enfermé, et qu'il suffisait pour cela de rénover notre couple, comme on retape une maison de campagne.
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« Malgré son jean, ses grosses chaussures militaires, son blouson de cuir, ses cheveux courts, elle avait une grâce que rien ne peut entamer, qui dure quelques années, entre quatorze et dix-huit ans, le plus souvent. Avant, ce sont des enfants, ensuite ce sont des femmes, mais pendant la parenthèse, elles sont invincibles, inaltérables. Des sortes de déesses antiques. Ou, pour le moins, des Terriennes privilégiées qui auraient reçu des cieux ce cadeau hors de prix : plaire à tout le monde »
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Personne ne semble avoir remarqué le sac. Emmanuel pense, amusé, qu’il pourrait bien contenir une bombe et il a presque envie de crier « attention » … mais il imagine la suite, lorsqu’on s’apercevra que le sac ne renferme que des chaussures de course et un short. Comme ils auront honte, tous, d’avoir eu peur et comme ils chercheront à noyer leur malaise en se retournant contre le messager.

Oui, comme ils se moqueront de lui, alors ! La moquerie, c’est bien ce qui le terrifie le plus. Comme tous les enseignants sans doute. Lorsqu’ils montent sur l’estrade, gagnent leur bureau et affrontent leur auditoire, ils préfèreraient n’importe quoi à une moquerie. Un coup de feu, de couteau. Une bombe, oui, justement. Plutôt mourir qu’avoir honte.
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Il sent chez lui, parfois, une carence en haine. Car c’est reposant la haine, c’est naturel, c’est la plus grande pente. Comment expliquer, sinon, qu’elle soit si répandue ? Emmanuel ne hait personne. Cela ne veut pas dire qu’il a de la sympathie pour tout le monde, mais, enfin, il y a de quoi s’inquiéter.
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« Il a beaucoup de mal à classer les adolescents entre quatorze et dix-neuf ans. Comme si, au sortir de l’enfance, ils basculaient tous d’un bloc dans un âge commun. C’est à cause de cette dureté qu’ils ont aujourd’hui, indépendamment de leur milieu social, de l’entente de leurs parents, de leurs expériences intimes. Pendant quelques temps, après qu’ils ont quitté les rêves des premières années et qu’ils échappent encore aux illusions auxquelles les adultes sont bien obligés de se raccrocher pour survivre, ils sont durs, tout droits, héroïques, pourrait-on dire. Ils font bravement face à un avenir menaçant, désespérant, menacé. »
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Même si sans lui ce sera l’hiver toute l’année, elle en est bien consciente. Même si la vie, la vraie vie, la vie intéressante, s’arrête là. Que demain soit moins beau qu’hier, elle l’accepte. Ce qu’elle refuse, c’est qu’avec Gabriel demain soit moins beau qu’hier.
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Il a dans le regard une douceur lasse d'instituteur, de curé, de médecin. Non, plutôt le genre qui a vu tant de misères qu'il a fini par se persuader que le mieux, pour respirer un peu, c'est encore d'aimer les gens.
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Quand on voue repousse vers les marges, vous revendiquez l'impossible, c'est inévitable: vous voulez être vu mais ne supportez pas d'être regardé.
p54
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Ça a commencé après la mort de Benoît. Emmanuel s’est perçu un jour comme imaginaire. Comme si celui qu’il voyait dans le miroir, qu’il lavait, qu’il habillait, qu’il nourrissait bouchée après bouchée, ce n’était pas lui mais encore Benoît. Cet effacement du corps, c’est son deuil, peut-être.
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C'était un rendez-vous de désamour. Un coup de foudre à l'envers. Un adieu, peut-être. Mais nous voulions rester légers, éviter la posture du drame. Alors nous avions imaginé un jeu. Sans doute pensions-nous que si nous nous comportions comme des enfants, nous nous en tiendrions, pour les blessures, aux genoux couronnés et aux bosses sur le front.
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On n'est pas stupide provisoirement. La bêtise n'est pas précaire, elle est mutante.
p19
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Il l'a serrée contre lui, très fort. Et là elle a senti un truc inconnu qui l'a bouleversée très profond, très loin, au-delà du corps et de la conscience. Pas vraiment du plaisir, non. C'était plus large, plus vaste. Plus sombre, aussi. C'était plus grave que le plaisir. La différence, c'était un peu celle qu'il y a, quand on écoute de la musique, entre le violon et le violoncelle. Ça ne l'a pas vraiment soulevée de terre, emportée, comme le violon, comme le plaisir, non, mais ça lui a donné envie de pleurer. De pleurer de bonheur, oui.
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En admettant que je rencontre quelqu’un très bientôt ; que nous décidions de faire du chemin ensemble ; que nous avancions du même pas… Combien de temps faudrait-il pour rebâtir une complicité comme la nôtre ? Combien de chances avais-je de trouver une femme qui, au cours des jours sans sexe qui sont tellement plus nombreux que les autres, à nos âges, s’amuserait des mêmes travers de l’humanité que moi, s’arrêterait dans les mêmes paysages, les mêmes vitrines, partagerait mes indignations, mes colères ? Une femme qui saurait, au cinéma, sans avoir besoin de me regarder, que je pleure et qui me prendrait la main dans le noir, comme pour me murmurer qu’il n’y a pas de honte à ça ? Une femme qui ne s’enfermerait pas à double tour dans la salle de bains, qui pourrait s’habiller devant moi, avec qui je bavarderais en me rasant ?
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Et il avait dit : "J'accepterai ta décision, quelle qu'elle soit." C'était pire qu'un refus. Elle pouvait avorter ou ne pas avorter, pour lui c'était pareil. Il s'en fichait.
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"Maman ne savait pas découper la viande. D'ailleurs, dans cette villégiature, elle ne savait plus rien faire. On aurait dit qu'elle était devenue quelqu'un d'autre. En moins bien. Une doublure. On l'avait mise à la balance, à la caisse. Mais elle se trompait une fois sur deux. Alors, elle restait la plupart du temps dans la cuisine, à éplucher les pommes de terre, à surveiller la cuisson des pâtés, à effiler les haricots pour toute la famille. Elle n'avait accès à la boucherie que pour répandre de la belle sciure pâle sur le carrelage. Pour l'occasion, elle revêtait une blouse blanche, brevet trompeur d'obscures compétences. "
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"On accédait aux salles par petits groupes, comme dans les magasins, les jours de soldes. Son tour venu, Francis introduisit son billet dans la borne de contrôle, un peu déçu malgré tout de devoir faire, pour entrer dans un musée, le même geste qu'à l'aéroport au moment de l'embarquement. Pour ne rien dire des guichets automatiques du métro.
D'abord, il a jeté un vague regard sur ce qu'il pouvait voir des vastes salles. Des murs blancs, jaillissaient de grands tableaux de couleurs vives. Tous encadrés. Tous sous verre. Il a pensé aux singes, aux oiseaux exotiques, dans les vitrines des zoos. Il s'est dit que les toiles de Francis Bacon étaient peut-être chauffées, qu'elles n'étaient pas d'ici.
Il s'est approché de la première. Il s'est immobilisé, bien en face. Depuis, il n'a pas bougé.
Ça a commencé par un frisson. De ceux qui vous secouent devant l'évier de la cuisine quand vous soulevez l'éponge et qu'une blatte file à toute vitesse se cacher derrière une boîte. Ou lorsque vous vous apercevez que ce que vous preniez pour un chiffon secoué par le vent, dans le caniveau, c'est un gros rat qui agonise. C'est ça qui est tombé sur Francis: la vie qui surgit des objets."
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Depuis ce matin, il n'existe plus, seuls ses gestes existent.
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Je souffrais d'avantage de l'absence de Sandrine que de sa mort. Au fond, sa mort, je n'y croyais pas. Elle m'avait quittée et tout le reste était quelque mauvaise fiction, destinée uniquement à me forcer la main sur le chapitre du chagrin.
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