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3.83/5 (sur 3 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Pierre Januel est un journaliste indépendant,qui a co-écrit son premier livre, Comment l'Etat s'attaque à nos libertés, en 2022. Il a travaillé au Parlement et au ministère de la Justice, ce qui lui a apporté une bonne connaissance du droit et de la politique. Il travaille pour plusieurs journaux, parmi lesquels Mediapart, La Lettre A, Dalloz actualité, L'Hémicycle et Nextinpact.

Source : https://www.mediacites.fr/auteur/pierre-januel/
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Interview du journaliste Pierre Januel à l'occasion de la sortie de son livre La Fabrique de la loi - Petit manuel à l'usage de tous (Hugo au Perchoir)


Citations et extraits (10) Ajouter une citation
La réponse policière au mouvement [des Gilets jaunes], forte d'années de durcissement à l'encontre des mouvements sociaux, sera brutale. Et malgré la présence de milliers de manifestants Gilets jaunes n'ayant commis aucune dégradation, le mouvement est réprimé avec une violence sidérante.
Après un an de manifestations hebdomadaires, le ministère de l'Intérieur annonce 2 500 blessés du côté des manifestants et 1 800 du côté des forces de l'ordre. Chez les manifestants, le nombre est vraisemblablement beaucoup plus élevé. Ce bilan est exceptionnel par ces chiffres, mais aussi par la gravité des blessures infligées : vingt-quatre ébor­gnés (on atteindra le chiffre de trente par la suite), cinq mains arrachées (il y en aura ensuite une sixième), des crânes ou des mâchoires fracturées. Des manifestants sont touchés, mais également des reporters, des passants, des secouristes. [...]. Il faudra le travail de journalistes comme David Dufresne pour mettre en lumière ce bilan sanglant. Et encore, avec certaines difficultés et une forme d'inversion des valeurs inquiétante : sur les chaînes d'information en continu, les destructions matérielles sont présentées avec plus d'emphase et d'indignation que les violences contre les personnes. Face à la répression des manifestations, une par­tie des médias reste ainsi très décalée de la réalité de terrain, se focalisant sur des dégradations alors que des centaines de personnes sont blessées. Une autre partie des journalistes aura un rôle clé pour exposer ce qui se joue dans les rues françaises. Les violences contre les Gilets jaunes entraînent de multiples rappels à l'ordre d'instances internationales : rapporteurs spéciaux des Nations unies, haut-commis­saire aux droits de l'homme de l'ONU, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Parlement européen...
Ces instances, aux côtés d'Amnesty Interna­tional, de la Ligue des droits de l'homme, du Défenseur des droits ou des syndicats de journalistes, dénoncent un main­tien de l'ordre qui porte atteinte au droit de manifester, en risquant de décourager les citoyens de descendre dans la rue. Comme cela se produit dans les pays les moins sou­cieux des libertés fondamentales. Face à ces critiques sévères, les pouvoirs publics répondent par le déni, s'atta­quant à la méthodologie des institutions internationales (qui ne serait pas assez rigoureuse), aux chiffres, et réaffirmant, malgré les mutilés et les centaines de blessés, que tout se passe très bien en France, passez votre chemin. La volonté de rester ferme semble l'emporter sur le constat de violation des droits humains. Et sur le constat d'échec. Car malgré la brutalité de la police, les manifestations et affrontements se répètent toutes les semaines. Là encore, la posture d'inflexi­bilité et de sévérité se révèle plutôt vaine. Et pourtant, le gouvernement n'opère aucun changement. En septembre 2020, il publie un « Schéma national du maintien de l'ordre » qui entérine les pratiques de l'hiver 2018-2019, c'est-à-dire les pratiques de la période des manifestations des Gilets jaunes où le bilan humain a été le plus lourds. [p. 157-159]
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Lorsque nous avons rédigé les dernières lignes de ce livre, le Parlement votait définitivement le projet de loi «Vigilance sanitaire », qui prolonge les pouvoirs exceptionnels de l'exécutif pour lutter contre l'épidémie de Covid-19, et notamment la possibilité d'imposer un « pass sanitaire », en partie controversé. Sans surprise, la perte progressive des libertés depuis vingt ans pèse sur la gestion de la crise sanitaire que nous connaissons depuis le début de l'année 2020. Nous l'avons vu dans le chapitre 1, la France s'est rapidement rangée du côté des pays ayant fait le choix d'une stratégie basée sur le contrôle policier. Un peu plus d'un mois après le début du confinement, en avril 2020, interrogé par BFM-TV, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner déclarait fièrement que « 15,5 millions de contrôles ont été faits depuis le début du confinement sur l'ensemble du territoire et 915 000 procès-verbaux dressés ». L'attestation de déplacement, que nous avons conservée longtemps, a contribué à faire des taux de verbalisation un indicateur de suivi de la crise sanitaire bien éloigné du domaine de la santé. Son utilité même peut être questionnée, en particulier quand une attestation mal rédigée suffit à vous faire sanctionner ou quand sa validité est laissée à l'appréciation d'agents de police peu spécialistes des risques et modalités de transmission d'une maladie méconnue. De la surveillance des déplacements au contrôle du port des masques par des caméras «intelligentes» en passant par les applications « Stop Covid » et «Tous anti-Covid », la crise sanitaire a aussi accéléré le recours aux nouvelles technologies, et à la surveillance.
Puis, à l'été 2021, la France est dans les premiers pays européens à imposer le pass sanitaire, qui oblige à présenter un QR code pour accéder à de nombreuses activités de la vie quotidienne. Au départ, lors de son adoption au printemps 2021, il devait être limité aux seuls grands événements, susceptibles d'accueillir mille personnes et aux éventuels passages de frontière ou arrivée dans un département d'outre-mer (loi du 31 mai 2021) : il était impossible de l'utiliser pour d'autres types de lieux et de le demander hors de ces grands événements était même un délit puni d'un an d'emprisonnement. Deux mois après, le pass est généralisé. En juillet, le président de la République annonce qu'il devient obligatoire pour l'accès à un certain nombre de lieux, dont les restaurants, les lieux culturels et un certain nombre de transports. Comme le prédisait l'universitaire Paul Cassia dès mai 2021 : «Aujourd'hui strictement limité aux grands rassemblements, il concernera nos activités du quotidien à l'automne prochain en cas de regain épidémique, car au nom du "retour à la normale" et de la préservation de la santé publique, chacun acceptera de devoir individuellement prouver sa neutralité sanitaire pour accéder à des lieux recevant du public tels que transports, services publics, commerces, cafés et restaurants plutôt que d'avoir à endurer à nouveau les innombrables contraintes collectives que nous subissons depuis mars 2020. » Avec un problème notamment pour les salariés refusant de se faire vacciner. Le tout dans des délais trop brefs pour que des personnes non vaccinées puissent avoir un parcours vaccinal complet avant l'entrée en vigueur de la mesure, en déléguant la responsabilité de l'organisation de la vaccination aux particuliers face à une plateforme privée, Doctolib, rapidement saturée. Et sans dispositif d'accompagnement des personnes les plus marginalisées et éloignées du soin (ou des outils numériques). Malgré cela, à l'été 2021, les députés acceptent de renoncer à toutes les limitations qui avaient justifié la création du pass trois mois avant, et votent sa généralisation. Le Conseil constitutionnel valide l'essentiel de la loi et le Conseil d'État - avant même la promulgation de cette loi ! - considère que son extension est justifiée par la reprise de l'épidémie liée au variant Delta. Aucune des deux institutions ne souhaite gêner le gouvernement dans sa gestion de la crise. Et le gouvernement ne fait que suivre les annonces présidentielles tandis que la majorité présidentielle fait passer les textes à l'Assemblée. [p.257 à 259]
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[...] tant que les juges judiciaires sont de la partie, dans les limites de ce que l'interprétation de la loi permet, des décisions favorables aux libertés restent possibles. Ce rôle de rempart explique peut-être en partie les attaques qu'ils subissent, notamment de la part de syndicats policiers radicaux pour qui « le problème de la police, c'est la justice ». Dans le même ordre d'idée, des députés très à droite de l'échiquier politique s'en prennent aujourd'hui à la Constitution et aux droits qu'elle contient, qui les empêchent d'adopter les mesures antiterroristes les plus liberticides (enfermement des fichés S, détention administrative sans limite de temps...)
[Note : La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 vient après les abus de la monarchie, pour protéger les citoyens de l'arbitraire des lettres de cachet, par exemple. Au niveau international, la Convention européenne des droits de l'homme ou la Déclaration universelle des droits de l'homme viennent après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, à commencer par l'Holocauste : à la sortie de cette période, il paraissait évident et essentiel d'instaurer des normes humanistes afin d'empêcher que ces atrocités ne se reproduisent. Elles étaient encore assez concrètes pour que les droits qui ont été érigés afin de protéger les hommes ne soient pas perçus comme des «lubies» gênantes pour les dirigeants].
Ces assauts contre les textes qui établissent les droits humains sont assez hors sol et inconscients de la réalité de l'histoire et du pouvoir : ces normes, loin d'être des lubies de «bobos» utopistes, sont issues des pires périodes d'oppression connues dans l'histoire et se basent sur l'expérience des abus que le pouvoir et les hommes peuvent commettre. Le fait qu'elles soient critiquées par les franges les plus conservatrices de la politique démontre sans doute qu'elles continuent de nous protéger, et qu'il sera important de ne pas les perdre. Cela dit, même si la Constitution était modifiée, nos droits et libertés fondamentaux sont également inscrits dans de nombreuses conventions internationales. [p. 248-249]
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A la fin des années 1990, on faisait disparaître le fichage par les renseignements généraux (RG), quand, en 2020, Gérald Darmanin a restauré le fichage des opinions politiques. S'agit-il d'une stratégie délibérément calculée depuis vingt ans ? Nous n'en sommes pas convaincus. "Toujours préférer l'hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante. Le complot exige un esprit rare." [citation prêtée à Michel Rocard] La vision de long terme, par rapport au court terme médiatique ou électoraliste, exige, elle aussi, un esprit rare. Et ce glissement fut continu ces dernières années. [...] Aujourd'hui, dans ce mouvement liberticide, la France s'inscrit dans une histoire mondiale d'Etats toujours plus hostiles à certains groupes et à la dissidence : si la contestation est toujours, et depuis longtemps, réprimée en Chine ou en Russie, des pays plus proches géographiquement de nous (Hongrie, Pologne) se durcissent, tandis que, du Brésil à l'Inde, des chefs d'Etat très répressifs écrasent désordres et oppositions de manière bien plus drastique que ne le faisaient leurs prédécesseurs. Y a-t-il un homme instigateur de cette situation ? Malgré la concentration des pouvoirs et le présidentialisme à la française, les responsabilités semblent plus diluées. La domination du discours répressif s'exerce depuis vingt ans, et la perte de nos libertés est devenue fulgurante depuis deux mandats exercés par deux hommes différents, François Hollande et Emmanuel Macron, qui ne se revendiquaient pas comme répressifs au moment de leurs élections respectives. Chacun des dispositifs nous menant à cette situation a par ailleurs été élaboré par une pluralité d'institutions, qui portent toutes une part de responsabilité - même si le poids de l'exécutif, dans sa variété, reste écrasant. La disparition de nos libertés se cache souvent dans d'obscurs décrets ou rapports parlementaires, dans le lobbying industriel ou l'obsession sécuritaire de certains élus, dans des lois trop techniques pour faire la une des médias. [p. 21 à 23]
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L'état d'urgence sanitaire est venu s'ajouter aux états d'urgence contre le terrorisme que nous connaissons depuis 2015. Il a conduit les autorités françaises à prendre des mesures drastiques, à commencer par le confinement, déclinées ensuite en une série de contraintes variées, du couvre-feu aux fermetures d'établissements jusqu'au pass sanitaire, donnant corps à la formule présidentielle «Nous sommes en guerre». Le quotidien est, plusieurs mois par an, rythmé par les attestations de sortie, régulièrement modifiées, devenant parfois kafkaïennes voire ridicules (jusqu'à une attestation de deux pages présentant quinze motifs et des horaires et distances variables, qui sera retirée à cause de sa complexité absurde). Nous devons nous adapter sans cesse à de nouveaux protocoles et en venons à avoir des questions que beaucoup n'imaginaient sans doute jamais se poser : « Qu'est-ce qu'on a le droit de faire ? Où a-t-on le droit d'aller ? » Jusqu'à l'arrivée du pass sanitaire à l'été 2021, qui autorise un contrôle des activités de loisirs de toutes et tous par d'autres citoyens. L'État est impliqué jusque dans nos soirées au restaurant ou nos sorties au cinéma. Réduire certains droits et libertés pour répondre à un objectif légitime — protéger le droit à la santé, en l'occurrence — est tout à fait possible, et admis par les conventions protégeant ces mêmes droits et libertés. Mais on peut s'interroger sur la logique d'une politique de gestion de crise sanitaire largement basée sur les interdictions, une logique reposant davantage sur la répression que sur la prévention. En pleine pandémie, le coeur des débats n'est pas le système de santé mais le contrôle du citoyen, infantilisé — on l'encadre jusque dans ses déplacements et loisirs — et ultraresponsabilisé : sur ses actes, ses sorties, ses gestes barrières pèse la surcharge des hôpitaux. Le nombre de contraventions distribuées doit-il être un indicateur de la gestion d'une pandémie ? Ces amendes ont-elles le moindre impact sur le contrôle de l'épidémie ? L'exemple de la Seine-Saint-Denis semble indiquer l'inverse. Au début de la crise sanitaire, le département le plus pauvre de France fut celui où on a verbalisé le plus. Un an après, ce département a le taux d'incidence du coronavirus le plus élevé du pays : frapper fort au début de l'épidémie n'a en rien permis de l'enrayer. Dès avril 2020, une étude de l'Observatoire régional de santé d'île-de-France pointait les conditions de logement ou le fait que le département abrite un grand nombre de travailleurs et travailleuses «de première ligne», comme les taxis, livreurs, caissiers ou soignants, pour expliquer la surmortalité liée au Covid. Au lieu de s'attaquer à ces facteurs, les autorités ont préféré infliger des amendes de 135 euros dans des zones marquées par la pauvreté. Une logique répressive qui ne peut qu'aggraver la crise sociale et la crise de confiance dans la police, sans pour autant endiguer le virus. Les sanctions n'ont servi à rien si ce n'est à accentuer le problème, car les causes de la crise sanitaire sont bien ailleurs. (p. 16-17)
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Une fois que ces informations [les données biométriques] sont détenues, traitées et conservées par un gouvernement, il a la main sur vous. Vous pouvez bien évidemment vous dire que vous avez confiance en vos élus, et que tous les outils que vous leur avez confiés ont été, jusqu'ici, utilisés raisonnablement et avec discernement. Vous pouvez aussi vous dire que cette surveillance ne vise que de louables objectifs : lutter contre le terrorisme et autres crimes, veiller au bien collectif et au respect de chacun (auquel cas on vous recommandera de revenir sur quelques chapitres précédents de cet ouvrage). C'est oublier que les gouvernements changent régulièrement alors que les méthodes et pouvoirs de surveillance restent, on le redit, que le terrorisme est assez largement défini pour englober un grand nombre d'activités qui déplaisent aux dirigeants, et que de nombreux exemples montrent qu'il est essentiel de se demander si on ne sera pas visé un jour par ce qu'on a laissé mettre en place. À Moscou, où plus de 200 000 caméras observent les habitants, des logiciels de reconnaissance faciale ont été progressivement ajoutés depuis 2017. Les objectifs annoncés étaient initialement honorables : lutter plus efficacement contre la criminalité, puis permettre de mieux respecter le confinement lors de la crise du Covid-19 au printemps 2020. Un an plus tard, en avril 2021, le pouvoir y trouve un nouvel usage : arrêter tous les opposants au régime qui osent aller manifester. Bien plus pratique que les interpellations dans la rue - encore un peu trop visibles par le grand public et peu appréciées d'une certaine partie de la communauté internationale -, il suffit maintenant à la police de recourir à la reconnaissance faciale pour identifier les visages de celles et ceux qui ont, par exemple, participé aux rassemblements de soutien à l'opposant Alexeï Navalny, aujourd'hui emprisonné. [...]
La surveillance de masse couplée aux nouvelles technologies, c'est l'instauration d'un contrôle insidieux sur toute une population. Y compris ceux qui pensent n'avoir rien à cacher ni à se reprocher. [p. 194-195]
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Depuis les attaques contre les États-Unis, de nombreux pays ont adopté des mesures qui ciblent de manière disproportionnée les musulmans, perçus comme étant « à la fois à haut risque et menacés de radicalisation ». Devenus « communauté suspecte » contre laquelle l'hostilité voire les violences se normalisent, les musulmans font face à des agressions, des attaques contre les lieux de culte et des lois réprimant leurs pratiques. Dans les cas les plus extrêmes, ils peuvent être victimes de persécution voire de nettoyages ethniques (Birmanie, Chine). En France comme ailleurs, les discours stigmatisants, jusqu'au plus haut niveau de l'État et dans certains médias, contribuent certainement à l'acceptation des mesures exceptionnelles qui leur sont appliquées, et au recul de l'État de droit - tout comme les discours guerriers sarkozystes contre la « racaille » ouvraient la voie au durcissement du droit pénal. La majorité se sent probablement moins concernée, la croyance qu'il s'agit de réagir face à des personnes « dangereuses » ou menaçantes peut conduire à se poser moins de questions sur le respect des droits fondamentaux. Évidemment, cela ne marche pas comme ça : les droits humains ont justement vocation à être inaliénables, et s'appliquer à toutes et tous, sans distinction de race, de sexe, de nationalité, d'origine ethnique, de langue, de religion ou de toute autre situation. C'est sur cette notion d'universalité que s'est construit l'édifice des droits humains. Et il est important de rappeler que chaque recul finit par nuire à tous. Accepter qu'un groupe puisse être privé de certains droits et libertés affaiblit la capacité à résister quand d'autres cercles sont touchés. Comment protester de manière crédible contre les perquisitions chez des militants écologistes quand on est resté silencieux sur celles qui touchaient nos voisins musulmans ? [p. 114-115]
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Maintenant que les photos et vidéos existent, le réflexe de l'État est de vouloir les faire disparaître. Drones et vidéo-surveillance pour la population, et opacité pour les policiers dont on ne pourrait plus diffuser les visages : avec ce double volet, la loi sécurité globale cristallise une forme de rupture ou de tension entre l'État et son peuple, le premier s'autorisant à contrôler l'autre en limitant la réciproque. Souvent, dans les débats parlementaires, les policiers — agents de l'État — seront présentés sur le même pied que les citoyens : si ces derniers peuvent filmer les forces de l'ordre, les forces de l'ordre doivent pouvoir les filmer. Cet argumentaire met de côté le fait que la captation d'images par un individu a des conséquences tout à fait différentes de la captation d'images par des États : ceux-ci ont des pouvoirs considérables pour en abuser. Être filmé par l'État, c'est céder son image à l'institution qui a le pouvoir d'arrêter et de détenir les personnes, d'utiliser la force, de surveiller... Légiférer en niant cette différence de statut revient à ignorer le droit à la sûreté, c'est-à-dire le droit à être protégé des abus de l'État. La déclaration de 1789 mettait ce droit à la sûreté en haut de la liste des droits «naturels et imprescriptibles» des hommes et des femmes. Deux siècles plus tard, les personnes qui filment la police sont mises sur le même plan que la police, comme si les deux parties avaient les mêmes responsabilités, et comme si l'une n'était plus censée être au service de l'autre. [p. 11]
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L'état d'urgence est une réaction de court terme, qui mobilise beaucoup de ressources policières et perd son efficacité après quelques semaines (les réseaux ont le temps de se réorganiser pour passer entre les mailles du filet). Mais, en 2016, les élus ont un autre souci : celui de rassurer la population. L'état d'urgence devient un outils de communication pour montrer qu'on ne baisse pas la garde, même si cette garde n'est plus utile : il sert surtout à communiquer sur le fait que l'Etat agit. [p. 85]
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Quand il s'agit de renforcer le fichage des Français, on assiste toujours au même scénario : le gouvernement profite d'un long week-end ou des vacances estivales pour publier un décret. Des journalistes et des associations de défense des droits humains s'en rendent compte. Un article est publié, les médias s'emparent du sujet à plus grande échelle. Le ministre de l'Intérieur justifie ce nouveau décret par la nécessité de lutter contre le terrorisme (même quand ce n'est pas tout à fait vrai) mais se dit très soucieux des libertés. Puis le sujet passe à la trappe. Si l'agitation est trop forte et perdure un peu, on attend quelques années pour y revenir et remettre ce décret à l'ouvrage. Une politique du «stop-and-go», qui permet de parier sur la lassitude de l'opinion. [p. 173]
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