Les buffles qui arrivent en retard boivent de l’eau troublée.
Proverbe vietnamien.
A Dien Bien Phu, la France a perdu la seule légitimation de sa présence, c’est à dire le droit du plus fort.
L’histoire n’a que peu d’autonomie : elle doit répondre aux exigences du politique.
On peut mourir bravement : on meurt en vain Et l’héroïsme des combattants, loin de la justifier, condamne la politique qui l’a imposée en lui ôtant jusqu’à l’espoir. Il faut faire la paix quand on n’a plus rien à offrir à ses troupes que de mourir en héros pour une cause injuste.
Cette fois, nous faisons la guerre. Depuis 17 heures environ, nous avons été copieusement bombardés pendant que les Viets attaquaient. Depuis 21 heures, c’est plus calme (…) La guerre serait une chose formidable s’il n’y avait ni morts ni blessés.
C’est comme la fin du monde. Je n’avais jamais été sous des tirs d’artillerie aussi importants… On est collé à la terre comme des ventouses, on aurait voulu disparaître sous la terre pour ne pas être haché… Quand ça c’est arrêté, je me suis relevé et j’ai pris mes jambes à mon cou pour rejoindre ma position à 800 mètres.
Jacques Allaire n’est pas le seul à ressentir l’effroi. Mis à part quelques rares officiers ou sous-officiers (« soit ils sont très courageux, soit ils n’ont pas d’imagination », ironise-t-il), beaucoup sont pris de panique.
La défaite de Dien Bien Phu était avant tout celle de la France, de ses élites politiques et militaires. D’une certaine manière, elle était aussi celle des États-Unis. Tandis qu’elle renforçait les dirigeants français dans leur désir de se désinvestir de l’Indochine, elle allait au contraire favoriser la remobilisation des Américains autour du conteinment. Dien Bien Phu servit de catalyseur à leur pensée stratégique sur l’Indochine et crédibilisa l’idée d’y substituer à celles des Français leurs idées et méthodes.