Pierre Puttemans

J'ai toujours admiré les façons de mes chats: ils attrapent délicatement la nourriture, la découpent avec soin et l'avalent sans bruit; auparavant, ils en vérifient minutieusement la nature et la date de fraîcheur, font le décompte des calories à l'aide de savants abaques, et lorsque tout n'est pas comme il faut déclarent que c'est de la merde.

Mon chien-chien avale tout ce qu'on lui lance et n'émet son jugement qu'après. Qui ne l'a pas entendu cracher n'a rien entendu. Cependant, mon chien-chien est essentiellement omnivore. Je m'émerveille de la voir anéantir des os de bonne taille, pleins d'esquilles féroces et d'irréductibles cartilages. Tout y passe, un fémur entier de mouton vient d'être réduit à néant, mais il a encore un petit creux; il vient réclamer son dû en marquant d'une échelle impérative un fin bas résille, fruit de longues veillées de ma studieuse épouse. On lui prépare alors une tartine: presque pas de croûte, une mie délicate (le pain est du matin), une confiture de prix. Mon chien-chien essaie une première bouchée, et nous demande comment nous avons le front de lui donner, à lui animal vénérable, chargé d'ans et d'inexpérience, quelque chose d'aussi dur, d'aussi difficile à mâcher. Oh, ce n'est pas la bonne volonté qui lui manque. Pour nous faire plaisir, il mastique longuement cette nourriture que seule notre âme de tortionnaires à pu suggérer de lui présenter. Mais ça ne passe décidément pas. Le bol alimentaire se répand sur le sol. Nous n'aimons pas notre chien-chien, voilà.

Peste, dit l'étranger.

Le calembour est la viande de l'esprit
Les œufs du fat berger
Les rapines président à la perte du peintre