Rainer Willmann

Définition de l'homologie
Lors de l'observation comparée d'organismes, une question cruciale se pose : sommes-nous devant le seul et même organe ? Pour y répondre, on se basait non seulement sur l'aspect extérieur de certaines structures, mais aussi sur leur évolution et leur emplacement dans le corps. Les organes identiques à diverses espèces étaient qualifiés d' «homologues ». Fort de ses connaissances sur l'évolution, Haeckel indiqua clairement que la question était désormais de savoir si les organes similaires présents chez différents groupes avaient été acquis par le fait d'une origine commune (organes homologues) ou bien s'étaient fornmés de façon indépendante (organes analogues). Haeckel définit donc I'homologie comme phylogénétique.

Le charme des microbes
Ernst Haeckel, le pionnier du XIX° siècle qui a saisi l'art et la beauté du monde naturel
Découvrez Ernst Haeckel - artiste et biologiste du XIX° siècle qui sut voir la beauté dans la plus improbable créature. Cette anthologie présente 300 planches parmi ses plus importantes publications, dont le majestueux Kunstformen der Natur, ainsi que ses larges recueils sur la vie marine. À l'heure où la biodiversité est toujours plus menacée, ces images extraordinaires constituent un chef-d'oeuvre scientifique, artistique et environnemental.

En mai 1860, six mois après la publication de L'Origine des espèces de Darwin, un jeune biologiste du nom d'Ernst Haeckel en lut la traduction allemande à Berlin. Il se reconnut très vite dans les réflexions révolutionnaires exposées dans cet ouvrage. On pouvait dorénavant retracer l'ascendance des êtres humains et, ainsi que le faisait Darwin, justifier que les capacités intellectuelles des êtres humains diffèrent certes de celles des animaux dans leur degré de manifestation mais pas sur le plan du principe. En propageant la pensée de Darwin et en en popularisant ses conséquences, Haeckel devint I'un des scientifiques les plus influents du XIX° siècle.

Ontogenèse et ontogénie, phylogenèse et phylogénie sont en revanche devenus des termes standard de biologie. En voici la définition livrée par Haeckel : «L'ontogenèse est l'histoire de l'évolution des individus, la phylogenèse l'histoire de la souche.» Le concept d'écologie aussi est haeckélien. Il entendait par là - la science de l'interdépendance des organismes », en d'autres mots : la « science de l'ensemble des relations qu'un organisme entretient avec le monde qui l'entoure". Bon nombre de ses autres néologismes restèrent sans postérité.

Les groupes d'espèces chez Haeckel et la nomenclature biologique
Nous expliquerons ici brièvement, à l'aune des unicellulaires (ou protistes), les problèmes taxinomiques auxquels la biologie moderne est confrontée. Les structures difficilement analysables de la plupart des unicellulaires et les relations de parenté que Haeckel postula en se fondant sur ces structures ont été révisées au xx° siècle suivant l'analyse des cycles de vie et à l'appui de la microscopie électronique. De nombreuses questions restaient néanmoins sans réponse et la recherche moléculaire démontra dès 1990, notamment la comparaison de séquences ADN, que les relations entre les unicellulaires étaient bien plus complexes que nous l'avions supposé dans le passé. Nombre des groupes circonscrits par Haeckel se sont avérés irrecevables.

La loi biogénétique fondamentale
Darwin avait donné unc explication soudaine au fait que les jeunes embryons de plusieurs animaux, y compris des hommes, se ressembleraient jusque dans les moindres détails. Haeckel inféra que les stades embryonnaires étaient largement représentatifs des étapes phylogenétiques précédentes et formula une phrase qui est de nos jours encore apprise par cœur dans les écoles : La théorie de la descendance [...] montre que l'ontogénie n'est rien d'autre qu'une brève récapitulation de la phylogénie». En d'autres termes : l'évolution de I'individu est une répétition courte et rapide de l'évolution de ses ancétres. C'était pour lui l'une des preuves les plus importantes de la justesse de la théorie de l'évolution. Dans la seconde édition d'Histoire de la création naturelle de 1870, Haeckel qualifia ce parallélisme de ”loi biogénétique fondamentale”.

Enfin, dans les planches dédiées aux sinophores du Challenger, chacun de ces cnidaires coloniaux complexes devient une œuvre d’art à la beauté époustouflante. Haeckel se trouvait à l’apogée de ses facultés, fusionnant art et science, réussissant à allier esthétique et précision du rendu de la structure des organismes.