Rainer Zerbst

Après la rigueur classique, on commença à se libérer du corset des règles strictes. Le romantisme avait préconisé la liberté des sentiments et de l'individu. C'est dans le style des jardins que ceci se manifesta de la façon la plus évidente. Après l'époque des jardins à la française, fortement structurés, aux lignes droites et aux arbres proprement taillés, on assista au rayonnement des jardins à l'anglaise. La devise était de laisser faire, laisser pousser. Bientôt, on se passionna même pour des jardins sauvages dont l'aménagement, bien sûr, était artificiel.
A cela s'ajouta un enthousiasme véritable pour le passé, pour le Moyen Age qui avait été dénigré comme une époque "obscure" par les esprits éclairés du dix-huitième siècle. On assista à une renaissance de l'art gothique -le gothique étant, à vrai dire, compris comme tout ce qui avait des allures médiévales. On construisit des châteaux à l'ancienne, on plaça même dans les jardins de fausses "ruines". Une forte aversion à l'égard des lignes nettes se répandit et amena finalement toute une ornementation d'entrelacs qui devint la caractéristique essentielle de l'Art Nouveau.

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Si jamais cette église devait être terminée un jour, elle devrait dépasser toutes les dimensions connues et le premier service religieux résonnera comme les légions célestes : les galeries peuvent accueillir 1500 chanteurs, 700 enfants et cinq orgues.

Gaudi adhéra au "Centre Excursionista", un groupe d'hommes jeunes qui faisaient des pèlerinages dans les hauts lieux de la grandeur du passé. Gaudi se sentait Catalan jusqu'à la moelle des ois. Durant sa vie, il parla ostensiblement catalan, même lorsque les directives qu'il donnait aux ouvriers sur les chantiers devaient d'abord être traduites.

Certes,il n'est pas encore apparu d' "Art nouveau" sous forme de réaction directe et extrême, mais la remarque de Gaudi à propos de sa Casa Battlo pourrait presque être une prophétie pour notre prochain avenir: "Les angles disparaîtront et la matière se révèlera dans la plénitude de ses galbes astraux, le soleil pénètrera par les quatre côtés et ce sera une représentation du paradis".

Pour la première fois, Gaudi applique sa conception générale de la profession d'architecte. Son grand modèle théorique, John Ruskin, avait préconisé que l'architecture devait représenter une synthèse des arts. L'architecte devait, selon lui, être également peintre et sculpteur.Gaudi réunissait toutes ces aptitudes.

C'est bien la moitié de Barcelone, semble-t-il, qui portait le deuil, ce douze juin 1926. Le cortège funèbre qui cheminait à pas lents depuis l'hôpital de Santa Cruz dans le vieux Barcelone en direction de l'église de la Sagrada Familia s'étirait sur un kilomètre. Des milliers de gens s'agglutinaient sur les bords de ce long trajet de quatre kilomètres pour rendre un dernier hommage à Antoni Gaudi i Cornet, "le plus génial de tous les architectes" ainsi que le nomma un jour son ami et collègue de travail, Joaquim Torres Garcia, ou bien "le plus catalan de tous les Catalans".

Gaudi était foncièrement catalan. Sur presque tous ses bâtiments, on trouve de petites allusions à ses sentiments nationalistes. En 1900, il entama une construction qui devint le symbole de la Catalogne, un rêve de grandeur passée qui remontait au lointain Moyen-Âge.

L'oeuvre de Gaudi est restée fragmentaire. La Sagrada Familia en est presque le symbole. Elle représente plus qu'un simple exemple de sa grandiose vision architectonique et religieuse - elle contribue à faire vivre dans notre présent la création architectonique de Gaudi.

Cet ouvrage est vraiment très complet, autant sur la biographie de Gaudi, que sur ses œuvres architecturales, mises en valeur par de superbes photographies. S'il fallait choisir un seul livre sur le sujet, ce serait celui là!

Mais derrière tous ces contenus et allusions symboliques qui font de l'église - ou du moins des façades - pratiquement une "image" d'une grande expressivité, on ne doit certes pas oublier le grand architecte qu'est Gaudi.

En aucun cas, il ne voulait garder à la pierre sa couleur naturelle. Gaudi détestait la monochromie ; il la ressentait comme contre nature. La nature, prêchait-il souvent, ne montre nulle part de monochromie mais la polychromie parfaite.

Si des tas de pierres, des échaffaudages et d'immenses grues ne faisaient pas partie des accessoires permanents de l'église, on pourrait se sentir tenté d'aller jusqu'au portail principal et de pénétrer dans la maison de Dieu.