La
crise du
cinémaLes improvisations musicales sont interprétées par Yves PRIN au piano.
Emission publique présentée par François Régis BASTIDE consacrée au
cinéma, avec les critiques
Georges CHARENSOL,
Michel CIMENT et les invités
René BONNELL, auteur de "
Le cinéma exploité", Hubert HASTIER, président de l'Office de la création cinématographique, Gilbert GREGOIRE, vice-président de la...
Il ferma les yeux pour suivre Carol en plan serré durant tout le parcours qui la conduisait jusqu'à son antichambre : signe amical à l'hôtesse d'accueil, sourie forcé face à Suzanne qui ferait traîner le moment de l'accès au saint des saints. Carol aurait droit à la plus inconfortable des chaises. S'ensuivrait un champ-contrechamp de regards sans aménités entre les deux femmes. L'une faisant mine d'être trop occupée pour avertir Monsieur Hitchcock de l'arrivée de la dénommée Carol Greenwood, l'autre se ardant de toute signe d’impatience. Dans son antre, le potentat était fier de sa mise en scène. Deux femelles s'affrontaient pour lui, chacune dans le rôle qu'il leur avait attribué, selon une partition qu'il avait écrite. Il ne concédait rien au hasard, surtout quand son plaisir était en jeu. Il en frissonnait, ce que ne trahissait pas son visage.
Carol qui avait passé de merveilleux moments devant ses films prenait conscience du degré de souffrance dont il les avait payé. En cet instant, elle lui en était reconnaissante et son admiration pour lui se nuançait de tendresse.
Carol se garda de discuter des affirmations aussi péremptoires.Il était certes l'âme, le concepteur, l’ensemblier, le virtuose des ses films, non le matériau unique. Certain que sa notoriété éclipserait toutes les contributions artistiques une fois le montage achevé, Hitchcock broyait sous sa griffe les talents auxquels il avait recours. Ce soleil ne supportait pas la moindre trace d'ombre. En présence des médias, il tirait toujours la couverture à lui.
Sa soupape était la création, sublimation de sa névrose.
Jerry Miskovitz portait avec allure sa haute silhouette de cow-boy fatigué, revenu de tous les rodéos mais prêts à d'ultimes chevauchées. En manche de chemise, il avait conservé sa cravate nouée. Sa lourde chevelure grise s'effondrait sur un visage au regard bleu.
Si Hitchcock avait eu cinquante kilos de moins, la face du cinéma en aurait été changée