Il est vrai que, dès qu'il ne s'agit plus spécialement du rôle politique de Sénèque. dès que ses productions littéraires, sa morale, sa conduite privée entrent en ligne de compte, un désaccord éclatant se manifeste dans les sentiments des anciens eux-mêmes. Bien peu l'ont loué sans réserves, parmi ceux dont nous connaissons l'opinion. Il a des adversaires déclarés, qui le malmènent de parti pris. Les grammairiens et les rhéteurs lui sont hostiles par jalousie de métier; les classiques, les cicéroniens, qui lui reprochent avec amertume d'avoir gâté le goût littéraire et introduit un nouveau style, consentent à peine à avouer qu'il fui l'un des orateurs les mieux doués et les plus écoutés de son temps.
Il n'y a pas d'exil pour le sage. En quelque coin du monde que la fortune le jette, il est chez lui : car sa patrie est l'Univers. Avec la maladie, la mort, les grandes souffrances physiques, l'exil est une des principales éventualités de la destinée humaine contre lesquelles l'enseignement stoïcien, s'appuyant sur une définition paradoxale du malheur, entreprenait de prémunir ses adeptes. L'exil, disait l'école, n'est qu'un changement de lieu, en soi-même indifférent. Changer de climat, d'habitation, d'entourage n'est pas plus un mal qu'un bien : sur tous les sols et sous tous les cieux, la nature est la nature, la vertu est la vertu.
Malgré le rétablissement de la paix civile et les bienfaits d'Auguste, Sénèque le père était peu rassuré sur le lendemain. Une chose l'alarmait entre toutes : c'était de voir la jeunesse nouvelle si différente de celle d'autrefois.
Aucune ambition ne l'y poussait ; mais l'activité de la métropole, centre de toutes les études et de tous les échanges intellectuels, l'avait toujours attiré.