J'avais enfin compris
On peut glisser
au fond de sa poche
les morts qu'on aime
pour ne pas oublier
de se sentir vivant.
Mince début du jour
Première intruse
l'offre de lumière
ondule puis gonfle le parquet.
Une gerbe de poussière prend vol
enveloppe ta chair close.
Stéphane Mongellaz
Comment faire avec
l'autre pays?
pas notre affaire
pas notre histoire
l'autre pays
n'a plus d'histoires
l'autre pays:
une frontière
sans pays
on diffère
on reste ici
au pays des morts
Bernard Moreau
Homme sous le vent
Il retient d'une main
Son chapeau d'un autre temps
Le dos courbé
Sous la brise violente
Comme s'il saluait
Toutes les femmes
Qu'il croise
Marie-Claude Bourjon
Si tes lèvres sont scellées
rameute la beauté
que le silence t'échoit
filtre tes veines
et l'eau du puits
devant ta porte.
Laisse-toi aller
au mouvement
de la marée
Tourne le dos
Jeanine Baude
C'est vrai
on ne nous apprend pas
à retrouver le ciel
sous un tas de brindille
ni la mémoire séchée
entre les pages d'un herbier
c'est ainsi
on ne nous dit pas
d'aller voir
du côté des cailloux
leur nature véritable
dissimule une promesse d'étendue
personne ne nous révèle
les secrets bien gardés
à l'ombre des pâquerettes.
Yves Ellien (petits riens et minuscules)
D'autres poèmes continueront
de s'accrocher à mes jours
à mes nuits
Comme sur le quai d'un simple point d'arrêt
à quelques kilomètres de la grande gare
quand j'ai cru apercevoir u soir
descendant du train
- et regardant dans ma direction-
la poursuite de ma vie.
"Prendre la main"
François De Cornière
Couronne rousse
sur un banc dort
tête posée sur l'épaule
d'un homme assoupi
un chien ne cesse d'aboyer
deux garçons jouent à cache-cache
sieste en plein air
une chanson d'automne
réveil au frais du jour qui se couche.
Aline Recoura
pendant soixante ans
nous nous sommes écrit
cette écriture
sur les enveloppes
j'entends l'écho
de la voix
qui s'est tue.
Christian Garaud
J'ai chaussé doucement les souliers de brouillard
et j'ai cueilli les fleurs de ta sueur, noires et moirées,
et la danse! et ces épaules là!
Et la musique têtue de ton pas...
Rougeur déjà,
Sonnailles de cet automne
J'allume tous les matins le feu de ton absence,
Je poudroie toute chose d'escarbilles vivantes,
J'irai encore étinceler le ciel.
Anne-Sophie Houry Haquette