Tout allait pour le mieux dans le merveilleux monde des économistes où des agents parfaitement rationnels prenaient toujours les décisions les plus efficientes afin de maximiser leur "utilité". Oui, tout allait vraiment pour le mieux dans le meilleur des mondes ! Mais cela c'était avant que Richard Thaler, Daniel Kahneman, Amos Tversky et autres empêcheurs de tourner en rond, viennent mettre en cause ce système bien rodé, et posent les bases de ce qui deviendra l'économie comportementale…
Dans ce livre, Misbehaving, que l'on pourrait traduire par « mauvais comportement », Richard H. Thaler (Prix « Nobel » d’Economie en 2017) nous parle des nombreux cas où les actes des agents économiques (consommateurs, entrepreneurs etc.) ne correspondent pas aux modèles classiques en économie qui nous représentent souvent comme de petits ordinateurs rationnels.
Tout au long de cet essai, nous suivrons Richard Thaler qui dés 1970 commence à recenser ces comportements tout à fait ordinaires pour les humains « de la vraie vie » mais qui seraient incompréhensibles du point de vue de l’homo economicus des manuels d’économie : Se forcer à finir un très mauvais jus d’orange parce qu’on l’a payé cher (Prise en compte d’un cout irrécupérable), accorder une plus grande valeur à une tasse pour la seule raison qu’on la possède (biais de dotation), donner une importance démesurée à une perte par rapport à un gain ou à un manque à gagner (Aversion à la perte), etc.
Autant de comportements qui peuvent être anecdotiques mais aussi d’une grande importance pour l’économie en fonction des échelles et des contextes.
Les recherches de Thaler et leurs implications seraient déjà intéressantes en soi. Servies par le style fluide, un peu d’humour et enrobées d’anecdotes croustillantes, le bouquin devient captivant !
En effet, vous trouverez dans cet essai des EXPÉRIENCES FASCINANTES (A base d’étudiants fauchés et de mugs) DE L’ACTION (Avec Richard Thaler qui redresse une station de ski au bord de la faillite !), des DRAMES (Avec un voisin qui se force à tondre son gazon alors qu’il y est allergique) et même du SANG (Enfin… juste des universitaires qui se disputent méchamment pour avoir le plus beau bureau) ! Bon, je m’emballe un peu mais le livre réussit un beau tour de force en étant aussi instructif qu’amusant.
J’ai lu ce livre enrichissant avec énormément d’intérêt et de plaisir, ce fut un véritable coup de cœur ! Il faut dire que la narration est agréable et que l’économie comportementale a indéniablement un côté plus ludique et accessible que les théories et modèles orthodoxes qu’elle tente de corriger.
Vous y trouverez un complément rafraichissant à vos connaissances si vous avez comme moi appris les bases des sciences économiques dans d’arides manuels truffés d’équations et de graphiques ou une porte d’entrée idéale si vous n’avez jamais abordé ces domaines.
Commenter  J’apprécie         152
J'avais beaucoup apprécié le livre de Jean Tirol pour ses qualités pédagogiques et sa volonté d'éclairer le grand public sur le métier d'économiste. On retrouve les mêmes ingrédients ici : Misbehaving est tout à la fois l'histoire de la naissance d'une nouvelle école de pensée économique et la présentation de ses découvertes. A la croisée de l'économie et de la psychologie, le courant comportementaliste créé par Thaler, Kahneman et Amos Tversky entre autres fut une révolution copernicienne.
Commenter  J’apprécie         102
Dans cet ouvrage datant de 2008, R.H.Thaler et C.R.Sunstein, deux économistes américains nous présentent leur 3e voie qui se veut équilibrée entre les démocrates et les républicains...
Ils se veulent modérer l'action de l'Etat mais lui permettre d'aider les citoyens à prendre les bonnes décisions pour eux.
Le livre porte le nom de "Nudge", une façon de désigner tous les petits coups de pouce qui aident les gens à mieux agir, sans même que ça leur demande un effort ou qu'il s'en rende compte. L'exemple le plus connu et le plus amusant de Nudge est sans doute celui qui a consisté à installer des petits autocollants de mouches dans les urinoirs pour inciter les hommes à mieux viser et faire ensuite des économies sur le nettoyage des "pipis à côté".
Je m'attendais donc à un livre qui recense les principaux nudges connus et qui en propose d'autres.
Hélas, je n'avais pas assez tenu compte du fait que les auteurs sont deux économistes de renom aux Etats-Unis d'Amérique...
La lecture de ce livre a eu pour moi le même effet que la descente d'un toboggan: On démarre tout en haut et on arrive tout en bas !
Je m'explique: le livre est découpé en 4 chapitres: le premier (150 pages sur 411) est remarquable, les autres sont décevants.
La première partie commence par une critique de l' « Homo économicus » (en gros : le capitaliste pur sucre qui croit encore - ou qui fait croire - que le marché équilibre les choses avec justesse, la fameuse main invisible du marché qui redistribue - moi je considère que c'est plutôt la redistribution qui est invisible -).
Les auteurs proposent d'opposer comment réagirait un "écône" (c'est à dire une personne éclairée qui prend toujours les bonnes décisions, celle en quoi croient les économistes libéraux - mais qui n'existe pas - ) et les "simples mortels", c'est à dire les humains – qui, eux, existent -
C'est l'occasion pour les auteurs de parler de notions de psychologie auquel je suis déjà fortement sensibilisé et que je considère comme des connaissances de base qui devraient être enseignées dans les établissements secondaires. Cette première partie est d'utilité publique et devrait être lue par tous !
A titre d'exemples, quelques notions et exemples abordés :
- le biais de statu quo (ou préférence pour l'option par défaut): la majorité des gens ont tendance à choisir l'option par défaut (quel qu’elle soit) lorsqu'il y en a une proposée. Par ailleurs, ils ont tendance à ne plus changer d’option, une fois que l’une d’elle est choisie.
Forcément lorsque vous savez ça, vous pouvez aider les gens - si vous êtes bien intentionné et on peut partir du principe que ça devrait être le rôle de l’Etat - à prendre la bonne décision pour eux, en plaçant le choix qui les favorise, comme choix par défaut. Toutefois, dans notre société commerciale, le choix par défaut qui nous est souvent présenté est celui qui favorise le commerçant et non le client – je trouve que les auteurs n’insistent pas assez sur ce point d’ailleurs –
Les auteurs considèrent – et je partage leur point de vue – que les nudges sont une forme de manipulation mais qu’il est de toute façon impossible d’éviter de manipuler les gens dés lors qu’on leur propose de faire des choix (ne serait-ce que l’ordre de présentation des choix, qui influence la décision. Or on ne peut éviter de présenter les choix dans un ordre donné). Puisque la manipulation est inévitable, autant faire qu’elle soit bienveillante et aide les gens à prendre les bonnes décisions pour eux (plutôt qu’à prendre celle qui favorise le commerçant).
L’attitude qui consiste à laisser les intérêts privés exploiter les nudges à leur guise doit donc être compensé par un Etat qui impose une transparence et utilise des nudges dans l’intérêt public.
- Les gens épargnent plus s‘ils sont payés tous les 15 jours car deux fois par an, ils touchent 3 virements en un mois.
- Il est possible de prédire les résultats des élections législatives avec une exactitude effrayante en demandant simplement à des gens de jeter un rapide coup d’oeil aux photographies des candidats et de leur demander lequel leur parait le plus compétent (expérience de Toderov, Benjamin et Shapiro de 2005) - ça c’est pour ceux qui croient encore à la démocratie et au libre-arbitre –
- Les gens sont influencés par les décisions des autres, tout en étant persuadés de ne pas l’être (expérience de Asch de 1995)
En bref, dans cette première partie, je suis dans mon élément : Il s’agit surtout de psychologie, les auteurs démontrent avec brio que les humains prennent beaucoup de décisions sans se rendre compte qu’ils sont influencés et tout en étant persuadé de ne pas l’être. Cette influence est parfois involontaire de la part des architectes de choix (ceux qui font les questionnaires par exemple), mais parfois volontaires (et dans l’intérêt de sociétés privées). Il est temps que l’Etat impose plus de transparence et impose des architectures de choix davantage favorable à l’intérêt public et au consommateur.
Si je n’avais eu à évaluer que cette première partie, je lui aurai mis un maximum d’étoiles mais hélas, il y a la suite…
La deuxième partie (l’argent) est beaucoup trop ciblée « économie », « contrats d’assurances » et « banque » pour moi : je l’ai trouvé très ennuyeuse et j’ai passé des pages - ce qui n’est pas fréquent pour moi-. De plus, les démonstrations sont truffées d’exemples américains qui ne parlent pas aux français car la culture, les mentalités et le mode de vie sont trop différents sur ce point et nous n’avons pas été sensibles à la même actualité que les américains à l’époque de la rédaction de l’ouvrage – qui j’en profite pour le dire, est un peu daté et appartient bel et bien au monde d’avant – Les exemples pris ne nous parlent donc pas et sont déconnectés de la situation française.
La troisième partie (la société) a fait un peu figure d’OVNI dans cet ouvrage : on y fait la promotion d’une privatisation du mariage – les idées qui y sont proposées me paraissent intéressantes mais sont hors-sujet. On y parle d’écologie – mais quand on a une formation d’économiste, c’est pas franchement réussi. Ici, l’écologie se limite à la promotion de l’achat de droit à polluer pour les entreprises. Cela m’a paru être une vaste blague, quoique certains arguments méritent d’être entendus - .
Dans la quatrième partie (extensions et objections), les auteurs cherchent à défendre leur point de vue et contrecarrer les arguments qu’on pourrait leur opposer. En réalité, ils se contentent de redire ce qui a déjà été dit ailleurs dans l’ouvrage. Les auteurs prônent un « paternalisme libertaire », à savoir qu’il ne faut pas interdire les choix mais les encourager à condition d’orienter le citoyen pour qu’il ait le plus de chance de faire les bons choix pour lui.
Cette édition se termine avec un petit rajout suite à la crise de 2008 – les fameux subprimes - qui n’est pas inintéressant et permet une fois encore de constater que notre monde est gouverné par des incompétents – et on ne parle pas tellement ici des politiques mais des financiers – avec des lois économiques qu’ils ne comprennent pas eux-mêmes et surtout parce que ce sont des humains, qui font les mêmes erreurs de raisonnements que les autres !
Je ressort donc un peu frustré de cette lecture qui avait si bien commencé: je regrette le ciblage presque exclusivement économique de l'ouvrage (et lorsqu'ils tentent de s'en éloigner, c'est pas une réussite) et le centrage trop USA.
Je réfléchis à des Nudges à mettre en place dans le cadre de mon métier d'enseignant. Par exemple, il serait efficace de n'indiquer la moyenne générale d'une classe dans les bulletins que lorsque l'élève est en dessous (il voit que la majorité est au dessus et cherche donc à s'y conformer) et non au dessus (sinon il voit qu'il est meilleur que la majorité, et il se relâche).
Si vous en avez d'autres...
Commenter  J’apprécie         20
Richard Thaler prix Nobel d'économie 2017 ne s'est pas fait en jour. Il s'est écarté des chemins de l'économie classique pour fonder un nouveau champ de recherche, entrainer de nouveau chercheurs et finalement développer un nouveau courant.
Il nous raconte son parcours professionnel autant que la naissance de ces nouvelles idées. Nous voyageons avec lui à travers les USA d'ouest en est, découvrant la vie d'un professeur d'université, l'importance des rencontres, les difficultés qui se résolvent progressivement à l'échelle d'une vie.
Le livre est très vivant à l'image du chapitre qu'il consacre à relater comment il a tenter de mettre au service de l'un de ses amis ses nouvelles théories comportementales pour redynamiser une petite station de ski près de Great Peek dans le Vermont.
Commenter  J’apprécie         20
Les nudges, ou appelés également "paternalisme libertaire" par les auteurs, sont des méthodes visant à influencer les gens à faire le meilleur choix possible et à faciliter leur vie. Elles peuvent se manifester sous des formes les plus diverses : des éléments ludiques pour protéger l'environnement, des formulaires pré-remplis par défaut (utilisés pour les impôts notamment en France), la transparence des informations, un accompagnement réel dans les démarches compliquées (crédit, retraite...), la comparaison avec d'autres personnes pour inciter à les imiter, une mise en avant des économies potentielles à faire... Si les premières parties sont très accessibles et expliquent parfaitement les comportements de l'humain lambda : qui a du mal à se décider, reporte au lendemain et est influencé par son voisin, les parties suivantes s'attachent à développer des exemples très détaillés (voir trop précis ?) de nudges économiques. Le seul regret est que la plupart des exemples sont américains et pas forcément applicables en Europe. Enfin, les auteurs ne manquent pas de réaffirmer très régulièrement qu'un nudge se doit d'être gratuit, avec des intérêts sains et surtout de toujours laisser la liberté à la personne de ne pas l'utiliser, sous peine de devenir une manipulation dictatoriale. Bref, un livre qui montre que des changements simples et avec un minimum de contraintes pourraient être mis en place notamment au service de l'environnement bien loin de tous les projets de taxes obligatoires.
Commenter  J’apprécie         20
Un livre qui permet de comprendre certains comportements humains et est très intéressant pour une analyse marketing. Cependant il est très ciblé sur les États-Unis donc les lecteurs peuvent avoir du mal à replacer certains contextes.
Une lecture qui est en tout cas très intéressante.
Commenter  J’apprécie         10
Un livre intéressant et décevant. Il s’agit de montrer comment on peut orienter l’esprit des gens dans le sens de la décision qu’on souhaiterait qu’il prenne que ce soit par le format des informations à leur disposition ou par les règles de présentation. Exemples : la disposition des plats dans un self service oriente la consommation alimentaire vers des repas équilibrés ou du trop sucré (mal bouffe). Autre exemple : devant des choix complexes (ex. choisir une assurance vie), quels mécanismes mettre en place pour faciliter le choix à des non-avertis ?
Sur le principe, c’est sain mais à la limite de la manipulation.
Le livre fourmille d’exemples, ce qui le rend lisible. Sa richesse le rend parfois indigeste : on s’y perd et on peut rater des choses. Enfin, si les exemples sur le choix de son plan retraite est intéressant est général (et peut s’appliquer aux USA ou en France), celui sur la privatisation du contrat de mariage civil me semble plus tiré par les cheveux.
Commenter  J’apprécie         10
il y a 10 jours, je ne connaissais pas ce mot, nudge, je suis tombée dessus lors de mes pérégrinations sur Internet, j'ai cherché un peu et je suis tombée sur cette page :
http://www.bva.fr/fr/bva_nudge_unit/qu_est-ce_que_le_nudge/
j'ai voulu aller voir un peu plus loin, le bouquin était disponible chez mon libraire. Parfois, la vie est simple.
Nudge, ça veut dire« coup de pouce » ; c'est une méthode douce pratiquée pour orienter discrètement nos choix, sans tapage, sans obligation ni interdiction. C'est de l'économie comportementale.
L'idée, c'est une procédure qui coûte peu, qui peut avoir des effets puissants, menée par des architectes du choix, pour aider les "simples mortels" dans leurs prises de décision, a priori pour leur bien. C'est ce que les auteurs appellent le « paternalisme libertaire". Paternalisme parce qu'on guide, libertaire parce que tous les choix restent possibles, pour ceux qui ne seraient pas convaincus. Cela peut être l'installation des plats à la cantine, l'ergonomie d'un appareil ménager, la rédaction d'un formulaire, l'introduction d'un smiley encourageant dans un texte....Les applications sont infinies et quotidiennes,même si le sauteurs parlent de problématiques à plus grande échelle, sociétales, je dirais..
Cela s'appuie sur une fine connaissance de la psychologie humaine. Un choix se structure par un équilibre entre un comportement instinctif et un comportement réflectif. Cet équilibre est modulé par des connaissances, des émotions, une certaine tendance à l'inertie, une tendance à la grégarité (la pression sociale), une détestation de la perte, une facile intoxication par les événements présents plutôt que par une vue à long terme.
La première partie, "théorique", est épatante, très claire, pleine d'humour. On y comprend qu'on a tous pratiqué et subi le nudge sans le savoir, et comprendre, bien sûr, c'est toujours mieux, ça permet de mieux pratiquer et de mieux se protéger.
La suite est moins lumineuse, parfois redondante, avec des exemples empruntés à la vie sociale parfois un peu compliqués (gestion de l'argent : crédit, épargne-retraite, investissement ; assurance-maladie dans le système États-Unien ; don d'organes, mariage)
Enfin, la dernière partie est consacrée à réfuter les critiques qui pourraient être émises (et le sont réellement), proposant soit une attitude plus conservatrice (non pas orienter les choix mais les limiter), soit une attitude plus libertaire refusant cette ingérence, même légère, dans les affaires d'autrui, dénonçant la manipulation. Thaller et Sunstein ne me réfutent d'ailleurs l'idée, qui m'a tenue tout au long de ces pages, que le nudge pouvait aussi tomber dans de mauvaises mains : que le « bien d'autrui" n'est pas forcément ce que les autres imaginent, et que par ailleurs la même méthode peut être appliquée altruisme, et se limiter au seul profit de l'architecte du choix.
Commenter  J’apprécie         10
Cet ouvrage est l'oeuvre de deux "paternalistes libertaires", ainsi qu'ils se nomment eux-mêmes ; c'est-à-dire que les auteurs sont partisans de laisser tout un chacun libre de ses choix mais de tirer parti de nos biais cognitifs pour nous "pousser doucement" à faire des choix raisonnables lorsque nous manquons d'informations, ou de temps, ou de jugement pour bien décider.
Les exemples donnés ont principalement trait aux placements financiers, au crédit immobilier, à l'épargne-retraite et à l'assurance maladie.
Le livre, bien écrit et bien traduit, se lit très facilement.
L'argumentaire des auteurs, qui in fine passent en revue les objections qui peuvent leur être faites, m'a paru honnête et plutôt convaincant.
Pour un français, les limites de l'ouvrage sont qu'il est très influencé par le contexte économique et politique aux Etats-Unis et que la quasi-totalité des exemples sont américains.
Commenter  J’apprécie         10
Plutôt facile d'accès. A le mérite de débroussailler le thème des biais cognitifs, des évaluations du risques voire des risques. Certains schémas présents au sein de l'ouvrage permettent de visualiser les illustrations des sujets abordés. L'aspect sur l'épargne d'approche macro économique est intéressant.
Commenter  J’apprécie         00