Jean-François Nadeau est historien et directeur des pages culturelles au journal Le Devoir. Biographe spécialiste des personnages politiques, il sera avec nous pour rappeler la vie des deux derniers monuments de l'extrême droite québécoise. Nous consacrerons la première partie de l'émission à l'adaptation de sa thèse de doctorat, Robert Rumilly : l'homme de Duplessis; et l'autre à Adrien Arcand : führer canadien. Le fondateur du journal Le Couac et de la maison d'édition Comeau-Nadeau nous présentera également le livre qu'il a dirigé pour célébrer le 100e anniversaire du quotidien d'Henri Bourassa : Le Devoir -- un siècle québécois.
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Le curé Labelle avait son projet: prolonger le chemin de fer de Saint-Jérôme sur une vingtaine de lieues, puis le bifurquer. Un embranchement, vers l'Est, rejoindrait le chemin de fer du Lac-Saint-Jean. L'autre, vers l'Ouest, traverserait le nord ontarien jusqu'à Winnipeg. De grandes voies tributaires, lames du gigantesque éventail, longeraient les principales vallées, celles du Saint-Maurice, de la Lièvre et de la Gatineau. Dans la cure de Saint-Jérôme s'élaborait, en somme, le projet qui, plus tard et sous une forme modifiée, donnerait naissance au Transcontinental.
Au beau milieu de ces discussions sur la "short line" et sur les asiles d'aliénés, dans la seconde quinzaine de mars, arrivèrent — on peut dire tombèrent comme la foudre — les premières nouvelles de l'insurrection du Nord-Ouest.
Elles furent très confuses, ces nouvelles, et d'autant plus propres à causer de la fièvre. On disait que les Métis avaient banqueté Riel, en chantant des cantiques sur l'air du God Save The Queen, à peu près à l'heure où les Montréalais avaient banqueté sir John; puis qu'ils avaient pris les armes, pillé des magasins; enfin que les Gros-Ventres et autres tribus indiennes du Nord-Ouest, acceptant le tabac envoyé par les Métis en signe d'alliance, se lançaient à leur tour sur le sentier de la guerre.
Le discours du Trône exprima des voeux pour la victoire des alliés, de l'admiration pour les soldats et de la satisfaction pour l'état de la province. L'agriculture prospérait. De nouveaux colons s'étaient établis en Abitibi et dans la vallée de la Matapédia. La création d'un district judiciaire, avec Mont-Laurier pour chef-lieu, témoignait des progrès de cette région. Siège d'évêché et chef-lieu de district judiciaire, Mont-Laurier prenait de l'allure, à mi-chemin entre Montréal et l'Abitibi. Les travaux de voirie se poursuivaient activement: la route Sherbrooke-Derby Line était inaugurée ; la route Montréal-Québec et la route Lévis-Jackman étaient pratiquement terminées. Enfin le gouvernement faisait exécuter deux
Le goût des voyages en Europe — voyages instructifs — s'était répandu parmi la bourgeoisie canadienne-française. Les Raoul Dandurand, les Rodolphe Lemieux, les Adélard Turgeon, les Henri Bourassa, étaient européens par leurs curiosités, par leurs dispositions intellectuelles. Bourassa regrettait que le sort l'eût fait naître en Amérique. Le Père Joseph- Papin Archambault, jeune Jésuite qui avait déjà organisé les premières retraites fermées au Canada, séjourna cinq mois en France, en 1913, et suivit la Semaine Sociale tenue à Versailles. En 1914, tout un essaim de Canadiens se répandit sur les routes européennes. Bourassa en était à son quatrième voyage.
Les fermiers, les cultivateurs de la province, favorables à la Réciprocité comme leurs confrères de l'Ouest, ne disposaient pas d'une organisation comparable à celle que les conseils d'administration, les chambres de commerce, les Boards of Trade, l'Association des Manufacturiers Canadiens, constituaient pour les industriels. Des résistances se manifestèrent toutefois. Et d'abord celle de Bourassa, qui influençait Monk. Bourassa n'inclinait pas vers la Réciprocité par pur opportunisme. N'avait-il pas combattu, en 1903, la campagne de Tarte en faveur d'une préférence mutuelle avec la Grande-Bretagne et d'une protection douanière contre les Etats-Unis ?
L'Institut Canadien avait commandé chez un marbrier de la rue Sainte-Catherine un énorme sarcophage de pierre, pour mettre le cercueil de Guibord à l'abri de toute profanation. On dit encore que les partisans de Doutre se proposaient de placer, sur le cercueil, une torpille prête à exploser si quelqu'un s'avisait de déterrer Guibord. En fin de compte, l'Institut Canadien renonça au sarcophage intransportable, et décida de couler le cercueil, une fois dans la fosse, dans du ciment armé.
Les Montréalais font des efforts surhumains pour obtenir du gouvernement fédéral un nouveau million et demi de piastres pour enfouir encore ce trésor au fond du fleuve Saint-Laurent. Il leur faut à tout prix $1.500.000 pour continuer à creuser le fleuve à leur profit et aux dépens du pays, et payer la dette déjà contractée pour ces prétendus travaux du Havre de Montréal, lequel, par une fiction un peu forte pour des intelligences du commun, s'étend jusqu'à quelques lieues de Québec.
Finies, les envolées oratoires qui donnaient habilement l'illusion d'un patriotisme exalté ; il ne reste /lus que les rancoeurs d'un ambitieux déçu, aigri, s'efforçant d'égratigner par des sarcasmes péniblement élaborés ceux qu'il n'a pu entamer.
C'était en vérité un spectacle pénible et attristant que celui de M. Bourassa s'ingéniant hier à distiller ses goutelettes de fiel en des plaisanteries à la Fournier, pauvres épigrammes de larbin ou de bohème...
Chapleau, sa santé réellement ébranlée, se crut enfin libre de voyager sans inquiétude. Il partit avec sa femme, et avec Sénécal qu'accompagnaient sa femme, sa fille, son futur gendre Blumhart, et son médecin le Dr Jean-Philippe Rottot (l'un des fondateurs de la faculté de Médecine Laval à Montréal). Le groupe fut accueilli, le 14 septembre, par Hector Fabre, qui avait installé, 6 rue Chabanais, la première agence canadienne à Paris.
Depuis que nous jouissons de la nouvelle constitution, aucune tentative d'oppression n'a été faite par une province contre une autre. Nous avons donc atteint le but que nous nous étions proposé; nous avons fait disparaître la grande cause de dissensions qui existait avant 1867. Nous avons atteint ce but parfaitement, entièrement, et nous avons ainsi pu continuer cette ère de prospérité que l'Union avait vu éclore.