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Citation de steppe


steppe
11 décembre 2010
La femme au dragon paraissait plus tranquille ce matin, mais peut-être, m'habituais-je simplement au Vif pris au piège que je sentais en elle. Sans hésiter, le fou grimpa sur l'estrade ; je le suivis plus lentement. "Je la trouve différente aujourd'hui, dis-je à mi-voix.
- Comment ça ?
- Je ne sais pas.
J'étudiai sa tête penchée, les larmes de pierre sur ses joues. "Elle ne te semble pas différente ?
- Je ne l'ai pas regardée de très près hier."
La proximité de son but paraissait atténuer l'esprit folâtre du fou. Très prudemment, je posai la main sur l'échine du dragon. Chaque écaille était d'une facture si adroite, la courbe du corps si naturelle que je m'attendais presque à le sentir respirer. Mais c'était de la pierre froide et dure. Je retins mon souffle, pris mon courage à deux mains puis tendis mon esprit vers le roc. Je n'avais jamais rien ressenti de pareil : pas de battement de coeur, pas de respiration ni aucun autre signe physique de vie pour me guider. Je ne percevais qu'une impression de vie, prise au piège et sans espoir.
L'espace d'un instant, je perdis cette impression, puis je l'effleurai de nouveau et sentis le dragon tendre son Vif vers moi. Je cherchai la sensation du vent sur la peau, la chaude circulation du sang, oh ! les odeurs de l'été, la perception de mes vêtements contre mon corps, tout ce qui faisait partie de l'expérience de la vie que la femme appelait de tous ses voeux. Puis je retirai brutalement la main du dos de la bête, effrayé par l'intensité de son contact ; j'avais presque l'impression qu'elle aurait pu m'attirer en elle.
"Étrange", dit le fou dans un souffle, car, lié à moi, il avait ressenti les échos de mon expérience. Son regard croisa le mien et le soutint un moment, puis il tendit un doigt au bout argenté vers la jeune femme.
"Nous ne devrions pas faire ça" dis-je, mais mes propos manquaient de conviction. La mince silhouette à cheval sur le dragon était vêtue d'un pourpoint sans manches, de chausses et de sandales. Le fou lui toucha le bras.
Un hurlement d'Art de douleur et d'outrage emplit la carrière. Le fou fut projeté à bas du piédestal, tomba rudement sur les rochers en contrebas et demeura là, inerte. Mes genoux plièrent sous moi et je m'écroulai près du dragon. Avec le torrent de fureur que je percevais par le Vif, je m'attendais à ce que le dragon me piétine comme un cheval emballé, et, d'instinct, je me roulai en boule en me protégeant la tête.
Tout fut fini en un instant, et pourtant les échos du cri parurent se répercuter à l'infini sur les falaises lisses et noires et les blocs qui nous entouraient.
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