Telle est sans doute la séduction tenace de la chance que les systèmes économiques qui, par nature, l'abominent le plus, doivent néanmoins lui consentir une place, il est vrai restreinte, déguisée et comme honteuse. L'arbitraire du sort demeure, en effet, la contrepartie nécessaire de la compétition réglée. Celle-ci établit sans discussion possible le triomphe décisif de toute supériorité mesurable. La perspective d'une faveur imméritée réconforte le vaincu et lui laisse un ultime espoir. Il a été défait dans un combat loyal. Pour expliquer son échec, il ne saurait invoquer aucune injustice. Les conditions de départ étaient les mêmes pour tous. Il ne peut s'en prendre qu'à sa seule incapacité. Il n'aurait plus rien à attendre, s'il ne lui restait, pour équilibrer son humiliation, la compensation, d'ailleurs infiniment improbable, d'un sourire gratuit des puissances fantasques du sort, inaccessibles, aveugles, implacables, mais qui, par bonheur, ignorent la justice.