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Citations de Roger Caillois (171)


Roger Caillois
Il n’y a pas d’efforts inutiles, Sisyphe se faisait les muscles.
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Roger Caillois
Et voici que la poésie se distingue de la prose par une double dégradation. Après la rime, elle perd la raison. Un philosophe de Koenigsberg avait déjà parlé d’une colombe qui, agacée par la résistance de l’air, s’imagina qu’elle volerait mieux dans le vide.
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Le jeu suppose certes la volonté de gagner, en utilisant au mieux ces ressources et en s'interdisant les coups prohibés. Mais il exige davantage : il faut enchérir de courtoisie sur l'adversaire, lui faire confiance par principe et le combattre sans animosité. Il faut encore accepter d'avance l'échec éventuel, la malchance ou la fatalité, consentir à la défaite sans colère ni désespoir. Qui se fâche ou se plaint se discrédite. En effet, là où toute nouvelle partie apparaît comme un commencement absolu, rien n'est perdu et le joueur, plutôt que de récriminer ou de se découvrir, a lieu de redoubler son effort.
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Un héros est grand pour avoir eu des monstres à combattre avant de l’être pour les avoir vaincus. Il n’est rien à espérer de ceux qui n’ont rien en eux à opprimer.
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L’avènement de la démocratie est virtuellement celui de la guerre totale.

(p.108)
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Ce que clament ces « clercs » sans église se perd dans le tumulte de la place publique, où, à leur exemple, chacun fait la leçon, se flattant mêmement d’être le verbe de la justice et du droit, sans assurer son crédit par rien qui distingue sa vie de celle du troupeau. On les prend parfois à déplorer que leur parole demeure lettre morte tout en se félicitant de vivre en un temps d’heureuse tolérance où la parole n’expose plus au bûcher comme si l’un n’impliquait pas l’autre, comme s’il était naturel que la foule écoutât docile et recueillie des mots qui coûtent peu à ceux qui les prononcent et qui ne les engagent à rien.
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Dédicace


Extrait 6

  Comme qui, parlant des fleurs, laisserait de côté aussi bien la botanique que l’art des jardins et celui des bouquets – et il lui resterait encore beaucoup à dire – ainsi, à mon tour, négligeant la minéralogie, écartant les arts qui des pierres font usage, je parle des pierres nues, fascination et gloire, où se dissimule et en même temps se livre un mystère plus lent, plus vaste et plus grave que le destin d’une espèce passagère.

Janvier 1966
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Auparavant, l’œuvre d’art, faite seulement pour la beauté et la postérité, naissait dans un monde qui ne l’intéressait nullement, mais où elle avait une place marquée d’avance et dont elle participait tout naturellement à un tel point qu’elle en adoptait nécessairement le style distinctif.
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[A propos des sectes]

Ce gout de l’ombre et du pouvoir, cet appétit d’ordonner le monde suivant de plus fortes lois, sont-ils donc permanents ? D’où viennent en tout cas de si longues et constantes inquiétudes ? Voici des questions auxquelles il me semble urgent de trouver réponse.
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Je parle de pierres qui ont toujours couché dehors ou qui dorment dans leur gîte et la nuit des filons. Elles n'intéressent ni l'archéologue ni l'artiste ni le diamantaire. Personne n'en fit des palais, des statues, des bijoux; ou des digues, des remparts, des tombeaux. [...]
Je parle des pierres que rien n'altéra jamais que la violence des sévices tectoniques et la lente usure qui commença avec le temps, avec elles. Je parle des gemmes avant la taille, des pépites avant la fonte, du gel profond des cristaux avant l'intervention du lapidaire. [...]
Je parle des pierres plus âgées que la vie et qui demeurent après elle sur les planètes refroidies, quand elle eut la fortune d'y éclore. Je parle des pierres qui n'ont même pas à attendre la mort et qui n'ont rien à faire que laisser glisser sur leur surface le sable , l'averse ou le ressac, la tempête, le temps. [...]
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Rose des sables - extrait
     
Les roses de Mauritanie diffèrent des autres par la couleur et la structure. Une substance plus noble les constitue : une poussière tamisée, fine, homogène, d’un gris soyeux comme de brume ou de duvet, qui s’exténue en une presque transparence, aussitôt que diminue l’épaisseur des pétales. Ceux-ci ont conquis une première solitude. Chacun se détache, accompli, dressé pour lui-même, hors de tout vacarme, sur une assise tabulaire aux lignes presque droites, qui ne deviennent courbes qu’au lieu de leur rencontre, au moment pour elles d’éviter l’angle, qui relève de l’obédience opposée. Les demi-cercles ont germé de part et d’autre du socle. Ils sont rares. S’ils se contrarient, c’est sans hâte. Il ne s’agit plus d’une prolifération affolée, mais de plans bizarrement arrondis et obliques. En divergeant, ils assurent à la concrétion un début d’équilibre. Excroissances encore, ils sont du moins affranchis de la confusion originelle. Compensés, ils ébauchent une figure claire, où l’esprit reconnaît son lignage.
[...]
En Oklahoma, dans un autre désert, des formations fraternelles, rectilignes cette fois, approchent plus encore de la simplicité. Elles en atteignent à l’occasion le point extrême, celui après quoi il n’est plus guère que le néant. Une macle isolée unit par leur milieu deux cristaux allongés, identiques, quasi superposables : lames droites et minces, doublement biseautées, dont la section donnerait un losange presque complètement aplati. L’un des couteaux traverse l’autre, qui entrouve une encoche pour le recevoir en sa maigre épaisseur. Il forme alors avec son jumeau une parfaite croix de Saint-André. L’ocre qui imprégnait la pierre s’est réfugiée dans la large pointe qui ferme les branches. L’ombre interne, moelle pressée, est rongée par une transparence naissante. Comme l’aube mord la nuit, elle repousse l’opacité à l’extrémité des pales de la vilaine hélice et le long de leur axe ; si bien que, dans chaque bâtonnet, un nuage dessine vaguement le profil d’un sablier.
     
L’assemblage est net, ajusté avec une précision de ventouse, miraculeuse dans la pierre. Le joint est indestructible. Mortaise et tenon sont imbriqués pour toujours, sans cheville, ciment ni interstice. C’est au point que les éléments unis semblent se refléter mutuellement. Et si une cassure intervenait, elle briserait ailleurs.
     
Faire moins, faire mieux, est impossible : la sobriété impose sa loi. Le signe dépouillé fait maintenant partie d’un lexique choisi où pas une syllabe ne saurait être altérée. Une infaillible spontanéité, issue par paradoxe du règne turbulent des roses immondes, a devancé les pouvoirs conjugués du génie, de l’adresse et du calcul. Ce ne fut dessein ni choix, mais simple accomplissement, comme sont la mort, la loi de la plus grande pente, la conclusion des syllogismes.
     
Minéraux, pp. 139-141.
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Telle est sans doute la séduction tenace de la chance que les systèmes économiques qui, par nature, l'abominent le plus, doivent néanmoins lui consentir une place, il est vrai restreinte, déguisée et comme honteuse. L'arbitraire du sort demeure, en effet, la contrepartie nécessaire de la compétition réglée. Celle-ci établit sans discussion possible le triomphe décisif de toute supériorité mesurable. La perspective d'une faveur imméritée réconforte le vaincu et lui laisse un ultime espoir. Il a été défait dans un combat loyal. Pour expliquer son échec, il ne saurait invoquer aucune injustice. Les conditions de départ étaient les mêmes pour tous. Il ne peut s'en prendre qu'à sa seule incapacité. Il n'aurait plus rien à attendre, s'il ne lui restait, pour équilibrer son humiliation, la compensation, d'ailleurs infiniment improbable, d'un sourire gratuit des puissances fantasques du sort, inaccessibles, aveugles, implacables, mais qui, par bonheur, ignorent la justice.
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On découvrirait sans peine de nombreux indices de la connivence des jeux de hasard et de la divination : un des plus visibles, des plus immédiats, est peut-être que les mêmes cartes servent aussi bien aux joueurs pour tenter le sort et aux voyantes pour prédire l'avenir.
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Au commencement, au plus ardent du chaos, l'équilibre qui allait parvenir à tant de délicatesses miraculeuses ne fut sans doute rien d'autre que le jeu des compensations encore instables et grossières, qui, lentement, mettait fin aux soubresauts d'un astre en train de se figer. Peut-être n'est-il pas de plus sûrs modèles de la beauté profonde que les formes émergées des grandes acrimonies.
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Vint la vie : une humidité sophistiquée, promise à un destin inextricable ; et chargée de secrètes vertus, capable de défis, de fécondité. Je ne sais quelle glu précaire, quelle moisissure de surface, où déjà s'enfièvre un ferment. Turbulente, spasmodique, une sève, présage et attente d'une nouvelle manière d'être, qui rompt avec la perpétuité minérale, qui ose l'échanger contre le privilège ambigu de frémir, de pourrir, de pulluler.
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Dans une étude sur la mante religieuse, j'essayai, il y a presque vingt ans, d'établir une relation entre certains faits, en apparence, et peut-être en réalité, sans rapport : les moeurs sexuelles de la mante femelle qui dévore le mâle pendant l'accouplement ; l'intérêt exceptionnel généralement porté par l'homme à cet insecte, qu'il tient pour divin ou pour diabolique presque partout où il le rencontre.
Au thème de la mante, qui affirme l'équivalence de la fabulation chez l'homme et de l'instinct chez l'insecte comme solutions opposées et correspondantes, j'ajoute aujourd'hui deux thèmes nouveaux, plus téméraires encore. Le premier, celui des ailes des papillons, est prétexte à introduire le problème des rapports entre l'esthétique naturelle et l'art humain. Le second, celui du mimétisme, se présente sous plusieurs aspects différents, qui ont chacun leur harmonique chez l'homme : travesti, camouflage et intimidation.
Les mythes de métamorphose et le goût du déguisement répondent au travesti (mimicry proprement dite) ; les légendes de chapeau ou de manteau d'invisibilité au camouflage ; la terreur du mauvais oeil et du regard médusant, l'usage que l'homme fait du masque, principalement, mais non exclusivement, dans les sociétés dites primitives, à l'intimidation produite par les ocelles et complétée par l'apparence ou la mimique terrifiante de certains insectes.
II s'agit chaque fois d'un même contraste entre l'insecte et l'homme, entre le mécanisme et la liberté, entre la fixité et l'histoire. Cet ouvrage est un manifeste en faveur de ce que j'ai appelé les sciences diagonales. Il en est aussi une première et sans doute présomptueuse illustration.» Roger Caillois (1960).
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[Les] attitudes [psychologiques] distinctives [des jeux] sont au nombre de quatre : l'ambition de triompher grâce au seul mérite dans une compétition réglée (agôn), la démission de la volonté au profit d'une attente anxieuse et passive de l'arrêt du sort (alea), le goût de revêtir une personnalité étrangère (mimicry), enfin la poursuite du vertige (ilinx).
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Tout un groupe de jeux apparaît comme compétition, c'est-à-dire comme un combat où l'égalité des chances est artificiellement créée pour que les antagonistes s'affrontent dans des conditions idéales, susceptibles de donner une valeur précise et incontestable au triomphe du vainqueur.
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Le relâchement des liens collectifs conseille à l’individu de s’appartenir aussi exclusivement qu’il le peut et le place au centre d’un univers particuliers que le roman lui enseigne à cultiver et à chérir. Ainsi le monde de la vie quotidienne demeure sans doute commun à tous, mais celui des cœurs et des pensées se divise de plus en plus et la création littéraire s’en ressent aussitôt. Chacun s’attache à exprimer la part de soi la moins communicable ; la surenchère d’originalité semble la loi qui préside le plus strictement à l’activité de l’écrivain.
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Faites comme vous l'entendez, pourvu qu'il soit clair que je ne vous approuve pas.
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