Méfiez-vous des philosophes faciles à lire. Au premier regard, limpides, agréables à suivre, dépourvus d’aspérités. En fait, ils masquent leur travail sur les concepts sous une prose tantôt chantante, tantôt veloutée. Rousseau ou Bergson, par exemple, si différents qu’ils soient, partagent cet abord trompeur. On croit saisir d’emblée leurs propos, on les voit fuir comme sable aux doigts dès qu’on tente de les agripper. Il faudrait en dire autant, pour d’autres raisons, de Montaigne, de Pascal ou de Nietzsche : leurs fulgurances de style ne rendent pas perceptibles d’emblée la précision philosophique de leur démarche et la complexité de leurs analyses.