Je devais avoir quatre ans, peut-être cinq, puisque je ne savais pas encore lire et que le mot "livre" évoquait alors pour moi un objet un peu mystérieux, marquant l'enclos d'un territoire si proche et si lointain à la fois d'où j'étais irrémédiablement exclu.
Le béret : depuis la rondeur silencieuse de ma chambre, je n'y avais pas encore songé. Au béret. Le mot lui-même - béret - ne m'est pas familier; je ne l'ai que peu de fois employé dans ma vie. Jusqu'à présent, chaque fois que je me suis trouvé en présence d'une personne coiffée d'un béret, comme Hanska, je remarquais l'objet, je le trouvais joli ou original, mais sans en utiliser le mot. Or si je l'emploie aujourd'hui, ce mot, c'est avec la conscience, la conscience fade d'avoir trouvé là le symbole sans joie d'une brève partie de mon existence - laquelle, malgré sa courte durée, n'est pas restée sans conséquence sur les années suivantes.
Le train ! La fenêtre de la grande baie était hermétiquement fermée. Pourtant, un mince filet d’air en ce bleu, glacial novembre 1992 aurait eu le mérite de rendre un peu moins irrespirable l’atmosphère surchauffée de cette vaste pièce : le salon de Brigitte et Robert. Et quel salon ! Parbleu. Un de ces salons bourgeois comme n’oseraient plus en aménager les bourgeois eux-mêmes : pendules sur les cheminées, lourds rideaux drapés, embrasses à gros glands poussiéreux, des dorures un peu partout, des trumeaux, des moulures, et tout le tralala.
J'ai rêvé cette nuit, je crois, que j'étais jeune.
Puis je me suis levé. Je m'assois. Je déjeune.
Tu te rêves lisant Du côté de chez Swann
Sur les routes de France au volant d'un vieux van.
Nous allons dormir. Sortilège
du sommeil, dans un beau hamac
je me balance, un havresac
Dans les lumières rasantes,
la halte
du promeneur froid qu'enchantent
l'asphalte.
N'ayant jamais vraiment quitté Bruxelles
qu'à bord d'oniriques nacelles...
Plus les jours, plus les années passent,
plus notre Mort se fait vivace.
Ne me réveillez pas : je dors...
bras en croix dans les boutons d'or.