L'amour naît souvent là où on ne l'attend pas. Dans un bref regard échangé dans un couloir, dans la douceur d'une caresse sur une peau meurtrie, ou dissimulé dans une phrase anodine.
Il y a quatre ans, j'ai souillé sa pureté. J'ai endommagé son âme. Puis j'ai brisé son coeur. Et aujourd'hui, je paie les pots cassés. Mais en me repoussant comme il le fait, Clyde cherche-t-il uniquement à se venger de moi ? Ou souhaite-t-il protéger les morceaux qu'il a réussi à sauver ?
S'il savait à quel point je regrette ce que j'ai fait...
Ma sexualité a toujours été imprécise, et celle des hommes est une terre lointaine et inconnue jusqu’alors inexplorée. Mais avec lui, ça me semble naturel. Cette nuit, je me sens l’âme d’un explorateur en quête d’aventure.
La plupart des gens qui croisent notre route ne sont que de passage. Un instant furtif. Une séquence fugace. Mais parfois, certaines rencontres nous marquent au fer rouge et imprègnent notre chair jusqu’à l’os.
En fait, notre quotidien, nos relations, la société, et même la politique… l’impact que tous ces éléments opèrent sur notre vision du monde au cours de notre vie agit aussi efficacement que les doctrines qu’on nous inculque à l’école. Je décèle des messages aujourd’hui que je n’avais pas vu à dix-huit ans, mes ressentis personnels ont changé, et ce, même en mettant de côté la maturité que j’ai accumulée.
Parmi toutes les raisons qui rassemblent l’humanité, la mort a toujours été la plus efficace. C’est dingue comme l’absence d’un individu donne matière à parler ou à boire. Pour des mecs comme ceux de la scierie Sutherland, la disparition d’un collègue a suffi à leur donner une bonne raison de se souler au bar pendant des semaines. La plupart se foutaient de Murphy de son vivant, mais la brutalité de son décès semble avoir éveillé une amitié jusqu’ici inconnue, ainsi qu’une lueur de culpabilité. Quand un truc pareil se produit dans notre entourage, on se sent inévitablement concerné.
Mais ne gâche pas ton plaisir avec ce jeu, ce qu’on aime à vingt ans n’est pas toujours ce qu’on apprécie à quarante, et un bon souvenir est parfois plus agréable qu’un présent bourré de réalisme.
J’ai horreur des colporteurs de ragots et des tordus qui se réjouissent du malheur des autres. Madame Crowley a pris un tel plaisir à me raconter son histoire sordide que je n’ai aucun mal à deviner à quelle catégorie elle appartient. Malgré tout, elle a réussi à me mettre le doute. Porté par une curiosité instinctive, je reporte mon regard sur la maison située à quelques mètres de la mienne. En venant ici, j’ai fui mes problèmes, j’espère ne pas m’en attirer de nouveau en habitant à côté de ce « Savage ».
Prononcer le nom de ma grande sœur devant mon ex me semble encore plus irréaliste. Je me retrouve soudain projeté quatre ans en arrière, dans la peau d’un adolescent de seize ans.
Une chambre. Des comics. L’odeur de lessive. Le banc du square. Les mains d’un mec caressant mon corps pour la première fois... Et ses mots, cruels et sans pitié, balancés à l’arrache sur un terrain de football un soir d’été.
Je barricade le passé derrière un mur tagué d’insultes.
Les mots sortaient de ma bouche sans avoir le sentiment de les avoir pensés au préalable. Pourtant, j’avais saisi ce qui se tramait autour de moi et ce que je risquais. Cette façon qu’ils avaient de me regarder, de me faire répéter les mêmes choses. Ces détails qu’ils relevaient, ces insinuations qu’ils faisaient, cherchant à deviner les faces cachées…