Rencontre avec Samuel Hayat autour de son ouvrage Démocratie, éditions Anamosa Collection Le mot est faible.
Samuel Hayat- Salon du livre d'Arras 2020
Même les mots semblent devoir perdre leur sens. La révolution est devenue l’étendard des conservateurs, la régression se présente sous les atours du progrès, les progressistes sont les nouveaux réactionnaires, le salaire est un coût, le salariat une entrave, la justice une négociation et le marché une morale.
Une démocratie réelle suppose que toutes les fonctions de la loi soient ouvertes aux citoyens.
Mais à peine cette nouvelle forme de République se trouve-t-elle pensée, et commence-t-elle à être expérimentée dans les rues et les ateliers du département de la Seine, qu'elle est l'objet d'un rejet massif, au nom de la République, par des parlementaires conservateurs ou modérés.
Là est le problème constant que posent les partis à tous ceux qui veulent le règne des plus sages, des plus compétents, des plus vertueux, ou du peuple conçu comme une entité unifiée : les citoyens qui entrent en politique le font avec des intérêts particuliers et des opinions arrêtées, et s’ils s’associent avec des personnes partageant leurs intérêts et leurs opinions, ils sont censés perdre nécessairement de vue l’intérêt général.
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Les partis, en affaiblissant l’idée d’un peuple uni par une seule volonté, voire une seule culture, confèrent aux régimes démocratiques un pluralisme profondément désirable, mais constituent aussi d des outils de dépossession du pouvoir du peuple au profit d’une élite politique.
Si l’on veut penser la démocratie comme pouvoir du peuple, il faut à la fois élargir les pouvoirs des citoyens à l’ensemble des processus de décision et accepter que le peuple prenne parti, c’est-à-dire entre massivement dans des organisations porteuses d’opinions, de valeurs et de projets de société opposés et concurrents - tout en trouvant des moyens pour empêcher que ces prises de positions se trouvent instrumentalisées dans de simples luttes pour le pouvoir.
Initialement pensés contre la démocratie, les gouvernements représentatifs en ont progressivement adopté le nom. Le mot démocratie devenant synonyme d’épreuve électorale, il s’est trouvé peu à peu inséré dans un système de significations et de pratiques centrées sur l’élection : les campagnes électorales, les débats entre candidats, les meetings, le vote. Ces multiples expériences politiques, grandes et petites, ont fait incorporer aux citoyens un certain sens du mot démocratie, centré sur la compétition électorale, alors même que celle-ci avait été initialement pensée par les du gouvernement représentatif comme distincte de la démocratie.
Tout l’enjeu d’une démocratie réelle, fondée sur la souveraineté du peuple, serait de garder des partis leur capacité à donner de la visibilité et du pouvoir aux dominés, tout en en éliminant le caractère oligarchique, leur soumission aux élites politiques.
Une démocratie réelle requiert une démocratisation de la délibération publique, non seulement au sein des instances de décision, mais aussi dans l’espace public au sens large. Cela requiert notamment un système d’enseignement et de recherche qui produise librement et transmette largement des connaissances, en particulier sur la société, ainsi que des médias pluralistes et indépendants des puissances économiques, où puissent s’exprimer différents points de vue, même et surtout ceux des dominés.
Echec politique et échec militaire se combinent, au milieu de la journée du 24 février, sur fond de crise économique de sous-production agricole et de surproduction industrielle, pour provoquer la chute de la monarchie de Juillet.
Un pouvoir populaire, ce n’est pas seulement un pouvoir qui trouve son origine dans le peuple, mais que le peuple exerce.