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Citations de Sébastien Garnier (II) (21)


Comment Lazare avait-il pu insulter la Révolution ? Alors qu’il n’en avait jamais contesté la légitimité et qu’il était intimement convaincu de la justesse du chemin tracé par Mère… Il s’en étonna, mais comprit aussitôt qu’une partie de lui s’était offert un bref et sain exutoire ; à l’image d’un Croyant compensant soudain par un petit blasphème son irréprochable piété.
Assurément, ces quelques mots spontanés lui avaient prodigué à la fois l’agréable légèreté du soulagement et le poids de la contrition.
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Il n’est pas de Révolution sans Terreur.
Le Chancelier Valdeck en savait quelque chose, tant il fut l’un des principaux artisans de la répression et des violences arbitraires qui accompagnèrent la Bio-Révolution.
En effet, Valdeck le Terrible, fut de toutes les batailles, de toutes les exactions, de tous les crimes commis au nom de l’environnement, mais aussi de tous les ministères. Docteur, éminent scientifique de la Révolution, idéologue adulé, il fit aussi la gloire de la Phalange Verte en lui donnant des moyens nouveaux. Il scella les précieuses alliances avec les écorévolutionnaires chinois et américains puis incarna toujours la fidélité la plus absolue à Mère. Valdeck était un pilier de la Révolution.
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Mais, plus encore que le décès lui-même, ce qui l'interloqua sans doute davantage en fut la cause. Car à cette époque, dans ce monde, on ne se suicidait plus. Tarang était bien placé pour le savoir, lui qui avait été aux origines de cette révolution.
Comment cela avait-il pu arriver ? Comment quelqu’un bénéficiant des ressources les plus à jour des additifs cérébraux avait-il pu contourner tous les protocoles et protections à sa disposition pour parvenir à mettre fin à ses jours de manière volontaire ? Un suicide, ça dépassait l’entendement.
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Le destin d’Esther avait irrémédiablement basculé. Et elle aurait pu, à partir de là, s’enliser confortablement dans sa souffrance, trouver dans ce drame une excuse à toutes les difficultés et errances de son futur, puiser dans cette manne inextinguible d’alibis de quoi faire de sa vie à venir une tristesse rampante, un puits sans fond de vide et d’attente. Mais elle fit immédiatement le choix de la résistance et de la résilience.
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À quoi bon avoir un implant si c’est pour rester aussi con ?
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Voyez-vous, Lazare, je crois que vous n’êtes pas fait pour cette époque. Je vous vois comme un humaniste qui s’ignore ; un jouisseur de la vie, un consommateur en puissance, mais singulièrement bridé. Il me chagrine qu’un jeune homme de votre qualité n’ait encore jamais pu goûter aux joies honteuses du XXIe siècle ni à ses plaisirs désormais interdits
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Sur le plan énergétique, un implant cérébral ne fonctionnait que grâce à l’activité électrique produite par le cerveau. Pas de batterie, pas de prise de courant : trop volumineux, trop dangereux.
En conséquence, à l’instant exact où le cerveau mourrait, l’implant, sans aucune ressource, cessait immédiatement de fonctionner. Avant de s’éteindre, il n’émettait que cet ultime faire-part de décès au style technocratique mais efficace, qui parvenait à la vitesse de la lumière à ses destinataires alors que, peut-être, tous les organes de son hôte n’avaient pas encore péri, que certains de ses muscles étaient encore alimentés en sang, que ses terminaisons nerveuses recevaient leurs derniers ordres et que, très certainement, ses poumons ne s’étaient pas encore vidés de leur dernière bouffée d’air.
C’est ainsi qu’il fut possible qu’un individu, en Inde, qui n’avait pas rencontré Dolores Myers plus de trois fois en vingt-cinq ans, apprît son décès avant même les poumons ou les intestins de cette dernière. Et c’est exactement ce qui arriva à Tarang Rajani.
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Dans les jours qui suivirent, Intellect agit comme une caisse de résonance de tous les fantasmes qui sommeillaient dans les milliards d’encéphales qui en composaient l’ossature. C’était là un des principaux travers de la toile de cerveaux où se répandaient, encore plus vite et avec encore plus de liberté que sous l’ère d’Internet, les idées et les e-dées, les bonnes, les mauvaises, avec une certaine prédilection pour le simple et le vulgaire. Un suicide résultant en général d’une sédimentation complexe de motifs, ce type de décès constituait un assez mauvais client pour le réseau. On comprendra donc qu’un nouveau récit du drame, épuré, adapté et scénarisé fut réécrit afin de fournir une nourriture acceptable pour la plus grande masse des cortex qui se ravitaillaient là.
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Ce paysage lui fit cadeau d’une évidence. Non, l’Homme n’était pas au centre de tout ; il n’était même rien, ce lever de soleil le rappelait avec force. Les six mille quadrillions de kilogrammes de notre planète tournaient toujours, à mille sept cents kilomètres par heure, sur eux-mêmes, dans un bal immuable et millimétré, imperturbables, sourds aux murmures de l’humanisme, insensibles aux bienfaits et miracles supposés du progrès – et de ses échecs patents. De toute la masse du vivant qui s’y trouvait, l’humanité ne représentait que 0,01% : en poids, elle était comme un bouton sur un corps. L’humanité n’avait jamais rien eu du nombril donc, mais sans doute tout du kyste. De là à considérer que la disparition, même partielle, de cette anomalie, pût être bénéfique pour le reste du vivant, il n’y avait bien évidemment qu’un pas, que Tarang commençait à franchir dans un coin de sa tête, à mesure que les rayons glacés du soleil crevaient l’horizon.
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Esther n’entendait pas grand-chose à cette nouvelle mode consistant à fonder une famille avec quelqu’un du même sexe mais qu’on n’aimait pas d’amour. Mais il est vrai que les hommes et les femmes avaient de moins en moins de raisons de rester ensemble, sinon procréer – et encore.
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En arrivant dans la cuisine, elle aperçut à travers les baies vitrées, au loin, la silhouette lumineuse de Gandhi, qui arpentait la mégalopole, suivi de sa procession de logos. Puis elle regarda vers le salon d’où émanait une autre lueur, bleu pâle et faible. Esther s’avança sur la pointe des pieds et vit, dans le noir de l’immense pièce, Tarang, affalé dans son canapé. Il avait projeté devant lui les images de rêves passés.
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Peu de gens savaient encore quel être humain avait fait le don de sa personne pour devenir Mère.
D’ailleurs l’histoire réelle de ce sacrifice n’était pas même enseignée à l’éco-le. Tout juste pouvait-on affirmer qu’il s’agissait d’une femme. Et encore, pour certains qui répugnaient encore à l’idée du matriarcat, la chose n’était pas acquise.
L’essentiel, en fait, résidait ailleurs : il fallait que Mère incarne la sainte parole aux yeux de tous. Et dans cette perspective, le mystère qui entourait sa genèse s’avérait fort utile pour entretenir le mythe. En définitive, personne ne savait plus l’histoire de Mère ; mais tout le monde connaissait sa légende.
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De fait, un Binaire pouvait décider de son vivant de transmettre tout ou partie de sa mémoire à autant d’ayants droit qu’il le voulait. Parfois, comme si on recevait une carte postale du passé, on héritait d’une bribe : d’un vieux copain des instants d’enfance partagés avec lui, d’un ancien amour un baiser échangé. Le plus souvent, on se retrouvait légataire de pans entiers d’une vie. C’est ce qui arriva à Esther qui, tout à sa peine, reçut, quelques heures après le drame, un nouveau message prioritaire, lui avisant cette fois qu’elle était légataire universelle de la mémoire de Dolores. Tout, absolument tout, lui revenait.
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La tête appuyée contre la vitre, cognant contre elle à chaque cahot, il contemplait la nuit à travers les traînées des gouttes d’eau. Il s’y abandonna suffisamment pour oublier, quelques instants, jusqu’aux raisons de sa présence ici. Oublier… Le dernier luxe d’un monde sans promesse.
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Quand la Révolution gagna l’ensemble du monde, et que le gouvernement digital de Mère se mit en place, se posa la question de savoir où installer le siège du nouveau pouvoir global. On y répondit ainsi : partout.
On décida donc de bâtir une capitale politique et administrative flottante. On la conçut en bois, on la dota de centaines de voiles et on la laissa voguer sur les mers et les océans, indéfiniment.
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Se demander quand éclata la Bio-Révolution revient à considérer qu’elle eut un début – et par voie de conséquence qu’elle pourrait avoir une fin.
En définitive, il n’y eut pas de Jour J, aucun instant de vérité et encore moins de Grand soir. Non, la Révolution n’entra pas en une éruption soudaine, elle ne fit plutôt qu’enfler, pendant plusieurs décennies, jusqu’à ce qu’elle envahisse tout, domine tout – à la manière d’une tumeur disaient certains, d’un sentiment amoureux juraient les autres.
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Sortant d’un rêve programmé qui, face à cet imprévu, avait dû improviser une fin, Tarang émergea du vague matinal et fut immédiatement pris de stupeur en comprenant le sens du message qu’il venait de recevoir. Mais cet effarement ne tint pas seulement au contenu même de l’annonce.
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Dans le brouillard épais de cette froide nuit d’automne, sous le pont de Tolbiac, deux ombres sortirent clandestinement d’un carrosse pour jeter dans la Seine un doigt sectionné et deux phalangistes enveloppés dans un drap et lestés avec une cocotte en fonte.
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Avec ce faible bagage d’informations, Tarang plongea dans l’abîme d’Intellect et de ses quadrillions d’octets neuronaux échangés par seconde, pour en savoir davantage sur les événements de New York. Les yeux fermés, emporté par ce tourbillon d’immédiateté, de live thinking et de pensées à chaud, il en découvrit avec effroi les images, dont il douta d’abord de l’authenticité, tellement elles l’horrifièrent – et tellement le réseau fut, par habitude, empli de faux en tous genres : fakecogs générés par des cerveaux artificiels, souvenirs retouchés, idées tronquées et remaniées. Il prit connaissance du contexte de ce suicide, de ce discours incompréhensible de Dolores, ses mots de folie, hélas ! authentifiés, son regard tremblant, la panique, son geste, les cris. Puis il vit Esther, sur la scène, les mains pleines de sang et dont le regard ne pouvait, lui, mentir. Esther…
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Esther était apparue très fatiguée, vidée de force et de larmes. Affronter le suicide de l’être aimé consumait toutes les ressources de son âme. A fortiori parce qu’elle n’avait jamais perçu le moindre indice d’un désespoir aussi grand. Esther d’ailleurs pouvait-elle en être la cause ? L’avait-elle aimée comme il fallait ? Qu’elle se posât ou non la question, Esther avait bien compris que les autres se la posaient pour elle. Être la veuve d’une suicidée, c’était comprendre qu’on était un peu, aux yeux des autres, quoi qu’on eût dit ou fait, sur le banc des accusés. Il fallait donc redoubler d’efforts pour surmonter l’épreuve : le deuil d’un côté, l’absolution de l’autre.
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