Elena était séduisante, et lui n'avait pas été aussi proche d'une femme depuis des décennies. Alors, il laissa son âme parler plutôt que son esprit. Il saisit le visage d'Elena entre ses deux mains et l'attira à lui. Avec douceur, il déposa un baiser sur ses lèvres. Elles avaient le goût de son rouge à lèvre mêlé au sien, et c'était délicieux. Il avait voulu que ce baiser soit rapide, presque furtif, mais maintenant qu'il la touchait, il en voulait plus. Alors, il s'empara de sa bouche en l'attirant à lui, et elle lui rendit son baiser avec fougue. Il n'y avait plus aucune trace de timidité en elle, seulement le désir, aussi intense que celui de Colmillo.
La femme qui l'avait sauvé.
Il hésita à passer son chemin. Après tout, il ne pouvait pas la remercier ; elle le prendrait pour un fou.
D'un autre côté, il ne pouvait pas l'ignorer. Pas après ce qu'elle avait fait pour lui. Il s'approcha donc d'elle, ses pas évitant par habitude tout ce qui pourrait signaler sa présence. Lorsqu'il fut à quelques pas d'elle, il la salua:
-Bonjour.
Elle n'eut pas la réaction attendue. Elle sursauta violemment et tangua, sur le point de tomber dans la rivière. La surprise n'altérant pas ses réflexes, Cobarde tendis la main pour la saisir par le bras et la tirer vers la rive.
Les opérations des Illusions ne durent jamais aussi longtemps. Il a dû vous parler des Méprises. Elles sont capables de manipuler leurs cibles pendant des heures, et même pendant des mois s’il le faut.
Cet homme aimait prfondément « ses » animaux, et Amarilla avait eu besoin de se sentir aimée, même si ce n’était pas pour la femme qu’elle était.
Même si l’amour que Philippe lui avait donné ne viendrait jamais à la cheville de celui de Castigo.
Au souvenir de l’homme qui avait partagé sa vie pendant près de cinq siècles, le cœur d’Amarilla se serra. Sous sa forme animale, elle avait réussi à ne plus trop penser à lui. C’était comme si sa forme humaine lui rappelait combien elle l’avait aimé et combien elle pleurait sa disparition.
Ses traits étaient si lisses qu'il semblait à peine majeur, ce qui devait avoir une autre signification le jour de sa naissance, quelques cinq-cents ans plus tôt. Pourtant, tout son être dégageait une maturité et une virilité qu'un jeune homme était incapable de posséder. Oui, elle avait bien pensé « virilité ». Elle pensait aussi « sexy », parce qu'aux yeux d'Elena, cette odeur de noix de coco n'était qu'une fragrance qui enveloppait l'enveloppe la plus séduisante qui lui ai été donné de rencontrer.
Il espérait, d'ailleurs, que la mort de ce dernier serait un signal pour les autres. Celui de rester loin de lui.
Parce que des quinze guerriers-totems encore en vie, Cobarde était physiquement le plus puissant d'entre eux. Il était le seul et unique jaguar, après tout. Gatita, devant lui, était une superbe oncille, sorte de chat sauvage d'une élégance incommensurable. Les autres étaient des lynx, des pumas, des margay ou d'autres félins. Rares étaient des serpents.
Ce n'était pas une impression d'horreur mais plutôt d'admiration. Elena était tout à fait capable de changer certaines parties de son corps pour ressembler à un félin, mais contrairement à Célia, son autre moitié n'était pas un ocelot mais un lynx. Ça arrangeait bien Colmillo : c'était aussi ce qu'il était. La seule différence majeure... non, l'une des différences majeures entre Elena et lui, c'était que lui pouvait devenir un lynx à part entière. Et qu'il adorait ça.
Colmillo avait un peu de peine pour Elena. La jeune femme essayait désespérément de comprendre ce qu'elle était et pourquoi elle l'était, et ce n'était pas une tache aisée. Colmillo avait bien envie d'aller la voir et de lui expliquer qu'elle ne cherchait pas sur les bons continents, mais s'en abstint. Il n'était pas là pour s'assurer qu'elle découvre la vérité mais pour la protéger.
Elle avait toujours aimé voir l'expression horrifiée de sa grand-mère quand elle débarquait sans chaussures. Mamie avait tendance à détester tout ce qui sortait de l'ordinaire, ce qui avait fait de son acceptation d'Elena le seul écart de conduite de sa vie. Mamie adorait sa petite-fille, et avait toujours fini par accepter ses excentricités.
Le jaguar aurait dû se transformer, redevenir homme, mais il n'en avait pas la force.
Il devait rentrer chez lui. Il habitait dans la forêt, ce ne serait pas bien compliqué de rejoindre sa demeure. Normalement.
Le pas hésitant, il s'engagea entre les arbres, faisant confiance à son instinct pour retrouver le chemin de la maison .