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Citations de Serge Boimare (32)


En résumé je dirais que la peur d'apprendre repose sur un scénario qui se joue en quatre actes:
1) une menace contre un équilibre personnel provoqués par les exigences de l'apprentissage qui entraînent
2) l'arrivée de sentiments excessifs où dominent des idées de dévalorisation et de persécution qui parasitent le fonctionnement intellectuel et qui réactivent
3) des peurs plus profondes, plus anciennes, souvent alimentées par des préoccupations identitaires, voir même des règlements archaïques, qui a leur tour vont provoquer
4) des troubles du comportement plus ou moins importants, soit pour réduire ces craintes, soit pour les empêcher d'arriver. Ce sont alors des stratégies anti-pensée qui permettent parfois de court-circuiter tout ce scénario.
[...]
Si l'on veut que ces enfants retrouvent un peu de liberté de pensée, il faut aussi leur donner la possibilité de s'appuyer sur ces préoccupations identitaires et ces craintes archaïques sans lesquelles nous ne récupérons jamais leur désir de savoir dans une classe, sans lesquelles ils ne renoueront jamais pleinement avec leurs capacités à apprendre.
Cette ambition est tout à fait compatible avec le cadre pédagogique si l'on utilise pour se faire une médiation culturelle. Celle-ci peut-être littéraire, artistique, scientifique, philosophique...
L'important étant qu'elle porte en elle les figurations de ces préoccupations excessives réveillées par l'apprentissage. La médiation culturelle doit permettre d'approcher les questions brûlantes, mais cette fois en leur donnant une forme, en les incluant dans un scénario qui les rendra fréquentables et interchangeables avec les autres.
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Ces élèves transforment trop vite les contraintes de l'apprentissage en frustration, qui submerge telle une lame de fond le fonctionnement intellectuel. La confrontation avec la solitude et le manque, exigences inhérentes à l'apprentissage, se transforme ainsi chez les plus fragiles d'entre eux en idées d'abandon, d'insuffisance ou de persécution, qui empoisonnent la relation pédagogique.
Depuis quelques années, cette difficulté à supporter les contraintes de l'apprentissage est en constante augmentation, quel que soit l'environnement culturel de l'enfant.
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Dès l'instant où les compétences nécessaires pour apprendre ne sont plus disponibles, parce qu'elles sont trop vite troublées par des craintes et des sentiments parasites, toute la situation pédagogique s'en trouve pervertie.

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"Méfions-nous des idées de frustrations, de persécution et d'auto-dévalorisation qui sont si fréquentes chez ceux qui n'apprennent pas, elles sont contagieuses pour ceux qui les côtoient."
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Comment un professeur pourrait-il transmettre les connaissances qui devraient être maîtrisées par chacun à la fin de sa scolarité sans être préparé à traiter avec l'empêchement de penser qui est la première cause de l'échec scolaire?
Comment peut-il espérer faire affronter la rigueur des apprentissages à une trentaine d'enfants ou d'adolescents de niveau hétérogène, sans être formé à la gestion des groupes?
Comment va-t-il faire progresser sa pratique pédagogique sans être engagé dans une concertation régulière et une expérimentation en équipe?
Dans ces conditions, la peur d'enseigner est un sentiment normal. Il ne faudrait surtout pas croire qu'elle est réservée aux débutants, chez le professeur chevronné elle se camoufle souvent derrière une autorité ou une démagogie excessives qui limitent les problèmes relationnels certes, mais accentuent les stratégies défensives des élèves les plus démunis devant l'apprentissage.
Au moment où l'on parle de socle commun des connaissances, basé sur des compétences, des attitudes, des savoir-faire, pour nos élèves, ne serait-il pas judicieux d'envisager un programme comparable pour nos professeurs?
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La peur d’apprendre repose sur un scénario qui se joue en quatre actes :

1) Une menace contre un équilibre personnel provoqué par les exigences de l’apprentissage qui entraînent 2) l’arrivée de sentiments excessifs où dominent des idées de dévalorisation et de persécution qui parasitent le fonctionnement intellectuel et qui réactivent 3) des peurs plus profondes, plus anciennes, souvent alimentées par des préoccupations identitaires, voire même des dérèglements archaïques qui à leur tour vont provoquer 4) des troubles du comportement plus ou moins importants, soit pour réduire ces craintes, soit pour les empêcher d’arriver.
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Pourquoi la critique principale faite aux enseignants sur leur manque de rigueur et d’autorité est inappropriée et très néfaste à une évolution de la pédagogie ?
Depuis une dizaine d’années, certains responsables du ministère de l’Éducation et des penseurs de renom nous disent avoir tout compris sur les difficultés actuelles de l’école.
Elles sont dues à une absence d’autorité et un abandon des exigences indispensables à la transmission des savoirs disciplinaires. Ce laisser-aller est responsable de tous les maux de l’école. Il explique, la baisse du niveau général, la faiblesse de l’orthographe, l’abandon de la chronologie, etc. sans oublier bien entendu la violence et le décrochage. Très souvent, cette baisse des exigences est associée à un relent des idées libertaires des années 70.Ceux qui interprètent ainsi le laisser faire de ces professeurs et la distance prise avec les savoirs disciplinaires n’hésitent pas à se transformer en donneurs de leçons et prônent un retour à la rigueur et à l’autorité. En fait, ils n’ont rien compris à ce qui se passe dans certains collèges ou écoles.
Les enseignants qui pratiquent ainsi, ne le font pas par choix idéologique. Ils sont dépassés par les événements. Ils s’adaptent comme ils le peuvent en transformant en projet les rares moments où ils sont écoutés par leurs élèves. C’est souvent en s’appuyant sur la culture du quartier et les centres d’intérêts de ces jeunes que le contact devient possible.
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Lorsque la culture traite avec la curiosité primaire, elle en fait un tremplin qui permet d'aller vers une interrogation plus générale ramenant à des préoccupations universelles.
...
Derrière les tromperies, les violences, les incestes, les parricides, les histoires mythologiques nous ramènent toujours à ces deux grandes questions; "Comment vais-je trouver ma place parmi les autres, si je cède à l'immédiateté de mon désir? " Comment concilier ces forces contradictoires qui sont en moi?"
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Les stratégies pour apprendre, appauvries par la phobie du doute, se détournent de la recherche. Lorsque la réflexion devient synonyme de déstabilisation, lorsque le retour vers le monde interne produit surtout du parasitage et du dérèglement, les enfants cherchent à tout prix à éviter de temps de la construction et de la recherche qui va avec l'apprentissage. J'appelle "temps de suspension" ce moment crucial réservé au doute avant que la réponse ne soit trouvée.
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Échec scolaire, incivilité, décrochage… Alors que se multiplient depuis quelques années les élèves et les classes qui ne sont plus en mesure de répondre aux exigences des programmes, les adaptations pédagogiques qui devraient se généraliser pour affronter le problème sont inexistantes ou presque. Seuls, ceux qui préconisent un retour aux méthodes d’autrefois se font entendre.
Paradoxalement, le changement qui permettrait d’affronter ces situations délicates, est vécu comme porteur de risques de dérapage, voire de transgression des instructions officielles par les professeurs eux-mêmes, qui préfèrent continuer comme si de rien n’était. Bien entendu, cet immobilisme n’est pas sans conséquence :
il aggrave les difficultés des écoles et des collèges ;il accentue la marginalisation et la contestation des élèves les plus résistants ;
il provoque chez les professeurs une véritable peur d’enseigner, qui diffuse très largement sur tous les aspects du métier.
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Il faut dire que mon expérience de pédagogue qui se passe depuis
trente ans dans la fréquentation des enfants et des adolescents qui se
bloquent devant les apprentissages me montre régulièrement que c’est
dans cet entre-deux, dans ce passage du voir au savoir que se jouent les
destins intellectuels, les dérapages, les empêchements de penser. Les
refus de savoir sont souvent le lot de ceux qui ont peur de ce moment, de
ceux qui redoutent ce temps de suspension au cours duquel il va falloir
couper le lien avec l’extérieur, avec ce qui est vu, ce qui est entendu
pour faire un travail intérieur, d’assimilation, de création, qui bouscule
les repères et les certitudes et qui mobilise parfois davantage les qualités
psychiques que les qualités intellectuelles.
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Nous ne voulons pas voir que les lacunes et ces troubles, que nous nous acharnons à vouloir réduire avec des entrainements supplémentaires et des rattrapages, sont avant tout causés par un fonctionnement intellectuel singulier fondé sur des stratégies d'évitement de la pensée.
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Je vous assure qu’apprendre à lire ou à parler, à écrire ou à compter, à faire de l’anglais ou des sciences, avec Ulysse ou Athéna, avec Blanche-Neige ou Moïse, avec Pinocchio ou Robinson, offre une chance nouvelle de retrouver l’intérêt pour la classe et de relancer le fonctionnement intellectuel de ceux qui freinent pour apprendre.
Quant à nos meilleurs élèves, on voit mal comment et pourquoi, ce lien entre les savoirs et un apport culturel pourrait les gêner. L’expérience
montre que cette façon de faire les stimule et leur permet de donner toute
leur mesure.
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« Quand on a fait de la gonflette (comprendre musculation excessive), il ne faut jamais s’arrêter sinon ça coule », ai-je souvent entendu dire. La dépendance, le respect de la loi, mais aussi la capacité à être seul, à supporter le doute et le manque,valeurs indispensables pour apprendre et penser, deviennent, si nous n’y prenons garde, agents de féminisation, exercices réservés aux « pédés » et la pensée que nous aurions tendance à classer parmi les instruments permettant d’accéder à un pouvoir, à un plus, est vécue paradoxalement comme un exercice qui peut mutiler, réduire, placer du côté des faibles.
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Le respect de l’autorité, l’intégration de la loi, la transmission d’un savoir, la différence de génération... ont été mis à mal par son attitude, mais n’ont pas explosé. J’ai pu conserver mon intégrité et celle des valeurs que je suis censé représenter après son attaque. Pour autant je ne l’ai pas rejeté et Didier sait que son exclusion n’est pas une mise à l’écart de mes préoccupations. Il avait jusqu’à présent l’habitude de faire peur, d’obliger les liens à se rompre autour de lui, d’être exclu ;il en est à sa quatrième école.
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Il faut savoir aussi que ces enfants qui sont en échec dans les apprentissages scolaires supportent mal ce temps de suspension nécessaire à la recherche, à la réflexion, et qu’ils sont prêts à saisir la moindre occasion pour s’en distraire. Cette fois, l’occasion est trop belle, Didier a fait fort ; je vais avoir besoin de donner de la voix pendant plusieurs minutes pour faire revenir le calme dans le groupe, je vais devoir remettre au lendemain au moins cette histoire de division.
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Bien entendu, lorsque je le raconte aux enfants, je n’emploie pas tout
à fait le même vocabulaire. Il me faut plusieurs jours pour interpréter
chacun des six mots, pour que tous aient le temps de s’exprimer sur le
sujet, d’en faire le dessin. Mais, je n’évite aucune des idées, aucun des
aspects aussi terribles soient-ils qui composent ces histoires.
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Ce sont souvent ces histoires qui ont traversé les âges qui sont les plus proches des préoccupations internes de ces enfants, pourtant on ne peut plus démunis sur le plan culturel. Quelle plus belle représentation voulez-vous trouver de la confusion, de la dispersion, de l’angoisse du vide, de l’absence de repères que le Chaos, notre premier mot.
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Quand on est instituteur depuis longtemps avec ces enfants, quand on les fréquente six heures par jour et qu’on les voit évoluer en groupe, ce qui donne une dimension supplémentaire pour l’expression des troubles et leur observation, on finit par repérer ces moments particuliers qui les mettent mal à l’aise, je dirais même qui leur font peur et qui vont les pousser à casser le fil, à rompre brutalement avec leurs capacités intellectuelles pour se protéger, pour échapper à l’inquiétude.
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Il ne faut pas se fier aux apparences, contrairement à tout ce que
l’on peut croire, il y a beaucoup de points communs entre ce qui se vit
dans une classe d’enfants difficiles et ce qui s’est passé dans le grand
palais de Babylone ; l’excitation, les sentiments de toute-puissance, de
triomphe, l’avidité, l’envie, le mépris de la règle sont dans notre groupe
aussi des moyens couramment utilisés pour ne pas connaître l’inscription dans la loi, pour refuser la dépendance, pour tenir éloignés le doute et
l’interrogation. Ces armes que l’on appelle troubles du caractère, du
comportement, de la personnalité auxquels on ajoute, si l’on est savant,
l’étiquette de névrotiques ou de psychotiques, sont surtout destinées à
mettre à l’écart tout ce qui réactive les sentiments de culpabilité, à mettre
de la distance avec tout ce qui réveille les angoisses de perte et d’abandon,
beaucoup trop violentes et désorganisatrices pour être approchées.
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