IL EST MIDI
Les bleus fanés du bois des volets se ferment
Les ocres de pierres se gorgent de lumière
Le soleil s'échauffe
À vouloir chasser les ombres des ruelles
Riant d'avoir toujours un clair-obscur d'avance
Le marché crie ses derniers cageots
Dans les senteurs de fruits trop mûrs
La porte claque
Laissant la rumeur derrière elle
Alain Morinais
p.38
C’est là qu’est ma maison, dans l’immensité folle
Des enclos infinis, dans l’Espace insensé
D’un Chaos hors-le-temps, tout près de la corolle
D’un Soleil haletant qu’aucun Dieu n’a lancé.
[MA MAISON - Christophe Stabile]
(...) Il n’aurait jamais dû la suivre. C’était la faute de l’orage. De ces gouttes chaudes qui s’étaient mises à tomber sur ses lèvres pour attiser sa soif sans jamais la satisfaire ; qui avaient transformé sa robe en une seconde peau, révélant des secrets qu’il n’aurait jamais dû contempler. C’était l’orage qui avait tout précipité.
[Extrait de « L’ORAGE » - Patrick Ferrer]
MA MAISON
C'est là qu'est ma maison, dans l'immensité folle
Des enclos infinis, dans l'Espace insensé
D'un Chaos hors-le-temps, tout près de la corolle
d'un soleil haletant qu'aucun Dieu n'a lancé
p.33
Christophe Stabile
GALERIE CÉLESTE
Les étoiles
Sont autant de clous lumineux
Où les étoiles
D'un peintre facétieux
Étalent
Peu à peu sous nos yeux
Un voile
Propice aux rêves silencieux...
Catherine Thore Coulon
p.54
Quiconque a déjà peint des fleurs et des feuilles sait à quel point peindre une nervure est une opération délicate qui ne peut être interrompue. On utilise un pinceau extrêmement fin, à peine imbibé d’un blanc crémeux, on prend sa respiration pour éviter tout tremblement et on trace la nervure en un seul trait léger qu’on espère réussi.
[Extrait de « Les Capucines » de SUZANNE BUCK]
(...) Son médecin lui avait finalement prescrit un médicament encore expérimental : le Narconir. Le résultat avait été miraculeux. Gregorios avait enfin retrouvé un sommeil de bébé insouciant et des journées bien éveillées et productives.
Mais un effet secondaire des plus curieux était survenu au bout d’une semaine de prise : ses rêves se matérialisaient.
Si au début, Solène et lui avaient été déroutés par ce phénomène, ils avaient fini par faire contre mauvaise fortune bon cœur en s’en amusant. Et même après le retrait du Narconir et le rappel de toutes les boîtes, Gregorios se réveillait encore au milieu d’un fratras onirique qui avait pris pied dans la réalité. Le docteur Carme avait découvert que les enzymes du Narconir s’étaient durablement implantées dans le cerveau de son patient. Gregorios avait refusé les traitements qui auraient pu mettre fin à ces inconvénients. Pour les enfants. Et pour Solène, à qui ces réveils insolites avaient rendu le sourire. Jusqu’à récemment.
[Extrait de « Narconir » de NELLY CHADOUR]
Il n’arrivait pas à y croire. Il avait tellement espéré, et elle avait fini par revenir. Jeanne était là, sur la terrasse, allongée sur une chaise longue. Elle était tellement belle. Le vent soufflait légèrement le tissu de sa robe bleue, celle avec les fines bretelles qu’il lui avait offerte lors d’une escapade à Biarritz.
Il aurait aimé la rejoindre, lui tenir la main et contempler avec elle le cerisier en fleurs, magnifique en cette saison. Mais avant, il devait tout faire disparaître, effacer la moindre trace et oublier, comme si cela n’avait jamais existé.
— « Je reviens bientôt, je n’en ai pas pour longtemps », lança-t-il.
[Extrait de « J’ai tant attendu ton retour » de SANDRA DULLIN]
Lorsque je me remémore la première fois que je l’ai vue, j’en revis intégralement chaque seconde et j’en éprouve de nouveau toutes les sensations.
D’abord, la douleur qui me vrillait la tête, mêlée à la panique en réponse à ce que je venais de déclencher malgré moi. Puis le soulagement lorsque je l’avais agrippée, mon rythme cardiaque qui s’était accéléré, les gouttes de sueur qui perlaient dans mon dos... Et enfin, la sensation très nette d’avoir été victime d’un coup de foudre dévastateur.
[Extrait de « Le hors-la-loi du Temps » de JONATHAN CARCONE]
Il garda longtemps son doigt appuyé sur le pouls de la victime. Juste là où bat la vie en vous chatouillant le pouce. Du moins quand elle est encore là, la vie.
Après quoi il appuya deux doigts sur son cou. Il n’était pas sûr de ce qu’il faisait, il avait vu faire ce geste dans d’insipides feuilletons télévisés. Il se fiait davantage à la chaleur envolée de ce corps, pour conclure à sa mort.
[Extrait de « La patience de l’assassin » de JAMES WOUAAL]