" Une soupe d'étoiles et de lettres "
Poésie et prose entremêlées, assemblées à l'automne de sa vie par Cortazar lui-même pour en faire ce recueil, paru en 1984 pour la première édition mexicaine, l'année de sa mort.
C'est toute l'originalité de ce Crépuscule d'automne - Salvo el crepusculo - traduit en français en 2010.
Pourquoi attirer l'attention sur ces textes ? Comment des mots trouvent le chemin de l'attention, de l'émotion ? Difficile à exprimer. Je crois qu'il y a d'abord un ton, direct et libre, à la fois révolté et tendre, nostalgique et si présent ; puis des associations de mots, d'idées insolites, graves ou pleines d'humour, qui claquent au fil des pages et des textes d'une grande variété de thèmes, avec en fond, toujours, l'amour et la musique. Un petit air de tango...sans doute.
" Ne pas accepter un autre ordre que celui des affinités, une autre chronologie que celle du cœur, un autre horaire que celui des rencontres à contretemps, les véritables. (...) "
" ...Ce fut une parole de tango pour ton indifférente mélodie. "
" Il est certain dans son incertitude, il est nu de silence. "
Reflets miroitants du crépuscule : le recueil divisé en une quinzaine de parties est largement émaillé de citations d'auteurs de continents et d'époques variés, un peu comme des feux littéraires allumés par d'autres et dont Cortazar prolonge la flamme. Et franchement, ce florilège de citations est aussi un pur régal.
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Je connaissais juste quelques textes de cette femme poète d'origine argentine, arrivée en France un peu avant ses trente ans, en 1961. Elle a ensuite publié ses recueils de poèmes en français, qu'elle parlait chez elle depuis l'enfance. Elle est aussi romancière et traductrice.
Cette épaisse anthologie regroupe beaucoup de poèmes de 1977 à 2007. Ce qui frappe, c'est leur brièveté ou, quand ils sont plus longs, le mètre très court utilisé. Rien à voir pourtant avec des haïkus. Il ne s'agit pas de capter l'éphémère, mais plutôt de creuser la page, de cerner les mots, de prendre des notes... en marge. Les thèmes, outre celui de l'écriture, sont l'exil, l'autre rive, l'écartèlement entre deux espaces. La mer et la terre sont très présentes dans sa poésie.
Mon ressenti est assez mitigé : les poèmes brefs ne m'ont en général pas touchée, je les ai trouvés hermétiques ou au contraire plats, sans émotion. J'ai été davantage attirée par les textes plus longs, certains sont vraiment intenses, prenants, les mots vibrent et nous transportent:
" ce qu'on entend
sans trêve
parler au fond
de soi muet
crève soudain
la terre
du papier"
Ce qui est sûr, c'est que l'auteure fait entendre une voix singulière, originale. Bilingue, elle investit de façon unique le langage écrit. L'écouter est enrichissant...
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En Marge, c'est toute l'étrange et sensible écriture de Silvia Baron Supervielle qui apparaît, qui se déploie au fil des pages d'une anthologie, vaste paysage où on aime à s'égarer, lentement. L'écriture semble d'un lieu et d'un temps indéterminés, dont la trame se compose de touches intimes marquées par l'absence, le deuil, la séparation (des thèmes récurrents dans les poèmes de Silvia Baron Supervielle). Poésie abstraite, mise en mots d'un imaginaire flottant entre rêves et conscience de l'instant, de la présence.
"J'ai prononcé
la parole
de ton nom
j'ai ressenti
les lueurs
de tes yeux
j'ai reconnu
l'éclipse
de ta face" *
Les mots, les lignes, les vides, les blancs composent un rythme, des sensations, des paradoxes qui soulignent la beauté profonde des poèmes. le sens n'apparaît pas d'emblée mais à la lecture, on sent comme quelque chose qui s'est échappé, quelque chose qui revient et s'accroche à notre conscience, qui vient toucher l'accord ultime entre l'écriture et la lecture du poème, la plénitude d'une seule et même parole.
"Jacinthes bleues
dans l'herbe
herbe accrochée
à la terre
terre qui naît
de l'arôme" **
(*) extrait de « Après les pas », 1997 - p.420
(**) extrait de « Les Cahiers d'Arte », 1990 - p.709
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Cet ouvrage contient quatre parties,
où le rêve s'entremêle avec le réel.
" UN AUTRE LOIN
" UN AUTRE SEUIL
" UN AUTRE VIDE
" UN AUTRE VERBE
Aucune ponctuation, autre que celle de la fin des chapitres,
fait ressortir une certaine narration flottante, hors du temps.
Dans la première partie " UN AUTRE LOIN "
des questions essentielles sont posées
– sans point d'interrogation – des réponses
effleurent et affluent .
" où s'en va ce qui manque
p.12
" où irais-je comme ça
p.13
" Où aller sans commencement
et peut-être sans fin
p.14
" combien de temps faut-il
pour s'habituer à la nuit
p.15
Quelques réponses surgissent de
nulle part.
" j'essaie de retrouver les étoiles
p.14
" je perds la vue à l'intérieur des yeux
p.15
" l'encre se verse sur des mondes ignorés
p.17
" je cherche la sortie de la mer
p.18
" je réapparais dans une ville
p.20
Plus loin – UN AUTRE LOIN – ,
une réponse-trouvaille
lyrique :
" je suis au bord du brisement
par-delà la transparence
trompeuse des ouvertures
p.21
Cette première partie est aussi le livre
des comments, de la mort et du rêve :
" comment s'habiller pour partir
…
" comment perdre la peur désunie
…
" lorsque la mer atteint la table
je fais le trajet d'ici à un autre loin
je cherche à repérer la mort
avant qu'elle ne me frappe
p.26
" se rapprocher lorsque la nuit
ouvre des voies pour le rêve
ou lorsque le jour se dégage
de l'arrogance de l'aube
p.27
Dans la deuxième partie " UN AUTRE SEUIL " se figent :
* les constatations de fatalité presque " oxymoresques ".
" Je suis arrivée loin et je me trouve près
de ton visage
p.56
" je vais vers s'en aller plus loin
plus tard et plus au fond
p.59
* les " il faudrait "
" Il faudrait que j'arrive à entrer
dans le chant de la distance
p.66
" il faudrait changer la position du ciel
p.67
" il faudrait être debout sur l'horizon comme l'éclair
p.67
" il faudrait une force plus forte
pour que la récitation inaccessible
s'arrête devant moi
p.68
* Des observations poétiques ornent
cette seconde partie :
" la distance s'allonge la peur est en danger
…
" l'hiver coupe en morceaux le vide
p.68
* Et toujours ce rêve omniprésent
" un jour sans brûlures ni blessures
p.68
" dans la brise légère des vaincus
le vide a remplacé l'absence
p.69
" un jour on s'expose à perdre la musique
à se figer de travers sur la scène
p.69
* le tard
" Il se fait tard de tous les côtés
l'heure se replie
…
" il est trop tard et il est trop tôt
p.71
Dans la troisième partie " UN AUTRE VIDE " :
" le vide" rejoint "il faudrait"
" le vide s'échappe du vide
…
" le vide préserve la brume
p.80
" il faudrait un autre vide
qui dirait l'atmosphère
…
qui ferait jaillir l'amour
…
un autre vide en liberté
où pourrait survenir une écriture
qui dessinerait ton visage
p.81
* les "faut-il"
" faut-il choisir les moments du passé
" faut-il se déprendre de la mer
" faut-il un autre vide pour vivre
p.82
* la fin de vie
Viendra le jour
" Viendra le jour de faire cesser l'extase
…
" Viendra le jour de mettre au feu
…
" le jour de débarrasser l'armoire
…
" le jour de sauver l'inconnu
…
" de jeter les symboles au panier
p.88-89
" viendra le jour de respirer un autre vide
p.90
Dans la dernière et quatrième partie " UN AUTRE VERBE " :
" Un autre verbe de chair et de sang
…
" un verbe engendré par les mouvements
de la mémoire et de l'oubli
p.93
" Le seuil de l'espace tourne sur lui-même
…
" au loin un autre loin m'attend debout sur mon passage
p.96
CONCLUSION
" Une langue orpheline de significations
qui aurait la faculté de jaillir
des papiers comme le miroir
d'un paysage fabriqué
par la passion
qui pourrait tomber amoureuse
d'un être ou d'un livre…
p.103
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J'ai découvert Julio Cortazar grâce à son recueil de nouvelles "Cronopes et fameux". C'est un univers très particulier.
Et me voilà avec "Crépuscule d'automne" que j'ai eu du mal à refermer tant j'ai été bluffée, happée, dissoute. Cette impression de lien entre lui et moi m'accompagne depuis.
Ces textes sont magnifiques. Il a inscrit différents rythmes pour communiquer ses pensées, ses goûts, ses douleurs. Il aime les femmes et le tango. Il converse avec ses amis (morts ou vivants). Il dénonce les politiques, les dictatures. L'exil est aussi présent. Une vraie et belle rencontre.
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Ce livre ne peut être lu que par ceux qui acceptent de rompre le fil de l'écrit et de partir au détour d'une page sur l'imaginaire de l'auteur. Il faut s'installer dans une bibliothèque à la tombée de la nuit et revivre des récits livresques, les laisser se mêler et s'intriquer jusqu'à s'apercevoir que des écheveaux d'histoires permettent de tisser un trame nouvelle. Lecteurs, nous lisons des personnages qui sont eux mêmes lecteurs. Pour ceux qui ont besoin de plus de référence et de forme, la dernière page de l'ouvrage qui appelle à une liste de livres peut servir d'étayage.
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Le poète est moins connu que le conteur, et c'est dommage. Formidable recueil, testamentaire. Dans une traduction lumineuse de Silvia Baron-Supervielle.
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Revivre c'est ressasser. Avec talent, c'est recréer. La lecture de ce livre développe un rapide sentiment d'étrangeté pare que le récit devient rapidement digressif. Il se nourrit de l'imaginaire du narrateur qui a été lui même un lecteur et qui mêle sa propre histoire aux histoires de fiction qu'il a parcourues. Ce livre nous oblige en même temps à une construction et à un lâcher prise. On peut choisir de s'abandonner et d'échapper à une certaine logique ; ou faire preuve d'érudition et de continuer avec le choix des références littéraires que propose l'auteure..
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C'est en traduisant le poète Roberto Juarroz que Silvia Baron Supervielle a relu et annoté la Bible, devenue, en quelque sorte, son livre. Montage, épure, abstraction, plus que commentaire : les passages retenus s'inscrivent dans un récit saisissant d'où n'émane plus qu'une parole d'amour et de ravissement.
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Figure du voyage et de l'écriture, de la solitude, mais d'une solitude sereine qui cherche son cheminement dans l'univers, qui pose ses repères, qui jalonne la carte du monde, l'enfant devient, pour reprendre un beau mot de Deleuze à propos de Foucault, un cartographe : le cartographe d'un monde de la pure écriture, sans noms, sans identités, un monde de gestes, de sens, d'orientation déterminées mais inqualifiées, d'élans, de mouvements. Peu de livres donnent, avac autant de force, de simplicité et d'assurance, forme à l'impalpable matière de la rêverie.
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L’histoire est ténue ; les paysages peints d’un seul coup de pinceau, se dérobent en leurs détails ; ce qui paraît à portée de la main se dissout, se fond dans l’ailleurs des ailleurs perdus ; et les visages n’ont pas de traits ; c’est le regard, non pas les yeux, qui attire l’auteur : c’est l’âme qu’elle voudrait débusquer, et l’esprit en tête-à-tête avec lui-même qui lui importe... Cette pudeur est souvent magnifique dans les pages de ce livre du retour, où le langage... jouit d’un état de bonheur dont il est lui-même la source.
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Mais qu’est ce que ce pont international ?
Silvia Baron Supervielle, auteur argentine, nous entraîne à la frontière de l’Argentine et l’Uruguay, où nous pouvons traverser l’Uruguay, sur le fameux pont international;
Nous allons rencontrer un vieil homme, qui s’est retiré dans cette ville frontalière et qui vit entouré de livres et surtout de personnages d’ouvrages cultes pour l’auteur.
Nous allons alors croiser les personnages de Conrad, de Borges, d’Onetti ou de Willa Cather et Thomas de Quincey…
Le vieil homme laisse aller son imagination et nous suivons l’ensemble de ses personnages qui vivent dans la réalité ou dans les rêves ou dans les personnages de livres.
J’ai beaucoup aimé l’ensemble de tous ces niveaux de lecture.
L’auteur d’ailleurs, nous indique en fin d’ouvrage la liste des personnages qui l’ont inspiré et cela donne envie de retrouver leurs aventures.
Une belle écriture et un beau voyage dans les personnages d’autres romans mais aussi dans les paysages de ce nord de l’Argentine.
Laissons porter par ce voyage en Argentine et dans des grands romans de la littérature.
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C'est surtout le titre qui m'a attiré dans ce recueil de poésie.
Je dois avouer que j'ai mis un peu de temps à entrer, à comprendre ce que l'auteur voulait dire...en fait, toute la première partie, qui donne justement son titre au recueil.
Je me lui beaucoup plus laissée séduire par les trois suivantes.
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