Citations de Simon Roy (II) (21)
Peut-être sommes-nous coincés dans les corridors labyrinthiques de l’hôtel Overlook, à la recherche de réponses aux questions existentielles qui nous taraudent, et peut-être pensons-nous trouver, ces réponses, au détour d’un couloir où nous avons l’impression vague, mais tenace d’être déjà passés auparavant.
(p.108)
Rares sont les personnages de pères qui ont marqué de manière positive l’univers magique des contes de fées. Ces hommes meurent le plus souvent au début du récit, disparaissent dès l’incipit, au mieux à la fin de la première page. Ou alors ce ne sont que des mollassons sans envergure sur qui on ne peut guère compter.
(Boréal, p.14)
Honestly… Je me suis toujours méfié de ceux qui employaient ce mot. Honnêtement… Il me semblent qu’ils cherchent, sans doute inconsciemment, à camoufler le mensonge qu’ils sont sur le point de proférer à la face de leur interlocuteur.
(Boréal, p.135)
Elle aura fini par conclure que les pires geôles ne sont pas bâties de pierres, mais de nos propres actes, sinon de ceux que l’on subit et qui nous étouffent très lentement…
(p. 127)
On ne choisit pas ses souvenirs, et celui-là s’est imprimé dans mon esprit selon un procédé analogue à la création d’un fossile. J’avais beau me dire que ce n’étaient que des images diffusées à la télévision, mais une sensation malsaine m’avait résolument gagné, comme si l’homme noir qui avait prononcé ces paroles, me regardait, moi précisément…
(p.9)
Et je prends conscience, d’une manière si aiguë que c’en est douloureux, que les souvenirs agréables peuvent être plus nocifs que les mauvais, surtout quand tout ce qu’ils charrient n’est qu’un vent de nostalgie venant gonfler les voiles du regret.
Le réel affligeant ne s'épuise pas à force d'en parler ou de laisser le temps faire son oeuvre.
La vie n'est pas un conte de fées édulcoré. Surtout, ne jamais baisser la garde. Toujours demeurer vigilant.
Me voilà donc un an après le diagnostic fatal. Toujours debout, fragile et chancelant, mais mordant dans la vie au point de me décider à commencer un nouveau livre dans mon genre hybride, pour me prouver que je suis toujours vivant et peut-être un peu pour mettre la mort à l’écart, dans l’espoir aussi que ma détermination à durer déjouera les pronostics négatifs car, comme l’écrit Yvon Rivard dans Le Dernier chalet, « on ne peut écrire en se disant que le livre qu’on écrit est le dernier (…) car on ne peut écrire qu’en faisant inconsciemment le pari qu’écrire retardera et même repoussera indéfiniment la mort, que l’écriture, comme la prière, est une sorte de rétrécissement, semblable à la mort, qui conduit non pas à une autre vie, mais à l’élargissement de celle-ci. Faire passer la vie par le goulot de l’écriture, encore plus étroit que celui du souvenir, en espérant qu’elle ne s’y étranglera pas, c’est comme s’engager dans un de ces cours d’eau à peine plus larges qu’un canot par lesquels les lacs communiquent entre eux. Si on veut apprendre à mourir sans peur et sans trop de violence, à passer silencieusement d’un lac à l’autre, qu’on soit poète ou romancier, croyant ou athée, ne jamais penser qu’un livre ou qu’un jour puisse être le dernier (…) »
guère plus que les gens que j’ai croisés ce matin, on ne sait pas ce qui nous attend
écrire
le temps file
Au-dessus de ma tête, le soleil s'évertue à essayer de déjouer les nuages.
C’est idiot, mais ce que je retiens par-dessus tout de cet épisode noir de mon adolescence, c’est qu’en raison des lavements d’estomac qu’on lui a fait subir ma mère n’a jamais vraiment recouvré sa voix normale. Chaque conversation subséquente, chaque appel téléphonique me ramenait à ce geste de détresse d’abandon, en ce jour d’avril chiffre 1984. Toujours une trace de ce suicide raté comme un rappel audible que cela a bel et bien eu lieu. Et que cela pourrait se reproduire n’importe quand.
Mais ce nouveau grain rocailleux dans sa voix était la moindre des conséquences de son geste, puisqu’elle a traîné son état de dépression chronique jusqu’à ses derniers moments on peut, oui, sauver une personne de la mort physique, on peut, oui, la remettre sur pied signé son congé de l’hôpital, mais on ne peut pas lui redonner de force la vie, encore moins la force de vivre. Ne se transmet pas par injection par comprimés cette étincelle qui nous encourage à continuer. Oublier les solutés et les seringues, on ne gave pas quelqu’un du désir de vivre.
(p. 55)
J’ai procédé minutieusement, prenant mon temps, me disant que je vivais mes derniers moments d’accès privilégié à son intimité, de plus en plus convaincu que les objets que l’on possède portent en quelque sorte notre empreinte, notre passé.
- Y a deux devoirs à faire par jour. Le premier, c’est de dire à l’un de ses parents en allant se coucher pour la nuit une chose, une seule chose qu’il aura apprise au cours de sa journée. Quelque chose qu’il savait pas la veille.
- C’est simple, avant de s’endormir, après avoir écouté l’histoire du Grand Voyage de monsieur Caca, ou peut-être avant, vous choisirez vous-mêmes, y doit vous dire, à vous ou à votre femme, les trois choses qu’il aura préférées de sa journée. 115-116.
La réalité inspire la fiction qui inspire la réalité.
le mal nous unit tous autant que le Bien. Sinon davantage. Car le Mal, jusque dans ses manifestations d'horreur, est finalement par sa fréquence et son universalité quelque chose de banal.
Le processus de deuil peut-il devancer la mort ?
Esthétiser la souffrance pour ne pas avoir à regarder l’horreur dans les yeux.
On peut, oui, sauver une personne de la mort physique, on peut, oui, la remettre sur pied et signer son congé de l’hôpital, mais on ne peut pas lui redonner de force la vie, encore moins la force de vivre. Ne se transmet pas par injection ou par comprimés cette étincelle qui nous encourage à continuer. Oubliez les solutés et les seringues, on ne gave pas quelqu’un du désir de vivre.
Il y a ces nuits d’insomnie que j’accueille, heureux comme un niais, pour prolonger ma durée de vie consciente qui m’échappe un peu plus chaque jour, comme les grains d’un sablier. p. 95