Love is Red by Sophie Jaff
Toute femme a droit à une robe rouge.
Toute femme a le droit de naître, d’être aimée, de voter, d’être candidate à une élection. Toute femme a le droit de diriger une grande entreprise. Toute femme a le droit de rester chez elle et de s’occuper de son foyer. Toute femme a le droit d’être traitée avec respect. Toute femme a le droit d’être prise au sérieux. Toute femme a le droit de dire oui. Toute femme a droit à une robe rouge. Une petite robe pour laquelle elle s’est privée de nourriture, tout de moins de nourriture réconfortante. Je suis une femme et j’ai décidé d’ exercer ce droit.
L’amour est rouge. Avec des nuances de vert, de doré, alors que l’amour - le vrai, le divin - celui-là est tout à fait rouge. Il sent le trottoir nettoyé par la pluie, la nuque de l’amoureux. La terre fraîchement tournée. Il craque comme une allumette qu’on frotte, claque comme le couvercle d’un bocal qui vient de sauter. Il est comme une main qui se pose sur la hanche, il vibre comme une chanson chantée dans l’obscurité.
Fruit de la terre
Précieux comme or
L’orge et le blé
Donnent douce satiété
Les jolis minois attirent la bonne fortune et la vie est plus facile pour ceux qui sont beaux.
L’addiction est métallique. Elle fait autant de raffut qu’un million de flippers. Elle a le goût des dernières miettes grappillées au fond du paquet, des doigts enduits de sel et de sucre, elle sent l’épaule moite pressée contre toi par la foule, elle te caresse comme des gouttelettes de rosée glissant le long de tes doigts, elle se coule au bas de ton dos comme une démangeaison.
Le désir a la couleur du miel qui coule de la cuillère ; il sent le pop-corn que les autres dégustent au cinéma. Il t’entraîne comme une vague qui reflue sous tes pieds, tinte comme un bracelet sur la surface en verre d’une vitrine, résonne comme l’éclat de rire de deux amis qui partagent une plaisanterie, il est drap qui glisse sur ta joue, mur qui presse contre ton dos.
Peut-être c’est cela, être adulte. La prise de conscience graduelle que le temps passe, que l’on ait ou non des choses à espérer ou à craindre.
Nous sommes rarement conscients des actes qui façonnent réellement notre vie.
Nous ne vous oublierons pas, disent- ils aux mortes. Mais ils les oublieront, c’est inévitable, les visages s’estompent, les vies s’effacent jusqu’ à n’être plus que des anecdotes. Les années passent et le changement, inexorable, creuse son sillon ; le blé est récolté, les graines semées, les jeunes pousses jaillissent, les tiges arrivent à maturité, puis sont à nouveau récoltées. Le nombre de ceux qui se souviennent du moment où s’est produit tel événement, puis tel autre, puis encore tel autre, s’amenuise peu à peu.
Les lieux finissent par absorber l’esprit des gens qui y habitent. (...) n’est plus, mais l’endroit regorge de souvenirs. Quand je passe devant sa chambre, malgré moi, je retiens ma respiration. Comme lorsque je passe devant un cimetière.