Les chemins qui portent aujourd’hui nos pas portent aussi la mémoire des gens qui les ont arpentés avant nous. Cette mémoire est fragile, comme le sont aussi les chemins : à les délaisser, on les laisse s’effacer, de même qu’à oublier de se souvenir des êtres du passé l’on perd le fil qui nous relie à eux, les condamnant à disparaître de nos pensées comme ils ont disparu du monde. Perdre la trace laissée par ces millions de pas lentement ajoutés, durant des siècles, à des millions de pas, ce n’est pas seulement perdre un moyen de marche d’un endroit à un autre : c’est également perdre pied dans la continuité des générations. A l’inverse, frayer de nos pas ces chemins qui sillonnent encore notre territoire commun c’est, d’une même foulée, sauver du néant les frayages mentaux qui nous attachent aux êtres du passé.