Dans cette interview inédite, Sophie Renouard nous parle de son nouveau roman, "Parce que c'était le seul choix", déjà en librairie.
Découvrez en plus sur ce roman puissant qui parle des blessures de l'enfance jamais cicatrisées, et qui questionne sur la maternité, la parentalité
Par l'auteure de "On n'efface pas les souvenirs".
Il y a un avant et un après dans la vie d'Olivia. Gynécologue dans une clinique parisienne, elle élève seule, heureuse, ses trois enfants. Mais un jour, confrontée à l'insoutenable, elle fait un choix insensé qui met en danger sa propre famille et va fragiliser son existence et celle des siens
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- Isa chérie, ton métier est d'aller vers les autres. Tu ne fais que ça à longueur de temps. Tu accompagnes les femmes à mettre leurs enfants au monde. Comment peux-tu imaginer être restée au bord de tout, alors que tu es impliquée le jour comme la nuit.
- Non, j'ai décidé de me protéger de cette émotion. Mon métier me donne aux autres, moi, je suis restée vide.
[ ancien résistant de la 2de Guerre mondiale ]
- Mais vous êtes encore communiste ?
- Non. Le Parti nous a demandé des choses pas possibles. Moi, j'étais pas une tête brûlée. J'ai quitté les communistes juste après le retour des camarades. Ils prenaient trop de risques, qui ne servaient plus à rien. A part à faire couler le sang et pleurer les femmes du village. Ils avaient le culte du sacrifice. Pas moi. Je respecte le travail bien fait. L'aide au plus traqué que moi, la générosité entre les hommes et l'égalité pour tous. Les communistes ont fini pas trop obéir, des militants sans tête. D'ailleurs, c'est ce qu'on leur demande, aux militants. J'étais jeune quand je les ai rejoints en 1935, et j'étais détruit par trop de deuils quand je les ai quittés. L'espoir d'un monde meilleur, plus juste, on était tous d'accord. Mais la jeunesse qui crève dans les fossés, les partisans sacrifiés, le dévouement absurde à Moscou, ça fait autant de dégâts que la guerre.
"Ils ne parlaient toujours pas. Les mots ne sont que des béquilles. Lorsque les émotions sont trop vives, ce sont les gestes qui expriment d'abord la fracas des cœurs."
La volonté de mourir quand la vie devient trop difficile, que le moment est arrivé, que la peur s'est effacée devant la curiosité est un droit. Emile avait suffisamment de sagesse pour accueillir avec soulagement cette perspective vertigineuse. Le vieil homme en avait assez de la faiblesse, des souffrances qui s'insinuaient peu à peu dans ses veines. Il avait été libre toute sa vie et comptait bien obtenir d'Iban et Annabelle ce droit le plus absolu. Celui de décider seul du jour de sa mort. Et ce jour était enfin arrivé.
Emile avait toujours pensé que l'on ne nait pas par hasard, mais que l'on s'incarne dans un être particulier pour accomplir un certain nombre de choses, les comprendre ou les réparer. Subir des épreuves qui font grandir l'âme. Emile en avait fini avec son apprentissage.
« Les mots ne sont que des béquilles.
Lorsque les émotions sont trop vives, ce sont d’abord les gestes qui expriment le fracas du cœur. »
Mais Émile s'était déjà retiré du monde, à l'écoute d'une autre exigence qui se levait. Lorsque le premier rayon du soleil frappa la cime des arbres et de sa forêt, il mourut. Elle ne vit pas sa belle âme s'échapper enfin de cette douloureuse carcasse qu'il traînait depuis quatre-vingt-douze ans, mais Annabelle sursauta sans raison....
"Le destin offre parfois une chance, une infime chance qu'il faut saisir. Les avertissements sont imperceptibles, diffus, obscurs, bien trop inaudibles pour qu'on y prenne garde."
Il avait des amis dans les milieux politiques. Ce qui en soit n'est pas un gage de bonne conduite, tant s'en faut.
« Il ne faut pas continuer sa vie,
Il faut chaque fois la recommencer . »
Elle retourna à la voiture, remit le contact, garda la portière entrouverte et roula au pas vers le vide. Tout doucement. Elle passa au point mort, sentit la voiture prendre un peu de vitesse. Et quand elle fut certaine que tout se passerait comme prévu, elle sauta et roula sur le sol. Sans même se faire une égratignure.
Le son extraordinaire de l’impact de la carrosserie sur l’eau, suivi du bouillonnement incroyablement puissant qui s’infiltrait par toutes les fenêtres qu’elle avait pris bien soin d’ouvrir complètement, la fit sourire.
Elle attendit longtemps, immobile, accroupie sous un arbre, que le silence revienne. Alors seulement et sans aucune appréhension, elle reprit gentiment le sentier forestier pour retourner chez elle. Sa nouvelle amie lui chuchotait des encouragements et des félicitations dans le creux de l’oreille.