Au début de l’année 1863, la tension n’est pas retombée ; elle paraît même à son paroxysme, en Prusse comme en Europe, ce qui n’est pas sans expliquer d’ailleurs qu’au personnage de Bismarck seront désormais irrémédiablement associé l’outrance, le cynisme, la violence. Songeons en effet que quatre mois, presque jour pour jour, après sa nomination, suivie du discours semblant promettre à l’Europe « le fer et le sang », la Prusse masse quatre corps d’armée sur ses frontières orientales. Est-ce là le début de la décennie, guerrière, du processus d’unification allemande, une décennie qui verra la Prusse affronter successivement le Danemark (1864), l’Autriche (1866) et enfin la France (1870), pour en triompher ?
La littérature historique ne semble guère avoir de doutes, qu’elle le déplore ou s’en félicite, voyant du même coup dans l’action bismarckienne en janvier 1863 tout à la fois la première étape de son programme de politique extérieurs, la clef d’interprétation de ce fameux programme et, évidemment, son premier succès incontestable. Ainsi s’est construite une histoire officielle si bien charpentée qu’il fut longtemps difficile de la remettre en cause dans son ensemble, c'est-à-dire sans se limiter aux détails les plus douteux de son récit.
Cette histoire commence avec la Convention Alvensleben ou plus exactement, Bismarck l’a(ré)écrite ainsi.
P. 53 - 54
Car ce que propose Bismarck, découpler une politique étrangère libérale et une politique intérieure conservatrice, est une aberration aux yeux des légitimistes, comme, du reste, de la grande majorité des libéraux. Ce projet lui vaut et sa réputation de l’époque et le surnom que vulgarisa pour lui son biographe Lothar Gall « révolutionnaire blanc ». Mais sans doute pourrait-on tout autant dire « conservateur rouge » car son identité politique de conservateur ne fait guère de doute ; les instruments « révolutionnaires » renvoyant aux choix des moyens pour parvenir à ses fins de puissance.
p. 43