— S’il vous plaît, laissez-moi passer, croassa-t-elle.
— Dans une seconde, dit-il avec un bref sourire en ayant le sentiment que cette jeune femme difficile avait peut-être finalement saisi le message. Dites-moi ce qu’il faudra pour que vous acceptiez. Donnez-moi votre prix, si c’est là le problème. Max dit que vous êtes exceptionnellement douée même pour une jeune louve et j’ai besoin de vous à Amsterdam. C’est important.
— Pour vous.
— Oui. C’est justement ça. Vous ne pouvez pas dire que vous ne voulez pas travailler pour les Entreprises Knight. Tout le monde le veut.
— Pas tout le monde.
Petit réflexe d’étonnement encore. Il n’était vraiment pas habitué à la dissension.
— Écoutez, je suis désolé si j’ai dit quelque chose qui vous a offensée.
Dominic Knight se trouvait devant elle dans toute sa beauté sombre et sensuelle, tout près, son regard vif l’évaluant de la tête aux pieds d’une manière nonchalante qu’elle aurait dû s’en trouver offusquée plutôt que d’éprouver un profond sentiment de plaisir. Elle faillit retenir son souffle, mais se rattrapa à temps parce qu’il aurait été extrêmement embarrassant et inutile de saliver devant Dominic Knight. Il se tapait des mannequins, de jeunes aristocrates et des prostituées de luxe. En faisant ses recherches sur sa vie personnelle, elle avait eu l’impression de lire Entertainment Weekly.
Elle avait fait sa recherche comme elle le faisait toujours avant une entrevue, alors elle le connaissait. Trente-deux ans, diplômé de Stanford, voyageur aventurier, et milliardaire qui avait réussi plus ou moins par ses propres moyens et avait depuis longtemps cessé de compter les zéros. Excentrique également, mais il y en avait tant dans le monde des entreprises en développement. Peut-être même un peu plus qu’excentrique depuis la mort de sa femme. Mais ces rumeurs se limitaient à d’obscurs blogues dans le cyberespace, et il était impossible de les confirmer.
Non pas qu’elle se soit souciée des excentricités de l’homme dans le cadre de sa vie privée. Elle était ici parce que son entreprise l’avait recrutée au mit et le fait de travailler pour les Entreprises Knight, la société de capitaux à risque la plus innovatrice du monde, représenterait la réalisation d’un rêve.
Arrivée la veille de la côte est, elle s’attendait à rencontrer l’undes lieutenants de Dominic Knight au siège de l’entreprise à Santa Cruz, mais elle avait reçu, tôt le matin, de nouvelles directives par courrier électronique. Et c’est ainsi qu’elle se trouvait maintenant sur une tranquille rue résidentielle bordée d’arbres à Palo Alto.
À propos de pragmatisme et de la triste douleur du regret. À propos de l'amour et du désir, à propos de l'ombre d'une peur qui était si forte que les oreilles lui bourdonnaient. À propos de la panique croissante qu'elle éprouvait à l'idée de le perdre.
Elle avait besoin de partir, et ça ne relevait pas seulement d’un mauvais karma. Les hommes ne l’ébranlaient pas à ce point. Ou, en tout cas, ça ne s’était jamais produit.
Une tâche plutôt difficile avec Mlle Hart. Elle n’était ni docile ni obligeante.
Une pensée qui ne le laissait pas indifférent.
Mais il était d’abord un homme d’affaires. Il y aurait suffisamment de temps pour d’autres choses quand Mlle Hart aurait fait son travail. Depuis qu’il avait perdu Julia, les femmes lui étaient indifférentes pour quoi que ce soit d’autre que le sexe et cela, il pouvait en trouver partout.
Katherine représentait tout ce qui était bon dans sa vie. Pourtant, leur rencontre avait constitué un tel hasard du destin, comme gagner à la loterie, qu’il s’inquiétait que le vieil adage — la seule certitude à propos de la chance, c’est qu’elle changera — puisse être vrai.
Même si elle savait que c’était incroyablement stupide de pleurer sa relation avec quelqu’un comme Dominic Knight qui pouvait avoir n’importe quelle femme qu’il voulait et le faisait probablement. Cet appel, c’était peut-être le destin qui lui disait qu’il était temps d’oublier un salaud éhonté, sans cœur, malheureusement trop séduisant et sexuellement talentueux. À classer sous la rubrique extrêmement sexy, mais non disponible. Les femmes lui passaient à travers les mains à vitesse grand V.
N’oublie pas que les filles aiment ça ou n’aiment pas ça, alors sois attentif », et il avait toujours écouté par la suite. C’était comme d’apprendre une nouvelle langue qui facilitait le voyage en terre étrangère. Et, au fil des années, ses visites régulières en Inde avaient perfectionné chez lui l’art du contact physique. Le toucher induisait un courant subtil de petits cercles du bout des doigts, de lentes caresses favorisaient un rythme de désir.
Elle tressaillit en entendant la fureur dans la voix de Dominic Knight. Chaque mot était implacable, chargé de rage, le ton lui rappelant de manière inattendue des souvenirs depuis longtemps réprimés. Bon Dieu, elle n’avait plus pensé à tout cela depuis des années. Son estomac se noua comme il l’avait fait quand elle était enfant et elle sut : ce boulot n’allait pas fonctionner. Les gens qui s’emportaient étaient mauvais pour son karma.