Avec la mort de l'ex-capitaine maman Michèle se raccrocha à son fils, sans toutefois l'étouffer. Il acheva ses études secondaires et deux ans plus tard finit le conservatoire de la rue Phidias, où il étudiait le piano, avec la mention très bien. C'était ce qu'il serait toujours : très bien. En 1925 il fit son service militaire au ministère de la Marine, place Klafthomonos, comme interprète. Il écrivait les deux langues avec des fautes, mais les parlait comme des langues maternelles. Seul imperceptible défaut : avant de commencer une nouvelle phrase il hésitait un peu comme s'il ne pouvait décider dans laquelle des deux langues il allait poursuivre.
- J'en ai marre, dit Rania. Tu essaies de me bousiller.
- Moi je n'essaie pas de te bousiller, dit Yannis.
- Tu as bousillé ma vie, dit Rania
- Moi jusqu'à la dernière minute, la toute dernière minute, j'essaie, dit Yannis
- Mon cul, dit Rania.
- J'essaie de te mettre dans le crâne que tu ne dois pas détruire ton ménage.
- Si tu crois que de cette façon, dit Rania. De cette façon tu vas me faire entrer dans ton jeu.
- Non, dit Yannis. Puisque je te propose de discuter.
- De cette façon, dit Rania.
- Puisque je te propose, dit Yannis.
- Avoue, dit Rania. Avoue que tu m'as fait du tort.
- Arrête de crier, dit Yannis.
- Ah oui, dit Rania. J'ai été heureuse avec toi.
- Pour commencer, arrête de crier, tout le monde nous entend.
- Je m'en fous, dit Rania.
- Toi, dit Yannis. Tu te fous de tout.
- Tu entends ? dit Rania. Je n'ai rien à cacher.
- De tes enfants, de ton foyer, dit Yannis.
- C'est ça, dit Rania. C'est pour ça que ça fait sept ans que je reste là à souffrir le martyre.
- A souffrir le martyre, dit Yannis.
- Sept ans. Parce que je m'en fous de mon foyer.
- Arrête, dit Yannis."